Grande-Bretagne / La reine Elizabeth II est morte, Charles III accède au trône

       Monarque la plus célèbre de la planète, la reine Elizabeth II est morte jeudi 8 septembre à 96 ans dans sa résidence écossaise de Balmoral, ouvrant une nouvelle ère pour la couronne britannique à laquelle elle avait dédié sa vie.
La reine Elizabeth II et le prince Charles assistent au défilé militaire en l’honneur de l’anniversaire de la souveraine depuis le balcon de Buckingham Palace, le 2 juin. Photo : AFP/VNA/CVN

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La disparition de la souveraine, dont l’état de santé s’était dégradé depuis un an, a suscité une immense émotion au Royaume-Uni et dans le monde. Son fils et héritier accède au trône à 73 ans avec le nom de Charles III.

« La reine est morte paisiblement à Balmoral cet après-midi. Le Roi et la Reine consort resteront à Balmoral ce soir et retourneront à Londres demain », a indiqué le palais de Buckingham dans un bref communiqué.

Symbole de stabilité ayant traversé imperturbable les époques et les crises, elle avait côtoyé, depuis la mort de son père George VI en 1952 alors qu’elle n’avait que 25 ans, Nehru, Charles de Gaulle ou Mandela qui l’appelait « mon amie ».

Sur le trône, elle a assisté à la construction puis la chute du mur de Berlin, et a rencontré 12 présidents américains.

Elle venait de nommer mardi 6 septembre son 15e Premier ministre, Liz Truss, occasion d’une dernière photo, frêle et souriante, appuyée sur une canne.

Tout au long de son règne de 70 années, le plus long de l’histoire britannique, elle a rempli son rôle avec un sens du devoir inébranlable.

Elle avait su garder au fil des crises traversées par son royaume et la royauté, un soutien massif des Britanniques, venus par dizaines de milliers pour l’apercevoir quelques minutes sur le balcon du palais de Buckingham en juin dernier pour son jubilé de platine, célébrations de ses 70 ans de règne aux allures d’adieu.

« Aimée dans le monde entier »

« Je me sens très triste, j’ai l’impression que ma grand-mère est morte », réagit Tonnie Cunningham, 35 ans, interrogée par l’AFP dans les rues de Londres.

« C’est la seule monarque que j’aie jamais connue », observe Margaret Caselton, 75 ans, « extrêmement triste ».

Biographie de la reine Elizabeth II. Photo : AFP/VNA/CVN

Les télévisions et radios ont interrompu leurs programmes pour annoncer le décès de la souveraine, veuve depuis le décès en avril 2021 de son époux Philip.

Des portraits d’Elizabeth II au sourire bienveillant s’affichent en Une des sites des médias britanniques. Goodnight Ma’am, titre The Sun. « La reine meurt paisiblement à l’âge de 96 ans, après 70 ans de service remarquable laissant La Grande-Bretagne et le monde en deuil », écrit le tabloïd.

The Times rend hommage à la monarque dont « le règne a été marqué par un engagement inébranlable envers son peuple et son pays ». « Thank you Ma’am… for everything« , écrit le Daily Mirror alors que le Telegraph titre simplement : La famille royale et la nation en deuil.

« Le décès de ma mère bien-aimée, Sa Majesté la Reine, est un moment de très grande tristesse pour moi et tous les membres de ma famille », a déclaré le nouveau roi Charles III dans son premier communiqué comme souverain. « Nous pleurons profondément la disparition d’une souveraine chérie et d’une mère bien aimée. Je sais que sa perte sera profondément ressentie dans tout le pays, les royaumes et le Commonwealth, ainsi que par d’innombrables personnes dans le monde entier ».

Charles s’était rendu dans la matinée à Balmoral dès que le palais avait fait état d’une dégradation de l’état de santé de la monarque, rejoint dans la journée par sa sœur Anne puis en fin d’après-midi ses frères Andrew et Edward, accompagnés du nouvel héritier du trône William. L’épouse de ce dernier, Kate, était restée à Windsor avec leurs trois enfants qui commençaient l’école.

Le prince Harry, fils cadet de Charles, est arrivé dans la soirée, sans son épouse Meghan. Le couple qui vit en Californie devait participer jeudi soir à une cérémonie à Londres.

Sur le perron du 10, Downing Street, la Première ministre a rendu hommage à une souveraine « aimée et admirée dans le monde entier ». « La mort de Sa Majesté constitue un choc énorme pour la nation et le monde », a-t-elle souligné, appelant les Britanniques à « s’unir » derrière le nouveau roi, avec lequel elle s’est entretenue une première fois.

