Transition énergétique : L’expérience américaine du gaz de schiste est-elle transposable en Algérie ?

Photo : D. R.

Par  Krissat  Abdelaziz

La recherche des hydrocarbures en Algérie du Nord a débuté à la fin du XIXe siècle : le premier champ pétrolier fut découvert en 1949 à Oued Guétrini (situé entre Sidi Aïssa et Sour El Ghouzlane) par la Société SN Répal.

Elle s’est poursuivie au Sahara dans le plateau du Tidikelt (In Salah, Berga, Aoulef) où les sociétés CREPS et CEP mirent en évidence le premier gisement de gaz à In Salah en mars 1954.

L’année 1956 fut prolifique en découvertes majeures: Edjelé (pétrole) en février ; Zarzaitine (pétrole) en mai ; Hassi Messaoud (pétrole) en juin, découvert par les Sociétés SN Répal et CFPA qui ont également mis en évidence le gisement de Hassi Rmel (gaz) en décembre de la même année.

A eux seuls, les champs de Hassi Messaoud et de Hassi R’mel recèlent, aujourd’hui, près de 50% des réserves prouvées récupérables dont dispose le pays !

Après 1956, de nombreuses autres accumulations d’hydrocarbures furent découvertes, tant pour le gaz (Alrar, Hamra, Rhourde Nouss) que pour le pétrole brut (Ohanet, El Borma, Mereksen, Stah, Tin Fouyé Tabankort, Gassi Touil, Rhourde El Baguel, Haoud Berkaoui).

Dans la décennie 1990,le partenariat entre la Société nationale Sonatrach et ses associés, notamment l’italien AGIP (du groupe ENI) et l’américain Anadarko, a permis la découverte d’importants gisements de pétrole dans le bassin de Berkine (Hassi Berkine Sud, Rhourde El Khrouf, Ourhoud, El Merk), grâce auxquels l’Algérie a pu reconstituer ses réserves de pétrole au niveau de celles de 1970.

Ces hydrocarbures découverts (gazeux et liquides) sont dénommés «conventionnels» : ils se sont formés à différentes périodes géologiques dans une roche mère, puis ont migré et ont été piégés dans une roche réservoir (grés du Cambrien de Hassi Messaoud par exemple) ayant de bonnes caractéristiques pétro physiques : en porosité (10 à 20% en moyenne) et en perméabilité (plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de millidarcys).

Les réserves prouvées récupérables de ces hydrocarbures conventionnels sont estimées à ce jour-là  :
-10 à 12 milliards de barils (bbl) pour le pétrole brut (1bbl=159 litres; 1 m3=6,3 bbl)
-2400 à 2700 milliards m3 pour le gaz naturel

Au rythme actuel de production, ces réserves seraient épuisées dans 15 ans pour le pétrole (en 2040) ; et en 25 ans pour le gaz naturel (en 2050).

Pour assurer la sécurité énergétique du pays, objectif stratégique, et disposer de moyens de financement de son économie (par le biais de l’exportation), il est impératif de développer de nouvelles sources d’énergie et de définir un nouveau schéma de transition énergétique.

Parmi les ressources existantes, figurent les hydrocarbures «non conventionnels», piégés dans une roche mère très compacte (et non dans une roche réservoir), et possédant des caractéristiques pétro physiques très médiocres (porosité inférieure à 5-6%, et perméabilité quasi nulle).

Ces hydrocarbure «non conventionnels» sont de nature fossile, tout autant que les hydrocarbures «conventionnels», et ont la même composition chimique (à base de carbone et d’hydrogène, de type CnH2n+2).

Parmi ces hydrocarbures non conventionnels, figure «le gaz de schiste» (ou «shale gas» en anglais).
Pour libérer ce gaz de schiste (gds) et le produire, il va falloir d’abord atteindre la roche mère par un forage horizontal et ainsi augmenter la surface de contact entre le puits et le gisement, afin de compenser la médiocre perméabilité de la roche, et faciliter par là même  un écoulement plus fluide du gds vers le puits.

