L’Algérie va produire de l’énergie à partir de l’hydrogène : Une «révolution» à ne pas rater

    Des projets de production d’énergie à partir de l’hydrogène en partenariat avec des entreprises allemandes et italiennes ont été annoncés.

Le projet ne date pas d’hier. La transition énergétique vers les énergies nouvelles et renouvelables est, faut-il le rappeler, une des actions phares du gouvernement. Force est de constater que l’on en est encore au stade d’effets d’annonces. C’est encore le cas cette fois-ci. Un projet de production d’énergie à partir de l’hydrogène en partenariat avec des entreprises allemandes a été annoncé par le ministre de l’Énergie et des Mines. «Les moyens de mettre en place un partenariat stratégique entre les deux pays dans le cadre de l’échange de technologies, notamment en matière de développement des énergies renouvelables et de l’hydrogène en Algérie», ont été évoqués, lundi dernier, par Mohamed Arkab, lors d’un entretien avec la ministre adjointe aux Affaires étrangères de la République fédérale d’Allemagne, Katja Keul.

«La réalisation, à titre d’essai, d’un projet d’hydrogène en Algérie avec des compagnies allemandes, qui sera suivi par un projet industriel pour la production d’énergie à partir de l’hydrogène» est au programme, a-t-il révélé. Sa concrétisation serait un remarquable coup d’accélérateur pour sortir le pays de la dépendance chronique à son secteur pétro-gazier et faire un grand saut vers les énergies propres. Le pays en a les moyens. Doté d’un exceptionnel potentiel solaire, il est bien placé pour produire de l’hydrogène vert et à des coûts très compétitifs, de surcroît. «Grâce à son potentiel considérable en énergie solaire, ses importantes ressources en gaz naturel et les infrastructures de distribution associées, l’Algérie est bien placée pour produire l’hydrogène vert et éventuellement bleu (à partir du gaz naturel avec capture et stockage de carbone) à des coûts très compétitifs», avait indiqué, le 23 avril 2022, le Commissaire aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique, Noureddine Yassaa. Il faut rappeler que le président de la République avait affirmé, le 24 février 2022 à l’occasion de la célébration du 51e anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures, que l’Algérie était capable de devenir «un acteur clé» dans le domaine de l’hydrogène vert.

La place de choix à laquelle l’Algérie aspire dans le processus de transition énergétique dans les prochaines années repose également sur notre capacité à adhérer aux plus efficientes solutions climatiques, à savoir l’hydrogène à utilisation «zéro pollution», avait souligné Abdelmadjid Tebboune. Il faut noter qu’à ce sujet la compagnie nationale pétro-gazière Sonatrach et le Groupe italien Eni avaient procédé, le 25 mai dernier à la signature d’un mémorandum d’entente visant à la réduction de l’empreinte carbone à travers l’exploitation de l’hydrogène vert, lors de la visite d’État effectuée par le président de la République en Italie. «Dans le secteur des énergies renouvelables, nous avons lancé la production de panneaux solaires dans la wilaya de Sidi Bel Abbès, et nous aspirons à produire ensemble de l’hydrogène vert et à l’exporter en Italie», avait annoncé le locataire d’El Mouradia. Il faut souligner aussi que le pays bénéficie d’une situation géographique favorable grâce à sa proximité des marchés potentiels, outre l’existence d’un tissu industriel pour la production de l’hydrogène et de l’ammoniac. Autant d’atouts qui indiquent qu’il doit jouer dans la cour des grands dans ce domaine. «L’Algérie peut devenir un exportateur important d’hydrogène vers l’Europe», a assuré le Commissaire aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique, Noureddine Yassaa. Un faux pas serait impardonnable…


Energies renouvelables : 2021, une année décevante et une «occasion perdue» pour la transition

Selon le rapport annuel du réseau d’experts REN 21, la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique mondiale a stagné en 2021. Après la pandémie du Covid-19, les ENR ont été dépassées par le rebond enregistré en matière de consommation des combustibles fossiles (pétrole, gaz et charbon) en dépit d’un niveau record de construction dans le solaire comme l’éolien.

Synthèse Kahina Sidhoum
En dix ans, leur part du total est tout juste passée de 8,7% en 2009 à 11,7% en 2019, barrages et biocarburants inclus. En 2020, année Covid de chute exceptionnelle de la demande d’énergie, elle est passée à 12,6%. Le chiffre exact pour 2021 n’est pas encore disponible, mais ne devrait pas correspondre à l’accélération nécessaire à la transition énergétique. «On ne voit pas s’opérer de transition mondiale vers les énergies propres», et cela rend «bien peu probable la tenue au cours de cette décennie d’objectifs climatiques pourtant essentiels», assène le rapport du REN 21.
L’an dernier, les émissions de CO2 ont ainsi crû de 6%. Or, selon les experts climat de l’ONU (Giec), le monde a trois ans pour faire plafonner les émissions de gaz à effet de serre et espérer un avenir «vivable», en se désintoxiquant des énergies fossiles, principales responsables du réchauffement. En 2021, les nouvelles capacités électriques renouvelables ont atteint 316 gigawatts ajoutés en 2021 (soit +17% par rapport à 2020), permettant de fournir pour la première fois 10% du courant mondial. Mais cet ajout record n’a pas suffi pour répondre à une hausse de 5% de la demande électrique, à laquelle des centrales fonctionnant aux énergies fossiles ont dû répondre.