Elizabeth II considérait son époux Philip comme son « roc ». Photo : AFP/VNA/CVN

À l’étranger, les hommages ont afflué, des dirigeants politiques et des têtes couronnées. Emmanuel Macron a salué « une amie de la France, une reine de cœur » ayant « marqué à jamais son pays et son siècle ». Joe Biden, reçu par Elizabeth II l’an dernier, a rendu hommage à « une femme d’État d’une dignité et d’une constance incomparables », tandis que Vladimir Poutine a souuligné son « autorité sur la scène mondiale ».

Une minute de silence a été observée au Conseil de Sécurité de l’ONU. La tour Eiffel n’a pas scintillé à chaque heure dans la soirée. Les drapeaux de la Maison Blanche, des bâtiments publics aux États-Unis, des ambassades, des bases militaires et des navires de guerre seront mis en berne jusqu’au jour des funérailles d’Elizabeth II, au coucher du soleil.

La mort de la souveraine, qui avait limité les apparitions depuis une nuit à l’hôpital en octobre 2021 et avait reconnu des difficultés à se déplacer, ouvre une période de deuil national, jusqu’à ses funérailles dans une dizaine de jours.

Elizabeth Alexandra Mary Windsor n’était pas destinée à devenir reine à sa naissance, le 21 avril 1926. Mais fin 1936, son oncle Edouard VIII abdique, préférant épouser Wallis Simpson, une Américaine deux fois divorcée.

Le père d’Elizabeth devient alors le roi George VI et elle devient héritière de la Couronne. Le 6 février 1952, alors qu’elle effectue un voyage au Kenya, elle apprend la mort de son père, d’un cancer, à 56 ans. Elle retourne immédiatement au Royaume-Uni, puis est couronnée le 2 juin 1953.

Elizabeth II était à sa mort cheffe d’État de 15 royaumes, de la Nouvelle-Zélande aux Bahamas, qu’elle a parcourus au fil de son règne, toujours vêtue de tenues assorties, souvent de couleurs vives.

AFP/VNA/CVN

                       Je vous salue Élisabeth, pleine de grâce…

Elle était un roc insubmersible, une sorte de référence immuable dans un monde qui bouge tellement vite que tout le monde a le tournis. La reine Élisabeth II est morte ce jeudi 8 septembre 2022, dans l’après-midi, dans son château de Balmoral à l’âge de 96 ans. Elle avait l’âge, comme on pourrait dire vulgairement, et pourtant, cette mort, au-delà de l’émotion, surprend. Surprend car on aurait pu l’imaginer finir centenaire, comme sa mère, ou presque comme son mari dont la disparition, il y a un an et demi, l’avait traumatisée et elle ne s’en était jamais remise, effondrée. Avec Philip, c’était un mariage d’amour, pas un mariage arrangé. La jeune Élisabeth avait l’air enjoué, cet esprit plein de malice qu’elle a toujours gardé par la suite malgré la lourdeur protocolaire de ses fonctions de reine.

Dans la soirée, c’était donc quasiment programme unique à la télévision, soit des reportages « en direct » dérisoires, à Londres, par exemple, cette spectatrice d’une pièce de théâtre qui n’a pas eu lieu car elle a été annulée, soit les documentaires longtemps préparés à l’avance sur la vie d’Élisabeth, de sa jeunesse loin d’être insouciante à sa vieillesse tout autant consciente de la lourdeur de ses responsabilités : incarner, elle-même, par sa propre personnalité, sa neutralité, sa culture, le royaume britannique. Il y a évidemment des brebis égarées, à la télévision. Par exemple, sur une chaîne, on y racontait la princesse Diana, vingt-cinq ans plus tard… un peu hors sujet… un peu à côté de la plaque…

Ou pas, car oui, la mort de Diana a suscité une émotion populaire très profonde, internationale (parce qu’il y a le Commonwealth), et celle de la reine semble en provoquer une de même ampleur. Sur une chaîne (d’information), on a même vu une militante ukrainienne vanter le rôle de la reine d’Angleterre : il fallait bien qu’elle bossât un peu puisqu’on l’avait prévue sur le plateau. Elle n’était pas toute seule, d’ailleurs. Même Vladimir Poutine a exprimé son émotion.

