Algérie / QUERELLES !

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par Belkacem Ahcene-Djaballah

La plus médiatisée parmi les plus récentes : entre les partisans de Yasmina Khadra qui venait d’effectuer une tournée à succès (d’explications de son art et de son talent, pour ne pas dire de son génie, en attendant la sortie en Algérie de son dernier ouvrage fin août alors qu’il est déjà en vente en France ) à Oran, à Alger et en Kabylie. Et ceux qui n’aiment ni son style, ni ses expressions, ni son assurance. Entre autres, ceux qui estiment que Kateb Yacine reste le seul et unique et incomparable génie de la littérature nationale, avec, pourtant, une seule œuvre romanesque, immensitissime, il est vrai, Nedjma. Peu de temps après, voilà que notre Rachid Boudjedra national, «l’orfèvre des mots», «l’éternellement engagé», sort, enfin, de son silence (un entretien accordé à «El Khabar») pour annoncer la sortie d’un nouveau-né à la fin de l’année. Une autobiographie romancée ?

Deuxième querelle : celle «opposant» les partisans de l’introduction de la langue anglaise dès le primaire à ceux qui estiment que c’est surtout l’actuel enseignement de la langue française qui devrait être amélioré et qu’il faut éviter d’alourdir ou de compliquer les emplois du temps des enfants. Qui estiment, aussi, qu’une décision politique (celle du Président A. Tebboune) ne devrait pas, en matière d’enseignement aux tout-petits (cycle élémentaire), prendre le pas -de façon précipitée- sur les aspects pédagogiques. Avec cette question centrale : quel anglais ? Celui de Grande-Bretagne, l’américain ou, comme le français «pataouètisé» du Globish, un anglais passe-partout mais insuffisant, utile lors des voyages touristiques mais insuffisant pour faire face aux grands défis du monde moderne.

Troisième querelle : la survie de la presse écrite nationale francophone. Après «Le Matin» au temps de Bouteflika et de son ministre de l’Intérieur Zerhouni, «El Manchar», «La Tribune», «Liberté», voilà qu’ «El Watan» est en train de mourir à petit feu faute de publicité (institutionnelle et/ou commerciale). Et aussi, certainement, de bonnes ventes, le marché, tout particulièrement celui francophone s’étant fortement contracté. En espérant que d’autres titres, dont certains en langue arabe (et leurs employés, journalistes et autres, les propriétaires ou actionnaires étant déjà «hors de danger») ne vont pas connaître, à leur tour, la descente aux enfers, celle de la faillite et du chômage. Car la crise ne se limite pas à la seule presse de langue française mais à tous les acteurs du paysage médiatique national, «obligés» (sic !) -en plus des contraintes objectives du marché- à se plier à une configuration autre et, peut-être, incapables de se réinventer en matière d’organisation et de gestion.

Trois querelles parmi tant d’autres (une toute dernière vient d’éclater concernant les intellectuels algériens -et d’Algérie- et leur place dans la société) qui occupent les débats et les discussions de nos «experts en tout», faisant oublier les autres problèmes du quotidien dont ceux du coût de la vie, des visas étrangers, de la guerre russo-ukrainienne, des massacres sionistes à Gaza. Même la visite de Macron en Algérie n’est critiquée que par les tenants du national-islamisme (s’en prenant surtout à la présence du Rabin Haïm Korsia, dont les parents sont originaires d’Algérie) et ne fait pas la «Une» dans les cafés maures. Il est vrai qu’avec les grandes chaleurs de l’été et les incendies, les préoccupations principales de l’individu se limitent naturellement à sa survie avec un minimum de fraîcheur, chez lui ou en bord de mer et au moindre coût, la France inatteignable par manque de visas, la Turquie étant réservée aux nantis plus ou moins affairistes, la «Omra» trop chère et la Tunisie passée de mode.

On attend avec impatience la querelle sur la capacité, les possibilités et les ratages du «nouveau tourisme» algérien qui a l’air, enfin, de décoller, malgré ses tarifs -au niveau des hôtels- encore inabordables pour beaucoup et, surtout, malgré les multiples contraintes sociétales, comme celles de ne pas pouvoir agir comme on veut, où l’on veut et avec qui l’on veut en toute liberté dans le respect, cela va sans dire, des lois de la seule République et non des «humeurs» d’individus ou de groupes de personnes en mal d’autorité ou à la recherche d’on ne sait quelle rédemption divine. Bref, librement ! C’est, peut-être, ce que recherchent, plus qu’un emploi ou un logement, nos «harraga». Tous nos «harraga» ! Ceux d’en «haut» comme ceux d’en «bas».


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