Pierre Conesa, essayiste et haut fonctionnaire : «Ghaza vit sous perfusion internationale depuis 2007»

Pierre Conesa

Pierre Conesa a été membre du Comité de réflexion stratégique du ministère de la Défense français. Il est l’auteur d’oeuvres remarquables, notamment son célèbre «La fabrication de l’ennemi», «Vendre la guerre» et «Le complexe militaro-intellectuel». Dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder, il est question de débattre de la guerre à Ghaza, du traitement que lui a été réservé par les milieux politiques et médiatiques occidentaux, de la position des pays arabes, des propositions de sortie de crises faites par la Russie et de la Chine…etc.

L’Expression: Quelle analyse faites-vous de ce qui se passe aujourd’hui à Ghaza en particulier et des mouvements des différents rapports de force, qui se manifestent militairement dans la région du Moyen-Orient, en général?
Pierre Conesa: Il se passe beaucoup de choses en ce moment dans la région et il nous faudrait plus de temps pour balayer tous les problèmes. On voit bien que l’attaque du Hamas a creusé un fossé entre les dirigeants et «la rue arabe». En Occident, on cherche la responsabilité de l’Iran alors qu’on n’en a aucune preuve.

Le véritable objectif du gouvernement israélien d’extrême droite n’est-il pas de s’accaparer la bande de Ghaza, au vu de l’évolution de la guerre et du déplacement des populations ghazaouies?
Non, je ne le crois pas. Au contraire la situation de ghetto imposé à Ghaza sur lequel vivent plus de 2 millions de personnes qu’aucun des pays arabes ne veut accueillir est plus «cynique» que la simple annexion. Je rappelle que Ghaza a une superficie équivalente au territoire de Belfort, en France sur lequel ne vivent que 50 000 personnes alors que plus de 2 millions de Palestiniens sont concentrés, coupés du reste du monde sauf par un accès limité par l’Égypte. Ces 2 millions de personnes, survivent sous perfusion internationale en raison du blocus imposé depuis 2007.
Quelques semaines seulement avant l’attaque du Hamas du 7 octobre, la Banque mondiale appelait à une «action urgente» pour sortir les territoires palestiniens du marasme économique. L’institution de Washington, qui ne souhaite plus communiquer sur la situation sur place, listait les indicateurs alarmants dans un rapport publié le 18 septembre: un taux de chômage à 25%, un taux de pauvreté à 24% et des infrastructures de santé en déshérence et des pénuries de médicaments.
Un premier convoi de 200 camions est arrivé après quarante-neuf jours de bombardements, eau, nourriture et médicaments par le point de passage de Rafah, au sud, vendredi 24 et samedi 25 novembre dernier, aux premiers jours d’une trêve conclue entre le Hamas et Israël. Au moins 129 000 litres d’essence ont aussi été distribués pour que des infrastructures comme les hôpitaux puissent s’alimenter en électricité grâce à des générateurs. C’est le plus grand convoi humanitaire autorisé depuis le début de la guerre sur un territoire où la moitié des bâtiments ont été détruits et 1,7 million d’habitants, sur les 2,4 millions que compte l’enclave, ont été déplacés.

L’anéantissement de Ghaza et l’émiettement de la Cisjordanie, conjugués à ce que d’aucuns qualifient de nettoyage ethnique rendent la perspective d’un État palestinien impossible! Quelle est la responsabilité de la communauté internationale et du monde occidental dans cette injustice?
Je crois qu’il faut dire que Netanyahou, soutenu en particulier par les juifs radicaux (l’équivalent du Salafisme chez les musulmans) a démontré qu’il n’avait aucune intention d’appliquer les accords de Camp David. Sa politique en Cisjordanie (colonisation sauvage protégée par l’armée avec routes interdites aux Palestiniens) en est une preuve évidente. Le territoire de Cisjordanie est de fait ingouvernable. Jorge Moreira da Silva, directeur du Bureau des Nations unies pour les services d’appui aux projets (Unops), disait avoir vu plus d’enfants tués en cinq semaines que dans tous les conflits du monde au cours des quatre dernières années. Même les locaux de l’ONU ont fait l’objet d’attaques. Avant la crise, nous recevions en moyenne 500 camions à Ghaza. Au cours des quatre dernières semaines, ce sont en moyenne 40 camions qui entraient à Ghaza. Il est donc évident que ce chiffre est bien inférieur aux besoins de base qui seraient de 100. Donc si demain la Cisjordanie explose: dira-t-on que ce sont des extrémistes et des terroristes?

