Tuer Mohammed Tamimi, âgé de deux ans et demi, fait partie de la norme pour l’occupant israélien

Mohammad Tamimi sur son lit d’hôpital – Photo : Hagar Shezaf

La lunette de visée ultramoderne n’était-elle pas suffisante pour permettre à un soldat de voir qu’il tirait sur la tête d’un enfant en bas âge ? S’il ne savait pas sur qui il tirait, pourquoi tirer ? Et s’il le savait, pourquoi tirer ?

Que dire à un père quelques minutes après avoir appris l’horrible nouvelle que son petit garçon a succombé à ses blessures ? Que dire à un père dont le petit garçon a été tué sous ses yeux par un tireur d’élite de l’armée israélienne ?

Le petit Mohammad Tamimi, âgé de deux ans et demi… – Photo : réseaux sociaux
 

Que dire à un père dont le petit garçon a été tué sous ses yeux par un tireur d’élite de l’armée israélienne ?

Que dire à un père qui a vu des tirs en direction de sa voiture, qui a rapidement fermé la portière et qui a immédiatement vu son enfant couché sur le côté sur le siège arrière, saignant du côté droit de la tête où une blessure par balle s’est ouverte ? Quelques instants plus tôt, il était assis là, en route pour une fête d’anniversaire.

Que dire à un père qui vient d’apprendre qu’il n’y a plus d’espoir et que son petit Mohammed, l’un de ses deux enfants, est mort ?

Que dire alors qu’il est en état de choc, blessé par une balle qui l’a atteint à l’épaule, qu’il gémit de douleur et qu’il continue à réciter à voix basse des versets de prière, comme s’il priait encore pour la vie de son fils ?

Lundi après-midi, lorsque nous sommes arrivés au village de Nabi Saleh, nous avons rencontré pour la première fois des témoins directs de la fusillade qui s’y est déroulée jeudi soir. Un peu avant 14 heures, nous avons appelé le père du bébé blessé et avons demandé à le voir. « Venez vite », nous ont conseillé des proches. « Nous ne savons pas ce qui va se passer. »

Très peu de temps après, nous sommes entrés dans la maison du grand-père du bébé Mohammed. Un terrible silence régnait dans la petite chambre d’amis, percé soudain par un cri de douleur provenant de l’autre pièce, où étaient assises les femmes de la famille. Nous avons immédiatement pris conscience de la situation : Mohammed était mort.

Mohammed Tamimi est décédé lundi après-midi à l’unité de soins intensifs de l’hôpital pour enfants Safra, à Tel Hashomer. Il avait deux ans et demi. Sa mère et sa grand-mère étaient à ses côtés. Son père a réussi à lui rendre visite dimanche pendant quelques heures, mais il n’a pas pu rester en raison de sa propre blessure par balle.

Quatre-vingt pour cent du petit cerveau de Mohammed a été endommagé par la balle mortelle qui a explosé dans sa tête et l’a détruit. C’était un enfant aux cheveux clairs, comme la plupart des enfants de ce village particulier.

Comme eux, il est né dans un village-prison, avec une tour de garde fortifiée à l’entrée. C’est de cette tour que des tireurs d’élite ont tiré une balle dans la tête de Mohammed.

L’armée a publié les résultats de sa prétendue enquête interne et a conclu qu’il s’agissait d’une « erreur d’identification »… Les tireurs d’élite utilisaient des lunettes télescopiques, mais se seraient trompés de cible.

Haitham Tamimi (à droite) après avoir appris la mort de son fils, lundi – Photo : Alex Levac
 

Leurs lunettes ultramodernes étaient-elles insuffisantes pour leur permettre de voir qu’ils tiraient sur la tête d’un tout petit enfant ?

N’auraient-ils pas pu voir le père, un instant plus tôt, porter Mohammed et le placer sur le siège arrière, se déplacer vers le siège du conducteur et se faire tirer dessus avant d’arriver à l’intérieur ? Une erreur d’identification signifie-t-elle aussi une incapacité totale à estimer l’âge de « l’ennemi » ? Le soldat savait-il sur qui il tirait ? Si ce n’est pas le cas, pourquoi a-t-il ouvert le feu ?

Et s’il le savait, encore une fois, pourquoi a-t-il ouvert le feu ?

Haitham, le père touché par les tirs, nous a dit qu’il n’avait pas entendu de coups de feu avant de mettre Mohammed dans la Skoda familiale. Cela contredit la version officielle du porte-parole de l’armée d’occupation, qui a prétendu qu’il y avait eu des coups de feu avant que l’enfant ne soit tué.

Le cousin de Haitham, Sameh Tamimi, ingénieur informaticien qui vit à San Francisco, était en visite à Nabi Saleh. Il a suggéré que le soldat devait être un psychopathe. « En effet, quel autre soldat tirerait une balle dans la tête d’un enfant ? »

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Les médias israéliens se sont empressés de déclarer qu’il s’agissait d’un « tir accidentel ». Comment le savent-ils ? Étaient-ils sur place ? Pour eux, il suffit que le porte-parole de l’armée leur ait donné l’ordre de le dire.

Mais le porte-parole de Tsahal a également déclaré qu’il y avait eu des tirs avant l’incident, alors que personne dans le village n’a entendu quoi que ce soit de tel. Et en réalité, il est impossible qu’un père ait emmené son enfant à l’extérieur s’il y avait eu des tirs dans le village.

Le père et son fils se rendaient dans le village voisin de Dir Nizam pour l’anniversaire de la tante maternelle de l’enfant.

Haitham, qui travaille dans une pâtisserie, avait apporté un gâteau d’anniversaire à sa belle-sœur, puis est rentré chez lui pour récupérer ses enfants. Heureusement, son autre enfant, Osama, huit ans, qui lundi ne comprenait toujours pas ce qui était arrivé à son frère, est resté à la maison.

Puis le père endeuillé s’est assis tandis que son frère essuyait ses larmes sur ses joues. Son père âgé était assis en face de lui, silencieux, avec l’air de quelqu’un qui s’est dissocié de la réalité, parce qu’il l’a trouvée trop dure à supporter.

Il n’avait que des prières, des larmes étouffées et un regard glacé dans la pièce.

Petit à petit, les gens qui présentaient leurs condoléances ont commencé à affluer. Et peu à peu, la prise de conscience s’est faite : son Mohammed ne fêterait jamais son troisième anniversaire.


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