Perfidie et hypocrisie en couleurs de la diplomatie française envers l’Algérie

     

Emmanuel Macron ordonnera-t-il à Catherine Colonna de reclasser l’Algérie ? D. R.

  Une contribution de Hocine-Nasser Bouabsa – Le 30 juillet dernier, Algeriepatriotique, comme d’autres médias algériens, s’est insurgé contre la perfidie, l’hypocrisie et la dualité du ministère des Affaires étrangères français qui classe l’Algérie dans «l’insensée catégorie A désignant les pays où les conditions de vie sont particulièrement rigoureuses». Dans cette catégorie, on trouve surtout les pays en guerre, comme l’Ukraine, l’Afghanistan, l’Irak, la Libye ou la Somalie.

Tout d’abord, il faut rappeler que ce classement mal intentionné et inapproprié – puisqu’il aurait été plus judicieux de créer plus de catégories au lieu de les limiter à trois, pour éviter de mélanger les souris et les chauves-souris – n’est pas nouveau, mais date au moins de décembre 2018 et il est avant tout un outil de rémunération des postes diplomatiques français à l’étranger. Il faut noter, par ailleurs, que l’ignominie de ce classement ne touche pas seulement l’Algérie, mais aussi deux grands pays : la Russie et l’Arabie Saoudite. L’autre ignominie qui fait plus rire que pleurer est le fait de classer le Maroc dans la catégorie C, qui inclut, entre autres, la Suisse, la Suède et tous les autres pays développés. C’est la preuve que le ridicule n’a jamais tué et que la France fait tout pour, d’une part, valoriser indûment – il faut être aliéné pour mettre sur un pied d’égalité Rabat et Berne ou Casablanca et Zurich – son protectorat marocain, et, d’autre part, dévaloriser le pays qu’elle considère dans les faits comme son pire ennemi dans la région, en l’occurrence l’Algérie.

En effet, la politique belliqueuse de la France envers notre pays et son peuple est chronique, continue et identique depuis presque 200 ans. Si le classement mentionné en haut dans la catégorie A a fait grincer les dents de la grande majorité des Algériens qui ont en pris connaissance, bien que ce classement ait peu d’impact sur l’image internationale de l’Algérie – puisqu’il s’agit d’un outil interne du ministère des Affaires étrangères français que le grand public connaît peu –, il y a un autre classement qui, lui, par contre, impacte gravement et massivement cette image. Pourtant, peu de médias algériens en ont fait écho. Il s’agit du classement de risques inclus dans les conseils aux voyageurs, que publie le Quai d’Orsay sur son portail web et dont le lien est le suivant : https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs.

Ce lien correspond à la page web intitulée «Conseils aux voyageurs» du ministère des Affaires étrangères français, qui la propose aux personnes intéressées par les voyages, le tourisme, le commerce ou l’investissement à travers le monde. Cette page permet, en y navigant verticalement, de lire noir sur blanc la position officielle du gouvernement français sur la situation spécifique d’environ 200 pays, dont l’Algérie. Pour y arriver, il faut juste pointer le curseur en haut de la page sur le champ «sélectionner un pays/destination».

En scrollant sur la même page vers le bas, on tombe par ailleurs sur la rubrique des «cartes régionales des zones de vigilance» qui sont au nombre de six : Monde, Afrique, Amériques, Afrique du Nord/Moyen-Orient, Asie/Océanie, Europe. Ces cartes ont l’avantage d’offrir immédiatement un aperçu visuel et coloré sur le classement officiel du gouvernement français des risques (rouge = formellement déconseillé ; orange = déconseillé sauf raison impérative ; jaune = vigilance renforcée ; vert = vigilance normale) concernant un pays, une région, un continent ou le monde entier.

En cliquant sur la rubrique «Afrique du Nord/Moyen-Orient», on voit apparaître alors une carte de la région MENA élaborée le 15 mars 2022, laquelle inclut l’Iran à l’extrême-est et le Maroc à l’extrême-ouest. Sans grande surprise, le chouchou et protectorat français en Afrique (voir les accords de Celle-Saint-Cloud du 6 novembre 1955) est coloré en vert. Il est d’ailleurs le seul pays sur le continent à profiter de cette indulgence imméritée de l’appareil étatique français, puisqu’aucun autre pays africain n’est coloré en vert. Oublié l’assassinat de la citoyenne française à Agadir au début de l’année 2022. Oubliées les deux femmes scandinaves décapitées par des barbares marocains en 2018. Oubliés les milliers de terroristes marocains enrôlés dans Daech et qui sont retournés chez eux. Suivant les géniteurs de cette carte, le pays champion du business de la prostitution, de la pédophilie et de diverses mœurs vilaines, et leader mondial de la culture et l’exportation du haschich est un pays aussi sûr que la Suède.

La Tunisie est épargnée par les foudres du Quai d’Orsay, puisqu’elle est colorée complètement en jaune. Certainement pour ne pas froisser les cheikhs des pays du Moyen-Orient qui contrôlent l’industrie touristique tunisienne et qui attendent avec impatience la visite des touristes français pour contribuer à renfler les caisses que le Covid-19 a vidées.

