Utilisation d’armes chimiques par la France en Algérie : Appel à ouvrir les archives militaires

 

Les critères d’acceptation ou de refus des demandes d’accès aux archives n’ont pas été énumérés. © AFP/Montage RFI

par Abdelkrim Zerzouri

Quelle atrocité commise par l’armée coloniale française en Algérie va-t-elle encore surgir des ténèbres soixante ans après l’indépendance ?

Les langues qui commencent à se délier en France, avec des témoignages de militaires, notamment d’anciens appelés de l’armée française qui ont fait la guerre en Algérie, percent des secrets jusque-là bien protégés. Le recours aux armes chimiques par l’armée française dans des grottes pendant la guerre en Algérie, révélé par le témoignage d’anciens militaires, a fait bouger des historiens et journalistes, qui ont lancé un appel aux autorités françaises pour que les archives militaires «cadenassées», selon leur expression, sur le recours aux armes chimiques par l’armée française dans des grottes pendant la guerre d’Algérie soient ouvertes et consultables. « Soixante ans après la fin de la colonisation et de la guerre d’Algérie, on parle d’un «apaisement des mémoires». Mais est-ce possible (…) si l’accès aux archives est encore partiel ? indique un communiqué des participants à une conférence de presse jeudi à Paris, dont les historiens Christophe Lafaye et Gilles Manceron. Ce dernier dénonce depuis quelques années le poids de « l’Etat profond» qui met une chape de plomb sur les archives, contredisant la loi et s’opposant à la volonté des plus hautes autorités politiques, à leur tête le Président Macron, partisan d’une pleine ouverture des archives de la guerre d’Algérie. En sus d’autres gestes dans ce sens, au mois de décembre dernier, on a annoncé l’ouverture des archives sur les enquêtes judiciaires de gendarmerie et de police qui ont rapport avec la guerre d’Algérie avec quinze ans d’avance. Mais, le Secrétariat général à la défense et sécurité nationale, demande aux Archives nationales et aux autres centres détenteurs d’archives publiques de limiter l’accès à certaines sources au nom de la «protection du secret de la défense nationale». L’apaisement des mémoires passe inexorablement par la vérité à regarder en face. Et l’utilisation d’armes chimiques par l’armée française en est une.Des faits qui renvoient à des questions taboues

«La guerre des grottes » a fait rage durant la guerre d’Algérie dans les gigantesques réseaux souterrains de l’Aurès, du nord-est de l’Algérie et du massif du Djudjura, dans la chaîne de l’Atlas, où des ‘sections de grottes’ organisées par l’armée française ont été chargées d’utiliser des gaz toxiques contre les personnes, combattantes ou non, qui s’y trouvaient cachées », souligne le communiqué des participants à la conférence de presse jeudi à Paris. « Entre 1956 et 1962, la France a mené en Algérie une guerre souterraine contre le Front de Libération national et l’ALN, qui utilisaient des réseaux souterrains, des grottes naturelles, des caches pour pouvoir combattre», a décrit M. Lafaye. L’armée française a, elle, utilisé du gaz toxique « pour pouvoir chasser les indépendantistes de leurs réduits souterrains, faire des prisonniers pour recueillir du renseignement» mais aussi pour rendre inutilisables ces grottes. «Cette ‘guerre des grottes», c’est un grand impensé de la guerre d’Algérie», a-t-il lancé. «Ces faits sont connus mais n’ont jamais été travaillés parce qu’ils renvoient à une mémoire douloureuse, à des questions taboues – l’usage de l’arme chimique – et à un manque de sources, à des archives cadenassées». L’historien appelle le président français Emmanuel Macron «à prendre un décret qui permette l’ouverture de l’intégralité de ces fonds d’archives sur la guerre souterraine, qui sont au ministère des Armées, et la levée des obstacles législatifs». «Il est encore possible, alors que les derniers témoins disparaissent, d’écrire cette histoire». Grâce aux témoignages d’anciens combattants français, «on a appris qu’il y a eu beaucoup d’appelés (du contingent) au sein des unités» qui utilisaient ces gaz toxiques; certains en gardent une mémoire extrêmement traumatique», a-t-il souligné. Dans une enquête au long cours intitulée la «guerre des grottes» et publiée dans la revue XXI, la journaliste Claire Billet, présente à la conférence de presse, a rencontré d’anciens militaires français qui ont accepté de raconter ce recours aux gaz toxiques. «On employait des gaz. C’était ça le «spécial» de notre section. Ça ne fallait pas en parler. On fouillait la grotte, on la gazait, et, si possible, on faisait sauter l’entrée», a témoigné, devant la journaliste, un ancien appelé qui a passé 28 mois en Algérie. M. Macron a fait, au cours de sa présidence, plusieurs gestes pour tenter d’apaiser la mémoire douloureuse entre la France et l’Algérie, mais la question des archives n’est pas, vraisemblablement, entièrement entre ses mains. L’historien Benjamin Stora, insistait à dire à ce propos, dans d’autres occasions, que «l’ouverture des archives est le fruit de batailles citoyennes. »


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