Le Groupe de Réflexion sur l’Algérie ( le GRAL) vous convie à son colloque : SITUATION ET PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES EN ALGERIE, des 1 et 2 juin 2024.
Programme: Samedi 1 juin – Première demi-journée: Économie Politique de l’Algérie
yModératrice/Modérateur : Mourad Boukella 12 :40 –12 :55 Speeches d’inauguration : (1) Lyazid Benhami: Présentation du GRAL (2) Arezki Ighemat : Importance d’un colloque sur l’économie algérienne ? 12 :55—13 :00 Présentation du panel par le modérateur 13 :00—13 :30 Ouarda Merrouche Situation et perspectives de l’économie algérienne 13:30—14:00 Ahmed Dahmani Économie politique des réformes en Algérie 14 :00—14 :30 Zahir Hadibi, Saib Musette, Yougourta Belache La fuite des cerveaux et le marché du travail en Algérie : Quels liens ? 14 :30—15 :00 Ahcène Zehnati Situation et perspectives du secteur de la santé en Algérie 15 :00—15 :45 Omar Aktouf (*) Économie algérienne : chercher des « recettes » ou changer de paradigmes ? (*) présentation de Powerpoint. 15 :45—16 :15 DEBAT
Deuxième demi-journée du 1er juin : Économie de l’énergie et de la rente
Modératrice/Modérateur : Omar Bessaoud 16:25—16:30 Présentation du panel par le modérateur 16 :30—17 :00 Abderahmane Mebtoul Les axes de la transition énergétique de l’Algérie 202-30 face au Nouvel Ordre Energétique Mondial 17:00—17:30 Amor Khelif Les mutations de la législation sur les investissements dans le secteur des hydrocarbures en Algérie 17:30—18:00 Rachid Ouaissa Impact de la rente sur la structure du pouvoir Algérien 18:00—18:30 Mohamed Bouchakour Les capacités de négociation de l’Algérie : un gap majeur 18 :30–19 :00 DEBAT 19 :00–19 : 15 Fin de journée Clôture de la journée par Aissa Kadri Dimanche 2 juin –
Troisième demi-journée : Economies monétaire et agricole
Modératrice/Modérateur : Ouarda Merrouche 14 :55—15 :00 Présentation du panel par le modérateur 15 :00—15 :30 Mourad Goumiri Dollarisation/Dé-dollarisation mondiale et impact sur l’économie algérienne 15 :30—16 :00 Ali Benouari La monnaie des BRICS : Problématique et enjeux stratégiques. Un nouveau paradigme pour une monnaie commune. 16:00—16 :30 Omar Bessaoud Les politiques de modernisation agricoles au Maghreb : enjeux et défis pour le futur 16:30—17:00 Mourad Boukella Algérie : aux origines de la dépendance alimentaire 16 :30—17 :00 DEBAT 17 :00—17 : 30 CLOTURE Speech de clôture (Lyazid Benhami)
Partie I
La situation économique actuelle : défis et opportunités
L’économie algérienne fait face à des défis de taille, notamment en termes de diversification, de création d’emplois et de réduction des inégalités. Bien que le pays ait connu une croissance économique récente autour de 4%, cette performance masque des réalités plus complexes sur le terrain.
Tout d’abord, la fiabilité des statistiques économiques en Algérie est remise en question. L’Office National des Statistiques (ONS) manque de moyens et d’indépendance, ce qui entache la qualité et la transparence des données produites. Ce manque de données fiables rend difficile l’élaboration de politiques économiques efficaces.
Par ailleurs, l’économie algérienne reste largement dépendante du secteur des hydrocarbures, qui représente plus de 90% des exportations. Cette dépendance excessive à la rente pétrolière fragilise l’économie face aux fluctuations des cours mondiaux. Les tentatives de diversification, notamment dans l’agriculture et l’industrie, n’ont pas encore porté leurs fruits.
Le chômage, en particulier chez les jeunes diplômés, demeure un défi majeur. Malgré une baisse ces dernières années, le taux de chômage des jeunes reste élevé, autour de 30%. Cette situation alimente un phénomène préoccupant de fuite des cerveaux, avec de nombreux jeunes qualifiés choisissant l’expatriation.
Enfin, les inégalités économiques et sociales restent importantes en Algérie. La répartition inéquitable des richesses et l’absence de politiques redistributives efficaces alimentent un sentiment de frustration dans une partie de la population.