L’amertume stupide des jaloux

Quant à l’Algérie, presque toute sa moitié est colorée en rouge. Le reste est réparti entre orange et jaune. En clair, le gouvernement français encourage ses ressortissants à visiter les deux pays voisins, mais elle leur déconseille de mettre les pieds dans les deux tiers du territoire algérien, entre autres, toute la région à l’est d’Alger jusqu’à la frontière tunisienne. L’ignominie et l’hypocrisie des diplomates français deviennent en particulier insoutenables et inexcusables lorsqu’on analyse de près la coloration des bandes frontalières des trois pays. En effet, la couleur de la partie de la bande frontalière algérienne est sans exception rétrogradée de deux niveaux par rapport à la couleur de la bande frontalière marocaine ou tunisienne. Pour plus de compréhension, citons à titre d’exemple le cas de la bande frontalière entre Tlemcen et Oujda, où le côté entre Oujda et la frontière algéro-marocaine est totalement vert, alors qu’il est orange entre Tlemcen et cette frontière. Ce qui signifie qu’il y a une insécurité accrue du côté algérien et une quiétude totale du côté marocain. Ce qui est sur le terrain impossible, puisque les armées des deux pays se font face et bouclent hermétiquement la frontière.

Le haut niveau du risque attribué à l’Algérie est en réalité une attaque frontale contre les forces de l’ANP et les autres services de sécurité algériens qui mènent sans relâche, depuis trente ans, une bataille contre l’hydre terroriste. Le grand succès de ces forces est apprécié à sa juste valeur par tous les spécialistes du monde. Il a permis à l’Algérie de sortir glorieuse d’une guerre qui ne dit pas son nom et que l’impérialisme prédateur lui a imposée. Ce franc succès qui ne laisse pas dormir les jaloux à Paris a rendu la quiétude non seulement aux populations des villes, mais aussi à celles des campagnes et des montagnes, qui furent désertées par leurs habitants mais qui, entretemps, ont retrouvé leur dynamisme de jadis.

Les deux classements inamicaux au détriment de l’Algérie décrits ci-haut ne sont que deux petits exemples sur le regard réel acerbe mais aussi hautain et arrogant des gouvernements successifs français sur l’Algérie depuis 1962 à nos jours. Les exemples encore plus graves sont nombreux. Les présidents français n’ont jamais voulu ou pu remédier à cette situation, parce que le pouvoir politique en France ne s’exerce pas exclusivement à l’Elysée et à Matignon, mais s’est dilué progressivement dans des réseaux informels qui exercent leur pouvoir antidémocratique secrètement, sans assumer les conséquences de leurs actes. Emmanuel Macron ne sera donc pas une exception. La preuve : le 30 septembre 2021, il se lâcha en insultant l’Algérie à laquelle il dénia l’existence comme nation.

Conclusion

Le président français, en bon «realpolitiker» conscient du rôle qui lui a été attribué, a besoin de rallier l’Algérie à ses causes géopolitiques et géostratégiques pour placer la France sur une orbite gagnante dans le cadre du nouvel ordre mondial qui se met en place. C’est certainement l’objectif principal de la prochaine visite qu’il compte effectuer à Alger, où le pouvoir politique ne manque aucune occasion pour souligner son attachement à une relation d’égal à égal avec l’ancienne puissance coloniale. Mais est-ce possible ? Bien que ceci soit aussi mon souhait, en raison de la composante humaine qui forme la relation franco-algérienne dense et complexe, honnêtement, il serait difficile d’y croire.

D’ailleurs, beaucoup d’Algériens ne cachent pas leur déception et leur amertume et pensent comme moi. En effet, la France a beaucoup reçu de l’Algérie, mais elle a peu renvoyé en retour. Généralement, le pouvoir français se réveille lorsqu’il est coincé. Il se met alors à fredonner la chanson des «relations exceptionnelles» que nous connaissons depuis Mitterrand et qui nous a fatigués avec le temps. Maintenant, nous voulons des faits et non des paroles. Comme premier signe de bonne volonté, Macron devrait faire usage de ses attributions en ordonnant au Quai d’Orsay de corriger immédiatement – donc avant son voyage à Alger – l’ignominie du classement faussaire et mensonger du risque de voyage en Algérie.

L’autre signe que les Algériens attendent de Macron est le retour de la France à la politique laïciste qui ne favorise aucune religion au détriment des autres et ne pratique pas la politique de deux poids et deux mesures. En effet, il est question que Macron soit accompagné par le rabbin de France et le recteur de la Mosquée de Paris. Certes, ces deux personnages sont utiles pour harmoniser la vie sociale et communautaire en France. Mais, bon Dieu, pourquoi devraient-ils faire le voyage à Alger ? Quelle est la valeur ajoutée de leur présence ? Sont-ils compétents pour discuter pétrole, gaz, industrie, commerce ou même armement ? Puisque ce n’est pas le cas, autant qu’ils restent à Paris. En parcourant les médias sociaux, on s’aperçoit que c’est le souhait de la très grande majorité des Algériens.

H.-N. B.

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