Puis, il faudra fracturer la roche, avec pour but d’obtenir une perméabilité artificielle, en créant ou en réactivant un réseau de fissures naturelles. La fracturation hydraulique utilise un fluide (à base d’eau, de sable, et de divers additifs chimiques), qui est injecté à très haute pression (300 à 600 kg/cm2).Elle est réalisée par une Société de Services spécialisée (Schlumberger, Halliburton, Baker) à l’achèvement des travaux de forage, après la complétion du dernier drain horizontal; et après la démobilisation de l’appareil de forage.

Ce qui nécessite d’avoir, sur la plate-forme du chantier, une puissance de pompage installée de 40 000 ch (chevaux).
Cette fracturation hydraulique (dont la durée varie de 3 à 10 j aux USA) a lieu à la profondeur de la roche mère, sur un drain horizontal (de plusieurs centaines de mètres, jusqu’à 5000 m).

Le puits, qui doit être renouvelé en moyenne tous les 2 ans en raison de sa faible productivité (égale à 20% au maximum, alors qu’elle est de l’ordre de 75 à 90% pour le gaz naturel conventionnel, avec une durée de vie des puits de production jusqu’à plusieurs décennies, comme à Hassi Rmel par exemple).

L’optimisation de la longueur du drain horizontal à forer, celle du nombre d’étages à fracturer (10 à 15 sur 1500m de drain aux USA) et le choix de leur emplacement  ont un rôle déterminant pour maximiser le volume de production du puits : plus celui-ci sera important, plus le nombre de forages de renouvellement du puits diminuera; ce qui permettra de réduire les coûts d’investissements, et donc d’améliorer la rentabilité globale du projet.

Cette optimisation requiert une solide expertise en géologie, forage, réservoir engineering et une étroite coordination entre ces métiers.

Elle est mise en œuvre également pour limiter l’emprise au sol des installations de forage, dans l’implantation des multiples drains, à partir de la même plate-forme, pour 10 à 30 puits ! Souvent, les sociétés de production de gds font appel à des sociétés de services spécialisées pour réaliser ce programme d’optimisation.

Toutes les considérations techniques citées plus haut à propos du gds, demeurent valables pour le «pétrole de schiste» (pds) à la nuance près que l’hydrocarbure non conventionnel liquide (pds) a un taux de récupération moindre, qui ne dépasse pas 10% !  et un cycle de vie productive de 3 à 4 ans, avec un déclin rapide de la production : la première année de près de 60 à 70%, et de 85% la troisième année !
Les coûts de production des hydrocarbures non conventionnels sont plus élevés que ceux des gisements conventionnels, en raison des dépenses générées par les forages horizontaux et la fracturation hydraulique (en moyenne 2 millions $ aux USA, soit 25% du coût du puits)  et surtout du cycle court de la vie des puits de production qui nécessite de réaliser en permanence de nouveaux forages afin de maintenir une production constante.

Selon les études de bureaux étrangers, les ressources de gaz de schiste en place en Algérie seraient de l’ordre de 20 000 G m3 (1G=1 milliard), ce qui placerait notre pays dans le top 5 des nations pourvues de cette ressource. Les trois ou quatre gisements à haut potentiel de gds seraient situés au Sahara occidental (Ahnet, Timimoun) ; les autres au Sahara oriental (dans le Bassin de Berkine).

Il y a lieu de préciser qu’aucune campagne systématique de géologie, de géophysique ni de forage n’a été réalisée pour corroborer ces estimations.

Les USA détiennent le premier rang en termes de réserves de gaz de schiste.
C’est aussi le seul pays au monde qui a réalisé l’exploitation systématique et intensive de ses réserves de schiste  (aussi bien pour le pétrole que pour le gaz) en forant des milliers de puits à partir de 2008 ; cette exploitation ayant débuté dans le bassin de Eagle Ford (dans le sud du Texas), mais aussi dans celui de Marcellus (Pennsylvanie, Virginie), de Bakken (Dakota), dans le Bassin Permien (Texas, Nouveau Mexique).