Le monde a pleuré à raison le massacre de millions de juifs durant la Seconde Guerre mondiale pour dire:«Plus jamais ça!» Ne voit-on pas que le drame dont ont été victimes les juifs risque aujourd’hui en ces temps de haine et de manipulation de toucher n’importe quelle autre population?
C’est exact. Des massacres silencieux existent mais il faut pouvoir les faire connaître: le complexe militaro-intellectuel que j’ai étudié dans «Vendre la guerre», choisit et médiatise les crises. Certaines crises n’ont aucun «champion»: c’est le cas de la crise du Congo où les massacres se poursuivent dans l’indifférence générale. Le pays a connu deux guerres civiles: en 1996-1997 le président Mobutu est chassé du pouvoir par les rebelles soutenus par des États étrangers, notamment Rwanda, Angola et Ouganda.
La deuxième guerre du Congo se déroule de 1998 à 2003, implique une trentaine de groupes armés, et neuf pays africains, la plus grande guerre africaine contemporaine. Elle est aussi surnommée la «grande guerre africaine» ou encore la «(première) guerre mondiale africaine». Ce conflit a entraîné, selon les sources, le décès de 183 000 personnes selon des démographes européens à environ 4 à 4,5 millions de personnes principalement de famine et de maladies. Des millions d’autres ont été déplacées de leurs terres ou ont trouvé refuge dans les pays voisins.
Le conflit se poursuit dans le Kivu depuis 2004. Personne en Occident n’entend envoyer des troupes au Congo (RDC) L’inscription à l’agenda international, surtout en Occident, dépend beaucoup de l’action du complexe militaro-intellectuel: le passé antisémite est un sujet toujours à vif. Personne ne semble remarquer que chaque otage israélien libéré est échangé contre 2 à 3 prisonniers palestiniens «qui n’ont pas de sang sur les mains». Pourquoi donc étaient-ils en prison? Le chiffre de 4000 prisonniers palestiniens en Israël est-il exact? Si c’est le cas, le scandale est aussi là et pas seulement dans les prises d’otages.

On entend dire souvent ces derniers temps que la carrière politique de Netanyahu est finie! Mais pensez-vous qu’il y a de la chance à un gouvernement plus modéré, surtout avec l’anéantissement de la gauche israélienne?
Aucune chance! Je rappelle qu’Amichay Eliyahu, ministre israélien chargé du patrimoine est suspendu pour avoir évoqué l’emploi de la bombe nucléaire sur Ghaza. Il a depuis rétropédalé, précisant qu’il s’exprimait de manière «métaphorique» concernant l’arme nucléaire puisque l’État d’Israël faisait «tout son possible pour que les otages reviennent sains et saufs»: quid des Palestiniens? Gila Gamliel, la ministre israélienne du Renseignement,, a appelé la communauté internationale à promouvoir la réinstallation volontaire des Palestiniens hors de la bande de Gaza plutôt que d’envoyer de l’argent pour reconstruire le territoire actuellement bombardé par Israël.
Dans un texte publié par le Jérusalem Post, Gila Gamliel est membre du Likoud, le parti du Premier ministre Benjamin Netanyahu, propose de promouvoir la réinstallation volontaire des Palestiniens hors de la bande de Ghaza, pour des «raisons humanitaires».

La terminologie de l’armée israélienne est reprise sans distance et sans questionnements par les médias occidentaux: «Riposte», «frappes ciblées» ou «méthodiques», «opération contre le terrorisme», «guerre contre le Hamas», «bavures», «dommages collatéraux»…etc. Ne doit-on pas parler avec des mots plus précis pour décrire les faits: bombardements, pilonnage, destructions d’infrastructures, attaques, invasion terrestre, tueries de civils…etc?
Dans cette guerre, on n’emploie pas les mêmes mots pour désigner les mêmes faits. D’abord le terme de «terroristes», je rappelle toujours que le «terrorisme» est un moyen d’action du faible au fort et pas un ennemi: les résistants français pendant la Seconde Guerre mondiale étaient qualifiés par les Nazis de «terroristes».
Au début de la guerre d’Algérie en 1954, des massacres sur la population pied-noir avaient aussi été qualifiés d’actes de «terrorisme» et tous les hommes politiques français avaient juré qu’on ne négocierait jamais avec des «terroristes». Huit ans de guerre pour finalement aboutir à la paix et à l’indépendance.
C’est G W Bush qui a lancé le concept idiot de «guerre globale contre le terrorisme» qui lui a permis de déclarer la guerre à l’Afghanistan, puis à l’Irak alors qu’il n’y avait aucun Irakien, ni afghan (ni Nord-coréen) mais 15 Saoudiens sur les 19 kamikazes pourtant rien n’a été fait contre l’Arabie saoudite.
L’autre concept est celui de «dommages collatéraux» qui autorise à tuer des civils en faisant croire que ce n’était pas voulu. Je ne connais aucune bombe lancée d’avion qui fasse la différence entre femmes, enfants et combattants.