Repenser le modèle économique : vers une transition écologique et solidaire
Face à ces défis, l’Algérie doit engager une profonde transformation de son modèle économique. Au-delà des ajustements techniques, c’est un changement de paradigme qui s’impose, plaçant les enjeux de développement durable, de justice sociale et de souveraineté économique au cœur de la stratégie.
Cela passe d’abord par un renforcement de l’appareil statistique national, gage de transparence et de pilotage efficace des politiques publiques. L’ONS doit être doté des moyens humains et financiers nécessaires pour produire des données fiables et indépendantes.
Ensuite, la diversification de l’économie doit être accélérée, en misant sur des secteurs à fort potentiel de création de valeur et d’emplois, comme l’agriculture, les énergies renouvelables ou l’industrie de transformation. Cela nécessite des investissements publics massifs dans les infrastructures et la formation, ainsi qu’un soutien ciblé à l’entrepreneuriat et à l’innovation.
Parallèlement, des réformes structurelles doivent être entreprises pour réduire les inégalités et promouvoir une croissance plus inclusive. Cela passe par une meilleure répartition des richesses, via notamment une réforme fiscale progressive et la lutte contre l’évasion fiscale. Des politiques ambitieuses en matière d’éducation, de santé et de protection sociale doivent également être mises en œuvre.
Enfin, la transition écologique doit être au cœur de la nouvelle stratégie économique. L’Algérie dispose d’atouts considérables dans les énergies renouvelables, qui doivent être pleinement exploités pour réduire l’empreinte carbone de l’économie et positionner le pays comme un acteur régional de premier plan dans ce domaine.
Conclusion : vers une Algérie prospère et durable
La transformation du modèle économique algérien est un défi de taille, mais également une opportunité historique de bâtir une économie plus résiliente, inclusive et respectueuse de l’environnement. En misant sur ses atouts, en renforçant ses institutions et en plaçant les enjeux de développement durable au cœur de sa stratégie, l’Algérie peut devenir un modèle pour la région et contribuer à façonner un avenir plus juste et durable pour tous.
Partie II
L’Algérie face aux défis énergétiques et économiques
La transition énergétique de l’Algérie face au nouvel ordre énergétique mondial
Dans cette deuxième session du colloque, le professeur Abderahmane Mebtoul a présenté les axes de la stratégie énergétique de l’Algérie pour la période 2020-2030. L’Algérie, en tant que pays gazier, doit faire face à de nouveaux enjeux liés à l’évolution du marché mondial de l’énergie.
Tout d’abord, le professeur Mebtoul a souligné que le mix énergétique mondial est appelé à évoluer dans les années à venir. D’ici 2050, environ 60 à 65% de la consommation mondiale d’énergie sera constituée d’un mélange de gaz naturel, d’énergies renouvelables (hydraulique, éolien, solaire, biomasse, géothermie) et d’hydrogène. Le gaz naturel restera donc une énergie importante, mais devra cohabiter avec le développement des énergies renouvelables.
Concernant la stratégie algérienne, le professeur Mebtoul a identifié six axes principaux :
1. Une politique maîtrisée de la transition énergétique dans la lutte contre le réchauffement climatique, avec notamment la réduction des gaz à effet de serre, le développement du barrage vert et des unités de dessalement d’eau de mer utilisant les énergies renouvelables.
2. L’amélioration de l’efficacité énergétique, avec la révision des méthodes de construction et une nouvelle politique tarifaire.
3. L’investissement en amont pour de nouvelles découvertes d’hydrocarbures traditionnels, avec un objectif d’accroître les exportations.
4. Le développement des énergies renouvelables (hydraulique, éolien, solaire, biomasse, géothermie) pour couvrir 40% de la demande nationale et 10% destinés à l’exportation.
5. Le développement de l’hydrogène vert, bleu et blanc, avec un objectif de fournir 10 à 15% des besoins en hydrogène de l’Europe d’ici 2030-2035.
6. La construction de la première centrale nucléaire algérienne à partir de 2025-2027 pour faire face à la demande croissante d’électricité.
Le professeur Mebtoul a également abordé les perspectives économiques de l’Algérie, soulignant la nécessité de diversifier l’économie pour éviter une dépendance excessive aux hydrocarbures. Malgré les défis, il a souligné que les prévisions économiques restent relativement optimistes, avec une croissance du PIB attendue autour de 4% en 2024.