Il y a environ 40 000 puits de gaz de schiste qui produisent 1 trillion de m3 (1000 G m3). La production moyenne par puits est de l’ordre de 25 millions de mètres cubes/an ; soit 70 .000 m3/jour.
C’est ainsi que les USA sont devenus l’un des plus grands producteurs et exportateurs de pétrole et de gaz dans le monde.
Grâce notamment aux performances de forage réussies (un puits de 2500m est achevé en 20 jours :15 jours de forage et 5 jours de fracturation), le gaz de schiste américain a été produit à un coût de revient de 3,5$ / mbtu (million de british thermal unit) soit 0,125 $/m3 (1 mbtu=27 m3 gaz).

Ces dernières années ,le marché du gaz étant favorable avec un prix de vente largement supérieur à ce niveau de coût, la rentabilité du gaz de schiste était assurée. En cas de retournement du marché, il n’en sera plus de même ! Parmi les facteurs de succès du «boom américain», le premier réside dans le fait que tout le matériel (appareils de forage, équipements de puits, installations de surface…), les techniques de fracturation, les produits et additifs de fluide de forage, les sociétés de service et la puissance du secteur parapétrolier, et de façon générale  le «know how»,… sont «made in USA».

Rien n’est importé! Tout est disponible «at home» et «at hand». De plus, les Sociétés opératrices ont à leur disposition un parc de forage dense qui compte aujourd’hui plus de 600 installations en activité. (Avec un pic de plus de 1300 vers les années 2015).

A) L’EXPÉRIENCE AMÉRICAINE PEUT-ELLE ÊTRE REPRODUITE AILLEURS ?

A1) Hors des USA :
Des études du cabinet AT Kearney et de Blomberg New Energy Finance (BNEF) montrent que de nombreux facteurs interdisent d’extrapoler le succès du gaz de schiste aux USA, au reste du monde. Car certains facteurs sont non transposables :
-les réserves ne peuvent être connues avec certitude et précision, qu’après qu’un minimum de forages d’appréciation soit réalisé.
-il faudrait des années pour acquérir l’expertise nécessaire et développer les centaines ou milliers de puits de production.

– Les volumes d’eau nécessaires à la fracturation hydraulique sont énormes : en moyenne 15 000 m3/puits jusqu’à 50  000 m3/puits à Eagle Ford (13 millions gallons ; 1 gallon #4 litres) selon ACS Publication du 8 février 2024 (moyenne valable pour les gds et les pds ou «pétrole de schistes»).

Selon le cabinet BNEF, à production égale, un puits coûterait 2 à 3 fois plus cher en Europe qu’aux USA (7,10 à 12,20 $/mbtu pour le Royaume Uni), sans même inclure les éventuels coûts supplémentaires de construction de réseaux locaux et de traitement du gaz nécessaire à l’obtention d’un produit compatible avec les standards du marché européen du gaz.

Le cabinet BNEF a également rapporté en mai 2014, que depuis 2010 (début de la production de shale gas), la dette de 61 entreprises américaines a doublé en 4 ans. La société Chesapeake, pionnière dans le gds (gaz de schiste), et emblématique dans cette activité, a déposé le bilan en juin 2020.  Des pays à grand potentiel de gds connaissent des difficultés pour son exploitation, tels que la Chine et l’Argentine. En France, la recherche et la production du gds et du pds ont fait l’objet d’un moratoire en 2013.
A2) Qu’en serait-il en Algérie ?
A2-1) Le défi de la performance de forage:
L’expérience algérienne à ce jour se limite au forage de 2 puits de gds à In Salah en 2014 et 2015, à 2900m de profondeur, réalisés en 6 mois chacun, et qui auraient coûté 17 millions $ chacun.
Nous sommes donc bien loin des standards américains ! (un puits à 2500m en 20 jours pour 7,5 million $, fracturation comprise).
Ces résultats d’In Salah n’ont rien de surprenant pour les observateurs et les analystes de l’activité de forage de Sonatrach, et sont conformes à ceux observés à partir de l’année 2010, qui a connu une dégradation continue  de ces performances.