L’opinion au niveau mondial, notamment dans le monde arabe, a été choquée par le traitement médiatique et le parti pris des médias qui en disent long sur l’hypocrisie des valeurs occidentales et de ceux qui s’en revendiquent. Ne pensez-vous pas que ces contradictions minent ces pays, notamment la France, et creusent le fossé entre les dirigeants et les citoyens qu’on infantilise?
Il faut quand même rappeler qu’aucun pays arabe n’a assumé l’existence des Palestiniens. Les pays frontaliers, à commencer par la Jordanie, pays à majorité palestinienne, mais dirigée par une monarchie bédouine a massacré plus de Palestiniens que l’État d’Israël (Septembre noir entre 3 500 (sources jordaniennes) et 10 000 morts et plus de 110 000 blessés (sources palestiniennes).
Les massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila au Liban en septembre 1982 par les phalangistes lors de la guerre civile et surtout l’intervention israélienne au Liban auraient fait entre 460 et 3 500 victimes. Ne parlons même pas des pays du Golfe qui ont de l’espace et de l’argent, qui se sont bien préservés de toute présence palestinienne. Le Chili a accueilli plus de Palestiniens (500 000) que l’Arabie saoudite (300 000) ou l’Égypte, et les États-Unis plus que les Émirats arabes unis.
Cela dit, l’opinion publique est plus nuancée que vous ne le dites dans les pays occidentaux. Les universités américaines sont divisées, les partis politiques aussi. Les intellectuels également. L’accusation «d’antisémitisme» est une sorte de couteau suisse utilisé en toutes circonstances quand on critique Israël sans remettre en question son existence.
Par contre, il y a lieu de s’inquiéter des multiples manifestations antisémites anonymes qui ont éclaté en France, qui ont sans doute fait écho aux évènements au Proche-Orient, mais pas seulement. Cet antisémitisme a ses racines en France dans le séparatisme musulman. Incontestablement l’antisémitisme en France, n’est plus le fait de l’extrême droite, mais de certains musulmans.
La trahison des États arabes et l’hypocrisie sont assez connues et c’est ce qui explique en partie la fin du panarabisme, l’isolement des pouvoirs arabes et la montée des mouvements islamistes radicaux!

On a vu la Chine et la Russie et d’autres pays se proposer en médiateurs, mais ils ne sont pas écoutés… On a l’impression que le monde occidental gère sans aucune légitimité le débat et monopolise le droit à la parole…
C’est effectivement le cas: certainement parce que la responsabilité occidentale dans la Shoah et dans la création de l’État d’Israël, l’oblige à assumer le passé. Mais rien ne remplacera un face-à-face entre Palestiniens et Israéliens.

Dans ce cas-là, au-delà du face-à- face entre Palestiniens et Israéliens, les Occidentaux ne sont-ils pas en train d’exclure une grande partie du monde dans des crises qui engagent parfois le destin de toute l’humanité?
Le bilan désastreux de l’hégémonie occidentale, née après la disparition de l’Urss et la guerre du Koweït (une vingtaine d’interventions militaires extérieurs), est surtout révélée par le refus de pays qui représente les ¾ de l’humanité, d’appliquer l’embargo contre la Russie, et la réaction de certains pays du Sahel contre la France.

Kamel LAKHDAR CHAOUCHE


Pierre Conesa : Ancien haut fonctionnaire du Ministère de la Défense


          Face à la propagande mensongère occidentale

                                  Ghaza Éclaire le monde

En 1948, la nuit coloniale tombe sur la Palestine. Ses lueurs effrayantes ne vont pas au-delà en raison des dynamiques émancipatrices à l’œuvre au même moment dans le reste du monde colonisé.