Les mutations de la législation sur les investissements dans le secteur des hydrocarbures en Algérie
Le professeur Amor Khelif a ensuite présenté un panorama historique de l’évolution de la législation algérienne sur les hydrocarbures depuis la nationalisation en 1971 jusqu’à aujourd’hui.
Après la nationalisation, l’Algérie a instauré un monopole étatique sur la production pétrolière et gazière, confié à la compagnie nationale Sonatrach. Les investisseurs étrangers n’avaient accès qu’à des contrats de service technique, sans pouvoir participer directement à la production.
Face aux difficultés de renouvellement des réserves et de modernisation technologique, l’Algérie a ensuite adopté en 1986 un système de contrats de partage de production, ouvrant progressivement le secteur aux investisseurs internationaux. Cette évolution s’est poursuivie avec des réformes successives en 2005, 2013 et 2019, visant à simplifier les procédures et à offrir plus de flexibilité aux compagnies étrangères.
Cependant, le professeur Khelif a souligné que cette succession rapide de réformes législatives traduit un manque de vision à long terme et de stratégie cohérente pour le secteur des hydrocarbures. Il a également relevé le risque d’un retour à un système trop favorable aux investisseurs étrangers, au détriment des intérêts nationaux.
Les capacités de négociation de l’Algérie : un gap majeur
Enfin, le professeur Mohamed Bouchakour a abordé la question des capacités de négociation de l’Algérie, un enjeu crucial pour valoriser son potentiel économique et relever les défis auxquels le pays est confronté.
Selon le professeur Bouchakour, l’Algérie accuse un retard important dans le développement des compétences de négociation, à la fois au niveau individuel, institutionnel et national. Il a identifié plusieurs indices de ce déficit, comme les échecs de certains grands projets de partenariat, les pertes dans des arbitrages internationaux, ou encore la gestion déficiente des conflits internes.
Trois principales causes expliquent ce retard : une culture dominante héritée de l’économie centralisée, privilégiant la règle et la directive plutôt que la négociation ; le profil disciplinaire des managers, trop souvent issus d’une formation technique plutôt que managériale ; et la marginalisation des sciences humaines et sociales, pourtant essentielles pour développer les compétences de négociation.
Pour remédier à cette situation, le professeur Bouchakour a formulé plusieurs recommandations, comme la promotion d’une culture de la négociation dans la gestion des affaires publiques, l’intégration de la formation en négociation dans les programmes éducatifs, ou encore l’évaluation et le renforcement des compétences spécifiques dans les secteurs clés.
En conclusion, le développement des capacités de négociation apparaît comme un levier essentiel pour permettre à l’Algérie de valoriser son potentiel économique, de gérer ses conflits internes et externes, et de s’affirmer dans le nouvel ordre énergétique mondial.
Partie III
Vers une nouvelle économie algérienne : défis et opportunités
L’agriculture algérienne : un potentiel à exploiter avec précaution
L’Algérie dispose d’un potentiel agricole non négligeable, mais qui doit être exploité avec précaution. Bien que le mythe du « grenier à blé » de l’Algérie soit largement exagéré, le pays possède des atouts intéressants, notamment dans la viticulture et la production de fruits et légumes. Cependant, les contraintes naturelles, climatiques et foncières sont importantes et doivent être prises en compte dans toute stratégie de développement agricole.
Ainsi, le recours massif à l’irrigation dans le sud du pays, notamment pour la production laitière et sucrière, soulève des inquiétudes quant à l’épuisement des nappes phréatiques. Une approche plus respectueuse de l’environnement, privilégiant les cultures adaptées aux conditions locales, semble nécessaire. De même, la fragmentation des exploitations agricoles et la dégradation des terres cultivables constituent des défis à relever.
Face à ces enjeux, le développement de l’agriculture algérienne nécessite des politiques volontaristes, prenant en compte les spécificités régionales et les impératifs de préservation des ressources naturelles. L’expertise des scientifiques et des acteurs de terrain sera essentielle pour orienter ces politiques dans la bonne direction.
Réforme du système monétaire et financier : une condition sine qua non
Au-delà des questions agricoles, la réforme du système monétaire et financier apparaît comme une priorité pour l’Algérie. L’importance du marché parallèle des changes, l’omniprésence de l’économie informelle et la faiblesse du secteur bancaire constituent autant d’entraves au développement économique du pays.