A2-2) La consommation d’eau et les autres contraintes logistiques : 
Il a été rappelé qu’un puits de gds consomme 15  000 m3 en moyenne, jusqu’à 50 000 m3 ! Le seul aquifère disposant de très grandes réserves est l’Albien (50 000 G m3).Cette nappe n’est pas éruptive partout au Sahara, notamment dans sa partie occidentale où seraient localisés les gisements à haut potentiel de gds. Dans ces régions, l’Albien affleure en surface et sa contribution à l’alimentation en eau des forages de gds est nulle, sinon très aléatoire.

En cas donc d’impossibilité de disposer de puits d’eau, il faudra recourir au citernage : 500 transports de camions-citernes de 30 m3 doivent être mobilisés (au moins) pour alimenter un seul puits de gds ! Les appareils de forage devront également être équipés de lourdes installations de traitement du fluide de forage, contaminé lors de la fracturation de la roche mère. A ce sujet, il faut noter que 20 à 70% du fluide de fracturation ont été récupérés à Eagle Ford.

La contamination des nappes phréatiques du puits de gds par les additifs chimiques du fluide de fracturation  n’est pas également à écarter.  Rappelons que le fluide de forage doit contenir du sable qui sert d’agent de soutènement lors de la fracturation: il en faut 5000 T (tonne) en moyenne par puits ! (il en a fallu jusqu’à 7500 T/puits à Eagle Ford)  et également des additifs chimiques dont certains sont soupçonnés par ailleurs d’être cancérigènes (barium, uranium, strontium..).

A2-3) Quelles hypothèses pour la production de gds et pour la mobilisation des moyens de forage ?
Il y a lieu tout d’abord de noter qu’aucune information fiable n’a été fournie par SH sur le débit de gds des 2 puits forés à In Salah. Cela n’a pas empêché certaines sources spéculatives d’avancer le chiffre de 180 000 m3/j (soit 55 millions de mètres cubes/an, le double de la production américaine !) Qui serait constant pendant 18 mois  !

Ce qui est considéré «contre nature» et fortement contestable, car, comme cela a été signalé plus haut, dans la presque totalité des puits de gds aux USA, il y a réduction du débit de plus de 60% la première année, et près de 80% après les deux premières années de production  !

 

Photo : D. R.

(Suite)  Par Krissat Abdelaziz

Rappelons qu’aux USA, la production annuelle de gds (gaz se schiste) a atteint 1 trillion de mètres cubes (1000 G m3) pour 40 000 puits producteurs, soit en moyenne 25 millions m3/an/puits (70 000 m3/j/puits). Les deux «puits pilotes» d’In Salah sont insuffisants pour servir de base à des prévisions fiables. Il faudrait que Sonatrach en augmente le nombre à l’avenir : cette recommandation est impérieuse, à notre avis, dans le cas où la société nationale déciderait, vaille que vaille, d’exploiter les hydrocarbures non conventionnels !

Pour les besoins de notre étude, nous n’avons pas d’autre choix que d’admettre tel quel le paramètre débit d’InSalah, soit 55 M m3/an (M=million), qui représente plus que le double de la production moyenne aux USA (25 M m3/an/puits) !
Posons-nous alors la question de savoir ce que devrait être le volume (V min) total à produire par un puits d’In Salah au cours de son cycle productif pour que son coût de revient soit égal à celui des USA ? Rappelons pour cela que ce coût est de 0,125 $/m3 aux USA et que celui du forage d’In Salah est supposé être de 17 M $.  (M=million)
Vmin=17/0,125 #   135 M m3.