En effet, l’attention de l’opinion mondiale s’est très peu focalisée sur l’entreprise colonialiste qui s’amorce alors en terre palestinienne en vertu d’une doctrine improbable de sa légitimation apparue dans l’Europe de la fin du XIXe siècle: le sionisme. Au moment où la présente contribution est écrite, trois quarts de siècle sont passés sur ce fait stupéfiant de l’histoire contemporaine. Pendant cette période, la quasi-totalité des gens ordinaires de tous les pays a été conditionnée et plongée dans un épais brouillard par une propagande mensongère visant un quadruple objectif: 1- utiliser les crimes horribles perpétrés par les nazis à l’encontre des juifs d’Europe pour valider le principe de la concrétisation de la Déclaration Balfour de 1917; 2- attacher solidement la pensée et la conscience universelles au fait que l’occupation de la Palestine n’a rien d’un phénomène colonial parce que ce dernier était désormais englouti dans le processus des indépendances lancé après la Seconde Guerre mondiale; 3- entretenir dans les esprits la confusion trompeuse entre l’idéologie conquérante que représente le sionisme et la religion biblique que représente le judaïsme; 4- justifier en conséquence la terreur par laquelle les promoteurs sionistes de l’entité israélienne étaient résolus à briser les volontés indisciplinées des Palestiniens qui n’ont jamais consenti à s’incliner malgré une variété impressionnante d’exactions commises contre eux. Le drame ahurissant qui se joue à Ghaza, devenue depuis 2007 une prison à ciel ouvert, résume à lui seul la trajectoire pathétique d’un peuple qui n’a jamais changé de but. Ecartant pour toujours l’idée d’un crépuscule de l’espérance, il s’est tourné vers la transcendance, c’est-à-dire la foi en la justice divine, et vers le droit international, c’est-à-dire la confiance dans la justice des hommes.

Un peuple face à la sauvagerie
Celui-ci a fait naître, en tant qu’arbitre, des obligations pour les États du monde entier envers une cause juste et des victimes palestiniennes de plus en plus nombreuses. En effet, chaque jour qui passe apporte en Palestine occupée son lot de situations mettant à l’épreuve la pertinence pratique des grands principes fondateurs de la doctrine universelle des droits humains proclamés successivement en Amérique (1776 et 1787), en France (1789) et au niveau de l’ONU (1948). Reste à savoir qui peut en garantir une application effective.
C’est à l’évidence le Conseil de sécurité des Nations-unies. Mais il ne fait plus aucun doute que ce dernier s’est affranchi du respect des résolutions qu’il a lui-même édictées en la matière durant des décennies. Autant dire qu’il ne reste plus au malheureux peuple de Palestine face à la sauvagerie de ses bourreaux que deux alternatives complémentaires: 1- le recours à d’autres systèmes normatifs, notamment la morale et l’opinion publique; 2- la résistance.
S’agissant de l’influence de la conscience morale, elle a bel et bien atteint ses limites parce que, dans ce berceau de prestigieuses forces spirituelles qu’est la Palestine, les ressources de la moralité sont laissées en jachère depuis que les extrémistes israéliens, repliés dans leur indignité, malmènent sans vergogne les droits légitimes des Palestiniens. De plus, ladite conscience morale tend fatalement à s’effriter en raison des calculs politico-stratégiques et des gros intérêts en jeu dans la région du Moyen-Orient.
C’est dire que la morale n’est plus d’un grand secours. Aussi, la haine poursuit-elle son enracinement tandis que se désagrège pas à pas la conscience démocratique elle-même au sein de la société israélienne où une disposition d’esprit ségrégationniste a tendance à s’installer.