Pour le chauffage, le froid et la chaleur, la part d’origine renouvelable reste à 11,2%, et dans les transports à 3,7%, «une absence de progrès particulièrement préoccupante car ce secteur absorbe un tiers de l’énergie». «Malgré les promesses de relance verte faites pendant la pandémie, cette occasion historique a été perdue», et les réponses à la crise énergétique ont enfoncé le clou, constatent les experts. De fait, la principale mesure prise par les Etats face à la flambée des prix des hydrocarbures a été de renforcer leurs soutiens à la production et/ou à l’achat de gaz ou de carburants, souligne REN21.
«Depuis la hausse des prix et la crise avec la Russie, on assiste à une frénésie dans la recherche de ressources fossiles», ajoute la directrice exécutive de REN21, Rana Adib, «c’est une marche arrière alarmante». Alors qu’«investir dans les renouvelables nous sortirait du risque d’inflation, avec une énergie à prix fixe», poursuit-elle, citant le cas de l’Australie, où le très pro-charbon Queensland subit des prix de l’électricité supérieurs de 30% à ceux relevés dans les régions du sud favorables aux ENR. «La transition est possible si nous investissons dans les économies d’énergie, l’efficacité et les renouvelables», résume Rana Adib. «Et si on ne réussit pas maintenant, je ne sais pas quand on va réussir».

Pour le réseau REN21, les Etats, à l’image des pays nordiques par exemple, devraient commencer par se fixer des objectifs contraignants de déploiement, avec des plans chiffrés de court et long terme et des dates de fin pour les énergies fossiles. Face au réchauffement climatique, «la transition énergétique est notre planche de salut, et les renouvelables la seule source d’énergie pouvant offrir à tous les pays une plus grande autonomie et la sécurité énergétique», plaide Teresa Ribera, ministre espagnole de la Transition écologique et vice-président de REN21. Le rapport relève aussi un boom des contrats directs (dits «PPA») signés entre producteurs et grands acheteurs, notamment de grandes entreprises: +24% en un an.


      Une nouvelle famille de matériaux pour la production solaire d’hydrogène renouvelable

L’utilisation de l’hydrogène comme vecteur énergétique pour produire de l’électricité et de la chaleur sur demande est une solution pour le stockage de l’énergie presque idéale dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique et du développement durable, pour les besoins domestiques, dans le transport, ou à grande échelle dans des centrales de production d’énergie.

En effet, combiné avec l’oxygène de l’air, l’hydrogène permet de produire de l’énergie thermique ou électrique en ne dégageant aucune émission polluante (principalement de l’eau). C’est par exemple le cas dans les piles à combustible utilisées dans les véhicules fonctionnant à l’hydrogène, qui combinent hydrogène et oxygène pour produire du courant électrique et alimenter un moteur électrique.

Néanmoins, l’hydrogène utilisé actuellement est essentiellement produit à partir d’énergies fossiles, et il est donc nécessaire de trouver d’autres modes de production décarbonés. L’une des possibilités est d’utiliser directement l’énergie solaire pour produire de l’hydrogène à partir d’eau dans des cellules photo-électro-chimiques. Ces cellules sont composées de photo-électrodes, sortes de cellules solaires plongées directement dans de l’eau, qui permettent de collecter l’énergie solaire, et utiliser cette énergie pour casser les molécules d’eau pour former des molécules d’hydrogène et d’oxygène.

Une nouvelle approche

C’est l’approche choisie par notre consortium constitué de scientifiques rennais, avec Nicolas Bertru et Yoan Léger (Institut FOTON-CNRS, INSA Rennes) et Bruno Fabre (Institut des sciences chimiques de Rennes–CNRS, Université de Rennes 1), et en collaboration avec des membres de l’Institut de Physique de Rennes–CNRS à l’Université de Rennes 1.

Dans le travail qui vient d’être publié dans la revue Advanced Science, nous proposons d’utiliser une nouvelle famille de matériaux avec des propriétés photo-électriques tout à fait étonnantes pour produire de l’hydrogène solaire efficacement, à faible coût et impact environnemental. Cette proposition est accompagnée de plusieurs démonstrations de photo-électrodes fonctionnant sous illumination solaire.