En cas d’amélioration des performances de forage qui permettraient de forer ce puits en 4 mois (au lieu de 6) et de réduire sa dépense à 12 M$ (au lieu de 17), le volume V min deviendrait alors :
Vmin=12/0,125 #  100 M m3.

Quel serait le scénario de production gds envisagé par l’Algérie ? Selon Sadek Boussena, ancien ministre de l’Energie, Sonatrach afficherait  un objectif annuel de 30 G m3 de gds (milliards de mètres cubes) dès 2030 (voir pétrostratégies du 25 avril 2022).
Ce qui nécessitera le forage de 1200 puits gds (hypothèse basée sur un débit de production égal à celui des USA, soit 25 millions m3/an) ; et donc la mobilisation de 350 appareils de forage ! (1 puits foré en 3 à 4 mois, en cas de performance de forage améliorée).

Un autre scénario «moins ambitieux» table sur un  programme de production de 13 G m3 de gds, soit 520 puits gds (dans la même hypothèse de production que précédemment), ce qui mobiliserait 150 «rigs» (appareils de forage).
Le parc consolidé des installations en activité des 2 entreprises de forage ENTP et Enafor est de 120 unités actuellement (le pic en Algérie a été atteint dans les années 1980 : 140 rigs dont 100 de SH).

Ces 2 filiales pourraient dégager à très court terme 5 «rigs» (qui sont actuellement en revamping, ou sans plan de charge) ; 5 à 10 autres de plus éventuellement dans un délai de 2 à 3 ans (en cours d’acquisition; si toutefois la question de la main d’œuvre de forage est résolue), soit au plus 10 à 15 rigs dans un laps de temps de 2 à 3 ans.

Ce qui ferait apparaitre un déficit de 135 (150-15) appareils de forage dès l’annonce éventuelle du démarrage d’un programme dont la conception a été définie. Combler ce déficit en un laps de 5 à 7 ans, c’est doubler le parc actuel : ce qui s’avérerait être une gageure et un défi au bon sens, pour la Sonatrach, ses filiales et pour ses éventuels associés, quels qu’ils soient!

Par ailleurs, la consommation d’eau (nécessaire à la réalisation des puits de gds) serait au moins de 15 000 m3/puits x520 puits # 8 millions m3 : cela ne va certes pas dépléter la nappe albienne, mais dans la période de stress hydrique que connait notre pays, l’économie d’un tel volume ne serait pas du tout négligeable, notamment pour satisfaire les besoins de l’agriculture saharienne!
La consommation de sable serait au moins de:
5000 T/puits x 520 puits=2,5 millions tonnes!

A ce sujet, il y a lieu de remarquer que ce sable ne proviendra pas des dunes sahariennes environnantes, car inapproprié au point de vue granulométrique! Il faudra l’acheminer depuis le nord du pays, y compris des plages du littoral

A2-4) Quelles recommandations pour l’exploitation du gds en Algérie?

Pour transposer le succès des USA dans l’exploitation du gds, à l’Algérie ; tout en tenant compte du caractère limité des réserves algériennes par rapport aux réserves américaines, et pour atteindre un objectif de production plus modeste à partir de 2030 : soit 13  milliards de m3/an ( au lieu de 1000 milliards m3/an aux USA), il faudrait pouvoir mobiliser, en temps opportun, de considérables moyens opérationnels et logistiques, consistant en 150 installations de forage  pour forer plus de 500 puits à une cadence de 3 à 4 puits/an/rig; chacun de ces puits devant avoir un potentiel de production de 100 à 135 millions de mètres cubes au cours de son cycle de production; condition impérative à la rentabilité économique de l’exploitation des puits de gds, et qui garantirait un coût de production comparable à celui des USA.