Rien n’a jamais été laissé au hasard à la Couronne britannique : les funérailles nationales, prévues le 18 septembre 2022, avaient été préparées dès les années 1960. Succédant immédiatement à sa mère, le Prince Charles est devenu (enfin !) le roi, le roi Charles III, à l’âge de 73 ans. Il était roi remplaçant depuis plusieurs années, il est devenu roi titulaire.

Bien sûr, la personnalité d’Élisabeth II, sa longévité, son ancienneté, son âge, tout impressionne. Avec elle, on replonge dans les jeunes années d’après-guerre, à une époque plutôt gaie de la reconstruction, avec des perspectives de prospérité économique. Élisabeth II était reine quand Vincent Auriol présidait la France (il était le Ministre des Finances de Léon Blum en 1936), Harry Truman avait remplacé Franklin Roosevelt à la Maison-Blanche. Elle a « commencé » avec Churchill, un mentor digne de confiance qui l’a prise sous son aile. Et pied de nez au destin, non contente d’avoir déjà nommé quatorze Premiers Ministres (dont un deux fois, Harold Wilson), elle a eu le temps, deux jours avant de mourir, d’en nommer une quinzième, Liz Truss, officiellement Première Ministre depuis le 6 septembre 2022.

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Les images ont montré une reine très affaiblie de 96 ans, mais debout ! souriante, complètement lucide, au regard toujours bien concentré sur son interlocutrice, assumant jusqu’au bout sa charge royale. Pour Liz Truss, non seulement elle va devoir se fondre rapidement dans la fonction, mais elle va devoir inaugurer cette nouvelle étape de la royauté : la monarchie britannique tenait surtout grâce à Élisabeth II. Elle partie, son fils Charles III saura-t-il préserver l’unité d’un pays dont les provinces périphériques réclament leur autonomie sinon leur indépendance (ou pas) ?

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On s’était étonné qu’elle marchât avec une canne …à 95 ans et demi ! Certains en ont déjà à 70 ans ! Et puis elle a été testée positive au covid-19 le 20 février dernier. Les fêtes du Jubilé sonnaient comme une sorte de tournée des adieux, pas seulement auprès des sujets britanniques mais aussi de beaucoup de peuples au monde. Même en France, pourtant républicaine, l’émotion est forte. Pas à cause de l’impact médiatique (ceux qui ne traiteraient pas de ce décès seraient les premiers critiqués de négliger un événement émotionnel populaire). Les médias suivent, rarement initient. Élisabeth II a été l’amie de la France, elle parlait parfaitement français et appréciait ses déplacements en France.

Plus de soixante-dix ans et demi de règne, c’est vertigineux. Et pourtant, si elle a battu le record de son aïeule Victoria, elle n’a pas réussi à battre celui de Louis XIV qui était beaucoup plus jeune qu’elle à sa disparition. Pour plein de raisons, des bonnes et des moins bonnes, Élisabeth II est entrée dans les livres d’histoire des Britanniques. Elle a su personnifier la grandeur et la fierté nationale, et surtout l’unité. Elle n’a jamais raté une occasion pour le rappeler, comme cette courte allocution du 5 avril 2020 pour s’associer à son peuple dans le moment très dur de la crise sanitaire.

C’est peut-être l’une de ses dernières prestations qui restera dans la mémoire collective, une femme au milieu du peuple, soucieuse de son devenir : « Ensemble, nous nous attaquons à cette maladie, et je tiens à vous assurer que si nous restons unis et résolus, nous la vaincrons. J’espère que dans les années à venir, chacun pourra être fier de la façon dont il a relevé ce défi. Et ceux qui viendront après nous diront que les Britanniques de cette génération étaient aussi forts que les autres. Les attributs de l’autodiscipline, de la résolution tranquille de bonne humeur, et du sentiment d’appartenance caractérisent toujours ce pays. La fierté de ce que nous sommes ne fait pas partie de notre passé, elle définit notre présent et notre avenir. ».

Malgré les rigueur du protocole, Élisabeth II maniait aussi son propre sens de l’humour qu’elle pouvait user dans certaines circonstances, c’était le cas au lendemain du référendum sur le Brexit « Je suis encore en vie, en tout cas ! » (24 juin 2016).

Comme pourrait dire « l’homme de la rue », on n’en refera plus une comme cela, une figure morale incroyable, psychorigide de la fonction, mais rayonnante aussi, une version féminine d’un pape mais en plus moderne, en plus libéral, en plus audacieux, ou alors, une sorte de Nelson Mandela, sans la peine endurée mais avec le même éclat dans les yeux d’un universalisme assumé.