Une mentalité de colonisateurs
Cet état de fait est d’autant plus insoutenable que la mentalité juridique des sionistes israéliens s’adosse en l’occurrence au droit occidental qui, accordant à la personnalité individuelle une place centrale, «instaure une distinction radicale entre les humains (qui) peuvent faire valoir leurs droits et les non-humains (qui) demeurent soumis au même régime juridique que les choses inanimées» (A. Lockmann et M. Arégui, 2023). On a vu depuis le 7 novembre 2023 qu’une telle idée inspire bel et bien les gouvernants israéliens qui assimilent ouvertement les Palestiniens à des animaux qu’il faudrait traiter en tant que tels. En cela, ils ne font d’ailleurs que renouer avec la mentalité des anciens colonisateurs européens qui traitaient de terroriste le colonisé se battant pour sa dignité et qui refusaient obstinément de lui reconnaître le noble mérite du combattant de la liberté. Les Palestiniens le savent par référence à l’expérience algérienne, notamment. L’une des leçons qu’ils en ont sans doute tirée est que dans la solitude et la détresse, il leur incombe de poursuivre la résistance tout en s’en remettant à l’opinion publique, c’est-à-dire au nombre pour une fonction qui n’est pourtant pas directement la sienne.
S’agissant de l’opinion qui constitue une «force supérieure à celle des gouvernants» (Pascal, 1623-1662, cité par J. Julliard-2009), elle est déterminante, principalement dans les grands pays de démocratie libérale où se joue véritablement le sort de la Palestine. D’où l’exigence d’une action d’éclaircissement et de sensibilisation dans cette direction. Une telle action relève de prime abord de la médiation journalistique.
Or, celle-ci est mal assurée par les médias les plus influents dont le plus grand nombre ne met pas en conformité, sur le dossier palestinien, son attitude avec les principes du métier qu’il pratique.
¨À ce propos, il est bien établi que la tendance sur ce dossier n’est plus à l’information mais à la déformation. Par parti pris flagrant, tout est arrangé pour dissimuler à l’opinion publique la réalité du problème de la Palestine. En effet, aux règles juridiques et morales régissant l’art d’informer, se substituent celles de la manipulation mentale des masses qu’E. Bernays (1891-1995) qualifie de «fabrique du consentent». A vrai dire, une telle attitude n’est pas surprenante de la part de médias qui font passer sur ce sujet les préjugés avant l’information.

La manipulation mentale des masses
Elle n’est pas surprenante non plus de la part de médias édités dans des pays où l’esprit marchand prédomine et où le souci d’amasser de l’argent conditionne l’orientation des lignes éditoriales.
Autant de faits qui rendent utopique leur implication dans la mobilisation de l’opinion en faveur de la cause palestinienne, même si la liberté de dire et de montrer la Palestine leur est juridiquement garantie. Que reste-t-il alors au peuple palestinien pour emporter la sympathie, voire le soutien actif de l’opinion publique? Il lui reste une ultime solution: faire usage de sa bravoure comme l’a fait le peuple algérien par exemple un certain mois de novembre de l’année 1954. C’est effectivement ce qu’il a décidé de faire le 7 novembre 2023 à Ghaza. Simple coïncidence de calendrier ou signe du destin, cela n’a en tout cas pas échappé à l’intelligence des peuples du monde global auxquels le spectacle bouleversant des crimes commis par les gouvernants sionistes a pleinement ouvert les yeux.
Ces peuples comprennent désormais que la démence de ces gouvernants n’a plus de limites et que, pour eux, seuls comptent les gains financiers, les possessions territoriales et les positions de pouvoir, quelles que soient les exactions perpétrées envers les Palestiniens. Voilà pourquoi la rue s’est éveillée partout, y compris en Occident où elle s’est mise à douter des versions médiatiques sur les évènements de Ghaza. Se forgeant sa propre idée de la problématique coloniale du Moyen-Orient, elle exprime à présent ouvertement sa solidarité avec les habitants de cette ville martyre. Renvoyant dos à dos les politiciens pusillanimes soumis à la pression des lobbies sionistes et les médias alignés en ordre de marche derrière leurs sponsors pro israéliens, les citoyens ordinaires sortent ainsi de leur froideur et envahissent la rue aux quatre coins du monde en brandissant le drapeau palestinien. Même des journalistes d’organes prestigieux de la presse occidentale, ainsi que des hommes politiques, tous scandalisés par ce qui se passe, apparaissent en pleine lumière hors de l’atmosphère brumeuse des salles de rédaction des journaux et des sièges d’état majeur des partis pour crier leur indignation et pour faire bouger les lignes en pointant le doigt sur la mentalité sioniste, cette infection morbide qui détériore le vivre ensemble au Moyen-Orient. C’est là en tout cas un phénomène inédit qui a pris une dimension mondiale grâce à la dissipation de l’obscurité qui enveloppait la question palestinienne depuis près d’un siècle.
Désormais, on peut penser que, sauf retournement inattendu, rien ne sera plus comme avant dans le regard de l’opinion internationale. Car Ghaza l’aura éclairée de sa lumière émouvante, rougie par le sang des victimes innocentes tombées sous des tonnes de bombes larguées sans répit pendant des jours qui auront été parmi les plus longs de l’histoire humaine.

Hachemi Djiar


 

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