Il faudra également s’assurer de la disponibilité d’une énorme réserve d’eau évaluée à 8 millions de mètres cubes au moins, dans des régions où la ressource de l’Albien est  incertaine! Il faudra aussi disposer d’engins de transport aussi bien pour le citernage d’une portion du volume total d’eau requis que pour l’acheminement du sable nécessaire à la fracturation hydraulique (2,5 millions de tonnes).

Là où les nappes aquifères le permettent (comme ce fut le cas pour les 2 puits gds d’In Salah, alimentés par 4 puits d’eau à partir du Continental intercalaire situé à 70-120 m de profondeur), il faudra aussi prévoir un nombre suffisant d’appareils de forage hydrauliques qui devront compléter cette logistique imposante.

Le forage des 500 puits de gds nécessitera un investissement minimum de: 12 M$/puits x500= 6 Milliards $ (en cas d’amélioration des durées de puits actuelles!)

Le prix de revient du gaz de schiste algérien avoisinerait celui obtenu aux USA, soit : 0,125 $/m3 soit 3,5 $/Mbtu.
L’ampleur des moyens requis, ci-dessus définis  ainsi que l’expertise multiforme nécessaire pour leur mise en œuvre ; recommandent de ne pas tenter de transposer l’expérience américaine en Algérie sans que ne soient  appréhendés, à sa juste mesure, la complexité d’un tel projet, et les risques techniques et financiers encourus!.

Sonatrach devrait programmer d’autres forages «pilotes» afin de recueillir davantage d’informations sur les puits de gds, et établir ainsi «un business plan gds» réaliste qui va fatalement générer des investissements lourds (en dizaines de milliards de dollars), qui devront se traduire par une rentabilité financière dûment prouvée!

Sonatrach devrait aussi mettre en place une «veille technologique» permanente pour suivre les évolutions de la fracturation hydraulique, qui dans sa conception actuelle, engloutit des volumes d’eau considérables ! Plusieurs techniques d’extraction alternatives seraient à l’étude afin de remplacer l’eau par le propane ou l’hélium; ou stimuler la roche réservoir par arc électrique. En attendant que ces nouvelles technologies aient des résultats probants, les ressources d’hydrocarbures de schistes (gaz et pétrole) dont disposerait l’Algérie, demeureraient

dans le sous-sol, leur «coffre-fort naturel», à la disposition des générations futures!
Quelles autres sources faut-il alors envisager pour une transition énergétique réussie en Algérie ?

B) L’ENERGIE SOLAIRE : SOURCE INCONTOURNABLE DANS LA TRANSITION ENERGETIQUE EN ALGERIE 

Grâce à l’ ensoleillement dont jouit l’Algérie aussi bien au Nord qu’au Sud, notre pays dispose d’un potentiel énergétique sûr, gratuit, disponible, dont les réserves ne font aucun doute amené à croître en raison du réchauffement climatique, et estimé à 40 000 G m3 de gaz/an, soit l’équivalent énergétique de 10 fois le champ de Hassi R’mel.

L’énergie solaire peut être utilisée sous deux formes:
-thermique: pour transformer l’énergie solaire en chaleur grâce à des panneaux thermiques
-photovoltaïque : pour transformer la lumière du soleil en électricité grâce à des panneaux photovoltaïques. Le défi majeur pour l’utilisation de l’énergie solaire est de la rendre compétitive (par rapport aux autres sources). Sous sa forme thermique, le coût était estimé en 2020 à 10-15 cts euros/kwh.  (Kwh = kilowatt heure ;  cts: centimes)

Aujourd’hui, il est de 7,5 cts$/kwh (projet de 950 MW de Dubaï remporté récemment à ce prix, avec un stockage nocturne de 16h.). Les USA ont lancé un programme pour réduire ce coût à 5 cts$/kwh en 2030.

Le coût de l’énergie photovoltaïque avoisine 2 à 3 cts$/kwh. Ces coûts sont à comparer à celui du gaz de schiste américain, qui est, rappelons-le, de : 0,125 $/m3, soit  1,135 cents $/ kwh  (1 m3=11 kwh).