Celle par qui la cohésion résiste aux forces centrifuges, celle qui encourage et qui rend la fierté d’appartenir à une nation, elle aurait pu avoir ce titre définitif : grand-mère de l’humanité. En tout cas, elle n’en manquait pas, d’humanité, lorsqu’elle disait : « Le deuil est le prix que nous payons pour l’amour. ». À présent, on le sait : le peuple britannique a toujours adoré sa reine.


       Quand Elizabeth II évoquait le Traité d’amitié algéro-britannique de 1765

                                             Une reine à l’hôpital Mustapha

Durant son séjour qui intervenait deux semaines après le séisme qui a ravagé la ville de Chlef, elle s’est rendue à l’hôpital Mustapha, au chevet d’enfants malades, ainsi qu’aux ruines de Tipaza.

 

Durant 7 décennies, la reine Elizabeth incarnait l’Empire britannique dans tout ce qu’il avait de chatoyant. Couronnée à 27 ans, elle a porté avec un certain stoïcisme une couronne trop lourde pour ses frêles épaules. Ses innombrables voyages partout dans le monde expliquent l’émotion et l’hommage unanime que celui-ci lui accorde, comme les drapeaux en berne à l’ONU ou la pluie de louanges aussi bien en Occident qu’en Russie, en Chine, en Afrique et au Moyen-Orient. Elle a décoré plus de 400 000 personnalités internationales subjuguées par sa bienveillante autorité et sa remarquable rigueur.

Des quinze Premiers ministres britanniques qu’elle a vu passer, elle dira de Winston Churchill qui était impressionné par son attachement aux affaires de l’État et sa compétence qu’il «était le plus drôle». Légende vivante, la reine Elizabeth qui a découvert le continent africain en 1947 s’est rendue en visite officielle en Algérie, accompagné de son mari Phillip Mountbatten, du 25 au 28 octobre 1980.

Venant de Tunis à bord de son yacht le Britania, la reine d’Angleterre a été accueillie en grande pompe par le président Chadli Bendjedid. Durant son séjour qui intervenait deux semaines après le séisme qui a ravagé la ville de Chlef, elle s’est rendue à l’hôpital Mustapha, au chevet d’enfants malades, ainsi qu’aux ruines de Tipaza. Elle avait alors, suprême considération, rappelé que les relations entre l’Empire britannique et l’Algérie ont été scellées par le Traité d’amitié de 1765, témoignant par-là même de l’importance et de la solidité des liens qui existaient entre les deux puissances de l’époque.

Si le Royaume-Uni, membre de l’OTAN, n’a pas eu une politique favorable durant la guerre de Libération nationale, nombreux sont les pays membres de l’Union Jack – le Commonwealth – qui ont soutenu pleinement le peuple algérien et ses instances, notamment l’Inde, le Pakistan, les États du Golfe et d’autres. Dès son premier voyage en Afrique, Elizabeth II avait pris la mesure des tensions politiques en Rhodésie et en Afrique du Sud où elle ne reviendra qu’en…1995, signe évident de son rejet implicite de l’apartheid. Toute une vie de sacerdoce, ponctuée par des crises familiales successives et éprouvantes, n’a pas mis à bout de souffle cette souveraine hors du commun dont Margareth Thatcher, alors jeune militante du Parti conservateur dira espérer qu’elle « contribuera peut-être à mettre fin aux injustices dont sont victimes les femmes qui aspirent aux plus hautes fonctions». Chaque semaine, elle faisait le point avec les quinze Premiers ministres successifs, n’approuvant ni ne déjugeant aucune des décisions gouvernementales.

Plutôt réservée sur l’intervention franco-britannique de Suez en 1956, elle a soutenu en revanche celle des Malouines où son fils Andrew était en première ligne. Elle mettait un soin particulier dans le suivi des affaires du Commonwealth, nouant au fur et à mesure des relations étroites avec les dirigeants des pays membres, notamment africains. Sans elle, nombreux sont ceux qui auraient claqué la porte et seuls Kenneth Kaunda de la Zambie et Nelson Mandela ont accédé au cercle des intimes. En 1961, elle a accordé une valse au ghanéen Kwame Nkrumah pour l’empêcher de s’allier avec l’URSS et sortir de l’Union-Jack dont elle était le «psy», plaisantait son mari, le prince Phillip. Par-delà tous les tumultes, elle aura conservé intacte une immense popularité sur tous les continents et cela n’a rien de commun.


 

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