Dominique Casajus
Les Touaregs disposent de vieux alphabets dont les caractères reçoivent le nom de tafineq, mot qui au pluriel tifinagh désigne les alphabets eux-mêmes. Ils dérivent lointainement d’alphabets déjà attestés dans l’Antiquité, qui ont disparu au nord du Sahara et ont subsisté au sud sous la forme des tifinagh. Les Touaregs n’utilisent les tifinagh que pour des textes courts : petites missives, graffiti sur les arbres, les rochers ou les ustensiles quotidiens.
À l’époque où je vivais parmi eux, ils n’imaginaient pas qu’on pût les utiliser pour écrire des livres semblables à ceux qu’ils voyaient écrits en arabe ou en français. Quelques intellectuels ont entrepris de créer des versions modernisées de ces alphabets (on parle à leur sujet de « néo-tifinagh »), mais, sans qu’ils en aient conscience, la conception de l’écriture et de la lecture qu’ils veulent ainsi promouvoir est profondémént différente de celle qui prévalait jusque-là parmi leurs contribules non-lettrés. Avec pour résultat que les alphabets « modernisés » qu’ils ont ainsi créés sont illisibles pour les Touaregs qui ne maîtrisent pas déjà l’écriture latine. Ce malentendu est le sujet du présent article.