Les Pouvoirs Publics ont approuvé récemment un programme de production d’énergie renouvelable de 15.000 Méga Watts, mis en œuvre en 2023, et qui devrait être achevé en 2035.

C) SONATRACH FACE AUX ENJEUX ET MUTATIONS A VENIR :

Quel que soit le potentiel en hydrocarbures conventionnels que recèle le domaine minier national, et quel que soit l’effort d’exploration qui reste à consentir, les réserves prouvées récupérables de pétrole et de gaz, actuellement identifiées, sont vouées à l’asséchement le temps d’une génération.

D’où la nécessité impérieuse d’agir sans tarder, pour asseoir les bases d’un modèle de transition énergétique flexible permettant à la fois d’assurer la sécurité énergétique de la Nation et la satisfaction des besoins domestiques des citoyens; tout aussi bien que le financement d’un développement durable, de plus en plus indépendant de la rente pétrolière et gazière, s’inspirant de cette déclaration de l’ONU (Commission mondiale sur le développement 1987 ):

«Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre les capacités des générations futures de répondre aux leurs».

Les composants de ce modèle énergétique devront obéir à quatre critères couramment admis: disponibilité physique, maturité technologique, rentabilité économique – compétitivité des prix du marché; et acceptabilité sociale.

Les ressources d’hydrocarbures non conventionnels dont disposeraient notre pays, ne satisfont pas actuellement à l’ensemble de ces critères : seules, des expériences pilotes plus vastes, et des avancées technologiques de la fracturation hydraulique plus affirmées; pourraient permettre aux générations futures d’envisager leur exploitation.

Les hydrocarbures conventionnels continueront à occuper une place de choix dans la transition énergétique à venir, au moins à court et moyen terme. Cependant, leur gestion gagnerait à être améliorée au moins dans deux activités de base: le forage et la production. Quelques suggestions et pistes de réflexion sont évoquées ci-dessous:

C1) Activité forage :

Comme cela a été signalé dans les paragraphes précédents, il y a lieu de mettre un terme aux contre-performances de forage ,dues essentiellement à l’existence d’importants temps d’immobilisation observés sur les installations de forage. Ces «temps non productifs», dénommés NPT en langage anglo-saxon (Non Productives Times), atteignent le taux excessif de 35% du temps total disponible, imputable aux différents intervenants à des degrés divers, selon la répartition moyenne suivante :

-Sonatrach (maître d’œuvre) : 20%
-Entreprises de forage (ENTP, ENAFOR) :  5%
-Entreprises de service (ENSP…) :   10%
Ce taux d’attentes doit être divisé au moins par 3 ou 4, et réduit à un seuil «tolérable» de 10%, avec une distribution par centre de responsabilités comme suit:
Maître d’œuvre (SH) : 4%
Entreprises de forage : 3%
Entreprises de services : 3%

C’est à Sonatrach, maître d’ouvrage et maître d’œuvre, qu’échoit en premier lieu la charge d’améliorer ses prestations de forage!
L’existence de ces temps NPT a évidemment une corrélation directe avec la durée des forages : celle-ci a augmenté de 50% pour un forage vertical sur le champ de Hassi Messaoud (de 60 à 90 jours);et de 33% pour un forage horizontal (90 à 120 jours),  d’où la génération de surcoûts importants : une journée de forage sur un puits d’exploration ou de production (de profondeur moyenne de 3000 m) coûte 100.000 $ à Sonatrach!(prestations versées à l’ensemble des  entreprises, y compris le coût de la supervision technique).

Le surcout pour un puits foré à Hassi Messaoud est de 100 000$ x (90-60)= 3 millions $. Parmi les problèmes aigus que rencontrent les différentes entreprises citées ci-dessus, figure celui de la déperdition des compétences humaines : récemment, près d’une centaine de techniciens (une soixantaine de superviseurs de forage de SH, et une quarantaine de chefs de chantiers, maîtres sondeurs, seconds de poste… des Entreprises ENTP et Enafor) se sont expatriés vers le Moyen-Orient, attirés par des rémunérations bien plus attrayantes!