Plusieurs pistes ont été évoquées, comme la mise en place d’une amnistie fiscale encadrée, la convertibilité du dinar ou encore l’utilisation du DTS (Droits de Tirage Spéciaux) du FMI comme monnaie de référence pour les échanges commerciaux. Ces réformes, si elles sont menées avec détermination, pourraient permettre de réintégrer l’économie informelle dans le circuit légal, de restaurer la confiance dans la monnaie nationale et d’attirer les investissements étrangers.
Cependant, ces changements ne pourront se faire sans une volonté politique forte et sans une ouverture du débat public aux élites techniques et économiques du pays. L’enjeu est de taille, car la réforme du système monétaire et financier conditionne en grande partie la capacité de l’Algérie à relever les défis économiques qui l’attendent.
L’économie informelle : un phénomène complexe à appréhender
L’économie informelle représente un défi majeur pour l’Algérie. Ses dimensions sont importantes, atteignant jusqu’à 40% du PIB selon certaines estimations, et ses ramifications s’étendent bien au-delà des petits commerces de rue.
Cette économie parallèle, qui échappe en grande partie à la fiscalité et aux réglementations, a des impacts à la fois positifs et négatifs sur la société algérienne. D’un côté, elle permet d’absorber une partie du chômage et de maintenir un certain niveau de cohésion sociale. Mais d’un autre côté, elle prive l’État de ressources fiscales importantes et alimente les réseaux de corruption.
Pour s’attaquer à ce phénomène complexe, il ne s’agit pas de le « combattre » frontalement, mais plutôt de l’accompagner dans une logique de transition progressive vers le secteur formel. Cela passe par des mesures incitatives, comme la mise en place d’un régime de protection sociale et de retraite adapté, plutôt que par une approche répressive. L’objectif est de restaurer la confiance des acteurs de l’économie informelle envers les institutions étatiques.
Au-delà, la lutte contre l’économie informelle doit s’inscrire dans une réforme en profondeur du système économique algérien, visant à réduire les inégalités, à diversifier les activités et à encourager l’entrepreneuriat formel. C’est à ce prix que l’Algérie pourra tirer pleinement parti des opportunités offertes par cette économie parallèle.
Les Brics : vers un nouvel ordre économique international ?
La question de la place de l’Algérie au sein des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) a également été abordée lors de ce colloque. Ce groupe de pays émergents, qui représente désormais près d’un tiers de l’économie mondiale, cherche à s’affirmer face à la domination du dollar et de l’ordre économique occidental.
Pour y parvenir, les Brics misent notamment sur la création d’une monnaie commune, qui permettrait de s’affranchir du système monétaire international actuel. L’utilisation du DTS (Droits de Tirage Spéciaux) du FMI a été évoquée comme une piste intéressante, en ce qu’elle offrirait une alternative stable et indépendante au dollar.
Cependant, l’adhésion de l’Algérie aux Brics semble pour l’instant compromise, en raison notamment de critères d’entrée jugés trop restrictifs par certains observateurs. Pour peser réellement sur la refonte de l’ordre économique mondial, les Brics devront sans doute revoir leur mode de fonctionnement et s’ouvrir à un plus grand nombre de pays du Sud.
Dans ce contexte, la capacité de l’Algérie à s’affirmer comme un acteur influent sur la scène internationale dépendra de sa capacité à mener les réformes économiques et institutionnelles nécessaires pour asseoir sa souveraineté et sa crédibilité.
Conclusion : vers une nouvelle vision économique pour l’Algérie
Ce colloque a permis de mettre en lumière la complexité des défis économiques auxquels est confrontée l’Algérie. De l’agriculture aux finances en passant par l’économie informelle, les pistes de réforme sont nombreuses et ambitieuses.
Au-delà des solutions techniques, c’est une véritable vision économique pour le pays qui semble nécessaire. Cette vision devra s’appuyer sur une meilleure valorisation des ressources naturelles et humaines, une diversification des activités, une réduction des inégalités et une intégration harmonieuse de l’économie informelle.
Surtout, la réussite de cette transformation économique passe par une ouverture du débat public et une implication accrue des élites techniques et intellectuelles du pays. C’est à cette condition que l’Algérie pourra relever les défis qui l’attendent et s’affirmer comme une puissance économique régionale et mondiale.
Pr. O. Aktouf-Situation/perspectives économiques en Algérie : changer de recette ou de paradigme ?
Cette vidéo réunit deux interventions du Pr. Omar Aktouf au colloque du GRAL de samedi 1er juin organisé par ALTERNATV ATV