Crise libyenne : Les fils de Haftar font main basse sur le pouvoir à Benghazi

 

 

Un Fond de développement a été créé sur mesure pour Belgacem Haftar, promu Super-ministre à l’Est libyen aux pouvoirs très étendus. Saddam, l’autre fils monte en grade dans l’armée du vieux maréchal Khalifa Haftar, équipée par les Emirats et l’Egypte et jouant à fond le jeu de déstabilisation régionale d’Abu Dhabi. Les marchés juteux de reconstruction en Libye représentent des appâts pour la communauté internationale et les belligérants locaux.

Les dossiers de la reconstruction de la ville de Derna et des autres villes de l’Est libyen détruites par les dernières tempêtes attisent d’autant plus les convoitises que la Libye dispose des moyens financiers nécessaires pour régler ses engagements.

Plusieurs pays sont dans la course pour l’obtention de ces marchés très juteux. Mais, à l’Est libyen, Egyptiens et Emiratis devancent tous les autres prétendants puisqu’ils sont les pays qui ont le plus aidé le clan Haftar à construire la force militaire lui ayant permis d’anéantir les extrémistes religieux d’abord à Benghazi et, ensuite, à Derna.

Ainsi, ce n’est pas un hasard si les lois administratives d’octroi des marchés publics ont été bousculées pour permettre d’avantager les amis du maréchal autoproclamé Khalifa Haftar dans l’octroi des marchés juteux de la reconstruction de Derna et des autres villes de l’Est libyen. Des adjudications ont été même attribuées avant même que les coûts ne soient précisés.

Du jamais vu ! Pour couper court aux surenchères sur l’attribution desdits marchés de la reconstruction en Libye, les premières lois de la nouvelle année 2024 ont porté sur la création et les attributions d’un nouveau fond, créé par le gouvernement Hamed, celui du développement et de la reconstruction.

Le Parlement libyen, réuni le 6 février 2024 à Benghazi, a décidé la création de ce fonds et lui a précisé ses attributions et ses sources de financement. Le Parlement a ainsi ordonné de mettre toutes les institutions publiques libyennes, en charge du développement et de la reconstruction, sous l’autorité de ce fonds et désigné Belgacem Haftar pour le diriger.

Le Parlement a accordé au directeur général de ce fonds les prérogatives d’un ministère de Plan et des Finances ainsi que la latitude de s’octroyer les fonds nécessaires pour réaliser ses objectifs. Le cadet des Haftar est désormais un super-ministre avec des pouvoirs très étendus.

La rapidité de la création du Fonds et pareilles attributions législatives sur ses pouvoirs exceptionnels émanent d’un souci chez le clan Haftar de ménager leurs amis, d’où l’article de non-respect des réglementations d’attribution des marchés publics et celui de ne pas subir le contrôle de la Cour des Comptes ! Les législateurs du Parlement libyen sont conscients de leurs écarts et cherchent une simili-protection législative.

Les raisons d’un zèle

Le clan Haftar  détient déjà toutes les clés du pouvoir dans l’Est libyen. L’aîné Saddam passe de grade en grade dans la hiérarchie militaire. Il est à la tête du bien équipés bataillon Tarek Ibn Zied, dont l’effectif dépasse les 6000 hommes et auxquels le vieux Maréchal attribue les missions délicates, comme la capture du défunt Brahim El Barghathi, ex-ministre de Défense dans le gouvernement de Fayez Essarraj, lorsqu’il était rentré à Benghazi en Octobre dernier. Saddam Haftar et ses troupes n’ont pas hésité outre-mesure à éliminer la garde rapprochée de Barghathi avant de mettre la main sur lui.

Le clan Haftar a accusé le défunt Barghahi de chercher à semer la zizanie en Cyrénaïque, après des années d’épuration sous la direction du vieux maréchal Khalifa Haftar, appuyée par l’expertise des renseignements généraux égyptiens et le groupe russe Wagner. Haftar et ses généraux n’étaient pas prêts à abandonner leurs privilèges à l’Est en contrepartie d’une «prétendue démocratie».

Saddam Haftar veille au grain à la sécurité intérieure du pays. Il est disposé à mâter toutes les veillées subversives, courantes dans une Libye encore empreinte de tribalisme. L’aîné des Haftar s’occupe également des migrants irréguliers dès leur arrivée à la ville de Koufra, passage obligé pour accéder en Libye, qu’il soit du Soudan ou du Tchad. Personne ne peut également quitter les côtes libyennes sans la complicité des unités navales du bataillon Tarek Ibn Zied.  Le cadet des Haftar, Belgacem, s’occupe, quant à lui, des affaires.

Son avidité pour l’argent, l’autre nerf de la guerre, s’affiche clairement en passant en revue la liste des établissements qui seront sous son autorité en tant que directeur général exécutif du Fond libyen de développement et de reconstruction. Belgacem Haftar est le vis-à-vis des investisseurs et des bailleurs de fonds, qu’ils soient locaux ou étrangers. Il est déjà entré en pourparlers avec le groupe émirati «Global contracting» dans le cadre de la reconstruction de Derna.

Les Emiratis sont les bailleurs de fonds de Haftar depuis le début de l’opération Karama en 2014. Ils sont donc reçus avec les honneurs dans l’Est libyen. Par ailleurs, c’est loin d’être un hasard que la société égyptienne est choisie pour participer, elle-aussi, aux œuvres de reconstruction, soit celle de Brahim Arjani, l’homme du pouvoir égyptien au Sinaï et l’ami personnel de Mahmoud Essissi, le fils du Président.

Le groupe de Arjanigère, entre autres, le passage de Rafah avec la bande de Ghaza. Et comme le dossier de la Libye est entre les mains des renseignements généraux égyptiens, c’est normal que ces derniers nomment le groupe de leur homme, Brahim Arjani, pour les projets de l’Est libyen.

C’est donc entre familles que le dossier de reconstruction de la Libye est en train d’être géré et ce n’est sûrement pas, avec pareilles attitudes, que la Libye puisse avancer vers des élections dans un proche avenir. Chaque intervenant sur le dossier libyen ne pense qu’à ses propres intérêts, les puissances étrangères comprises. Et, jusque-là, la majorité des intervenants trouvent leur compte.


 

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