Même si cette tendance à l’exode des cadres et agents de maitrise qualifiés n’est pas nouvelle, elle n’en constitue pas moins, une contrainte alarmante pour le devenir des Entreprises concernées, et un frein à leur croissance!

C2) Activité production :

Pour que les hydrocarbures conventionnels puissent  avoir une place de choix dans le futur modèle énergétique algérien, il y a lieu également d’améliorer les conditions d’exploitation des gisements, ainsi que le taux de récupération des réserves prouvées: l’optimisation de ce taux est entravée par l’augmentation continue du GOR (Gas Oil Ratio!, exprimé en mètres cubes de gaz associé par mètres cubes de pétrole brut produit et mesuré sur les bacs de stockage), constatée dans plusieurs champs pétroliers, qui a atteint ou dépassé 1000 m3/m3.

La règle de l’art, admise en la matière, requiert de maintenir le GOR à un niveau maximum de 200 m3/m3 (seuil fixé par la direction de l’énergie et carburants du ministère de l’Energie dans les années 60 à la Société CREPS pour le gisement de Zarzaitine)

Au-delà, la déplétion du gisement sera plus accélérée. Sur le gisement de Hassi R’mel, producteur de gaz sec et de condensat (gazoline), il est recommandé de restaurer le programme «de cyclage», en poursuivant  l’injection de gaz dans les puits producteurs, aux fins de maintien de pression et d’optimisation de la récupération du gaz et du condensat; et ne plus céder à la tentation de commercialiser le gaz à injecter en restreignant (ou abandonnant) l’injection de ce gaz!

Pour le gisement de Zarzaitine, le programme de maintien de pression établi dans les années 60 prévoit un volume d’injection d’eau de 35 à 40 000 m3/jour à partir de l’aquifère d’Iféfane : ce volume a été sensiblement réduit. Le respect de saines procédures d’exploitation, ainsi que celui des volumes à injecter (gaz, eau) pour la récupération assistée, permettront une meilleure conservation et une plus grande longévité des gisements.

C3) Culture d’entreprise et gestion des compétences :

L’expérience acquise  et  le savoir-faire  capitalisé par la Sonatrach depuis la nationalisation du 24 février 1971, notamment dans les métiers de l’amont ; constituent son actif le plus précieux dans son bilan. Ils doivent être préservés et fructifiés.

L’entreprise publique SH doit également veiller à intégrer, dans sa culture d’entreprise, la réduction des coûts de production des hydrocarbures, comme élément intangible de cette culture et l’inculquer à ses managers, car elle demeure le seul paravent à la volatilité des cours du marché!  Si cette expertise venait à se restreindre et à s’étendre à différents  métiers de base («the corebusiness»), l’existence même de Sonatrach originelle serait, à moyen ou long termes menacée.

La société nationale risquerait de devenir de moins en moins une entreprise industrielle et de plus en plus un holding financier, limitant son rôle à percevoir les redevances et taxes, et à gérer ses participations auprès des compagnies associées!

Y aurait-il d’autres signes précurseurs de cette mutation ?

Depuis 2006, la production algérienne d’hydrocarbures (tous produits confondus: pétrole, gaz, condensat, gpl) diminue régulièrement ; la part de SH également; celle des associés augmentant, les deux partenaires étant à égalité aujourd’hui (50% environ chacun). Afin d’enrayer l’érosion de ce «know how», la gestion des compétences et des carrières doit polariser l’attention du haut management; être basée sur des critères objectifs et des évaluations rigoureuses et s’inscrire dans l’instauration de traditions saines de valorisation du potentiel humain et de reconnaissance du mérite.  K. A.


NB : les données statistiques (forage, production,..) de SH proviennent de ses rapports d’activité.


 

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