Algérie / Miser sur les diasporas et combattre l’oligarchie

       

 

Un essai intitulé L’Algérie aléatoire*, conçu par Farid Daoudi, soulève des réflexions pertinentes sur deux défis majeurs auxquels l’Algérie est confrontée : la valorisation des diasporas algériennes et la lutte contre l’oligarchie. Bien que l’on ne puisse confirmer la circulation réelle de cet ouvrage dans les sphères du pouvoir, les thématiques abordées méritent d’être examinées, tant elles semblent susceptibles d’inspirer les futures orientations gouvernementales.

Le levier des diasporas : Un potentiel à exploiter

Selon les estimations de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), près de 1,8 million d’Algériens vivent à l’étranger, principalement en Europe et en Amérique du Nord. Parmi eux, on dénombre une pléiade de professionnels hautement qualifiés, évoluant dans des domaines stratégiques tels que les nouvelles technologies, la finance, la santé ou l’éducation. Comme le souligne Farid Daoudi dans son ouvrage, ces compétences acquises au sein de nations à la pointe du progrès constituent un atout majeur pour l’Algérie. «Les investissements seront naturellement les bienvenus, mais c’est surtout le savoir-faire des Algériennes et des Algériens des diasporas qui est susceptible d’être d’un très grand apport pour le pays», écrit-il.

En effet, le transfert de ces savoirs permettrait non seulement de combler les déficits sectoriels, mais aussi d’insuffler une dynamique d’innovation et de modernisation au tissu économique national. Une perspective qui semble séduire les hautes sphères gouvernementales, désireuses de rompre avec le modèle traditionnel du «migrant captif, réduit à ses seuls transferts financiers».

Des initiatives prometteuses ont d’ores et déjà vu le jour, à l’instar du programme «Diaspora Invest» qui encourage les investissements des Algériens de l’étranger dans des start-ups innovantes. Mais c’est l’implication globale des diasporas, au-delà du simple aspect financier, qui pourrait marquer un tournant décisif pour le développement du pays.
Le spectre de l’oligarchie : Un combat pour la justice économique
Parallèlement à cette réflexion sur les diasporas, l’ouvrage de Farid Daoudi aborde un autre sujet brûlant : la lutte contre l’oligarchie. Ce phénomène, qui se caractérise par la concentration excessive de la richesse et du pouvoir économique entre les mains d’une petite élite, représente une menace pour l’équité sociale et la prospérité durable de l’Algérie.

Les chiffres sont éloquents : selon un rapport de la Banque mondiale cité dans le livre, les 10% les plus riches de la population algérienne détiennent près de 27% des richesses nationales, tandis que les 10% les plus pauvres n’en possèdent qu’à peine 2,8%. Une fracture économique abyssale qui se creuse d’année en année, alimentée par des pratiques opaques et une gouvernance défaillante.

Au-delà des statistiques, l’oligarchie engendre des conséquences profondes sur les plans économique et sociétal. D’un côté, la mainmise d’une élite sur les secteurs stratégiques entrave la concurrence libre et freine l’émergence de nouvelles entreprises, bridant ainsi la croissance et l’innovation. De l’autre, cette concentration excessive des richesses alimente les inégalités, la frustration populaire et les tensions sociales.

Face à ce défi de taille, Farid Daoudi préconise une approche globale, alliant réformes structurelles et renforcement de la transparence. Il insiste notamment sur la nécessité de muscler le cadre juridique et réglementaire afin de lutter efficacement contre les pratiques anticoncurrentielles, la corruption et l’évasion fiscale, autant de fléaux qui nourrissent l’oligarchie.

Un rôle-clé pour la société civile

Que ce soit pour la valorisation des diasporas ou la lutte contre l’oligarchie, l’auteur de «L’Algérie aléatoire» souligne l’importance cruciale de la société civile. En faisant entendre sa voix et en exerçant une pression citoyenne, celle-ci peut peser sur les décisions politiques et contribuer à façonner un modèle de développement plus juste et plus inclusif.

A l’image du hirak, ce mouvement populaire qui a réussi à ébranler un système sclérosé en 2019, la mobilisation de la société civile autour de ces causes pourrait marquer un tournant décisif dans l’histoire économique et sociale du pays.

Il est regrettable que l’ouvrage L’Algérie Aléatoire semble être ignoré par les hautes instances. Cependant, il est possible que cette perception puisse évoluer avec le temps, surtout si l’essai suscite un intérêt croissant au sein de la société civile et des cercles intellectuels.

Il semble qu’il ait le potentiel d’influencer les programmes gouvernementaux, selon d’éminents spécialistes en communication, Mohamed Réda Mezoui, ancien directeur de laboratoire de recherches à l’université d’Alger et Chaouch Ramdande Zoubir, ancien recteur de l’université de Tlemcen, ou de Kaddour Naïmi, homme multiculturel des arts et des lettres de notoriété publique. Leur appréciation de l’essai suggère qu’il pourrait offrir des idées novatrices et des perspectives utiles pour orienter les politiques de développement en Algérie.


Par Farid Daoudi , Chercheur associé Alger 3


* Essai à cachet encyclopédique de 4 tomes, achevé en mai 2018, paru aux éditions Universitaires européennes (juin 2023)


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