Les semi-conducteurs sont des matériaux ayant des propriétés intermédiaires entre les conducteurs électriques (le plus souvent des métaux), et les isolants. Ces propriétés peuvent être par exemple utilisées pour laisser passer ou non le courant électrique sur demande, comme dans le cas du silicium, matériau abondant et peu cher, formant la base de toutes les puces électroniques actuelles.

Mais elles peuvent aussi être utilisées pour l’émission, ou l’absorption de la lumière, comme dans le cas des semi-conducteurs dits « III-V » qui sont utilisés dans une large gamme d’applications, allant des émetteurs lasers ou LEDs et autres capteurs optiques, jusqu’aux cellules solaires photovoltaïques pour l’aérospatial. On les nomme « III-V » car ils se composent d’un ou plusieurs éléments de la colonne III et de la colonne V du tableau périodique de Mendeleïev.

Si ces matériaux « III-V » sont très performants, ils sont aussi également plus coûteux. C’est dans ce contexte que de nombreux chercheurs tentent depuis les années 1980, de déposer de très fines couches de ces matériaux, sur des substrats de silicium pour obtenir de hautes performances optiques, nécessaires pour garantir pas exemple une bonne absorption du rayonnement dans une cellule solaire, ou pour garantir une émission de lumière efficace dans un laser, tout en réduisant ainsi drastiquement le coût de fabrication et l’empreinte environnementale des composants développés.

L’un des principaux problèmes de cette approche était lié à l’apparition de défauts cristallins dans le matériau semi-conducteur, c’est-à-dire à la présence d’un ou plusieurs atomes mal positionnés par rapport à l’arrangement parfaitement régulier que devraient avoir les atomes du cristal idéalement. Ceci a pour conséquence de dégrader les performances des lasers ou des cellules solaires ainsi développées, et c’est pourquoi les efforts en recherche portaient essentiellement sur la réduction ou la suppression de ces défauts.

A contrario, notre équipe a démontré que ces irrégularités du cristal, considérées usuellement comme des défauts, avaient des propriétés physiques très originales (des inclusions avec un caractère métallique), qui pouvaient être utilisées efficacement pour la production d’hydrogène solaire, et pour bien d’autres applications photo-électriques.

De surprenantes propriétés

Notre travail montre donc que la présence de parois d’antiphase (l’acronyme anglais « APB » est utilisé sur l’illustration), qui sont des défauts cristallins bien spécifiques inversant localement l’arrangement des atomes, dans les matériaux III-V déposés sur silicium, leur confère des propriétés physiques tout à fait remarquables et sans précédent. En particulier, nous montrons que ces parois se comportent localement (à l’échelle atomique) comme des inclusions métalliques, dans un matériau qui est, lui, semi-conducteur.

(Gauche) : Représentation schématique d’une photo-électrode associant une couche mince (typiquement 1µm) de semi-conducteur III-V (rose) et un substrat de Si (violet), pouvant servir en anode ou en cathode. (Droite) : Les échantillons produits (haut) ont une surface d’environ 20 cm² et servent à réaliser des photo-électrodes (bas), utilisées pour la photo-électro-chimie. Author provided

Ceci permet au matériau d’être à la fois photo-actif (absorption de la lumière et conversion en charges électriques), et métallique localement (transport des charges électriques). Plus surprenant encore, le matériau peut conduire à la fois les charges positives et négatives (caractère ambipolaire). Dans ce travail, une preuve de concept est présentée à travers la réalisation de plusieurs photo-électrodes III-V/Si (cf. photos de la figure ci-jointe) pour la production d’hydrogène solaire, avec des performances comparables aux meilleures photo-électrodes III-V conventionnelles, mais avec un coût de production et un impact environnemental beaucoup plus faibles du fait de l’utilisation du substrat de silicium.

Pour l’instant, ces échantillons ont permis de produire de l’hydrogène à l’échelle de la cellule de laboratoire, mais il semble possible d’imaginer que si la stabilité de ces matériaux est améliorée, elles pourront, dans le futur, servir de substrat pour une conversion de l’énergie solaire en hydrogène à plus grande échelle.

De nouvelles propriétés pour de nouvelles applications

Dans cette étude, la démonstration de photo-électrodes pour la production d’hydrogène solaire permet d’une part de mieux appréhender les propriétés du matériau, et d’autre part de valider son application dans un système fonctionnel. Mais, au-delà de cette application démontrée, les propriétés intrinsèques de cette nouvelle famille de matériaux qui peuvent être élaborés assez simplement, permettent aussi d’envisager de nombreuses autres applications. La capacité du matériau à convertir efficacement la lumière en charges électriques en fait par exemple un candidat de choix pour les cellules solaires photovoltaïques, ou les capteurs optiques. Ses propriétés de transport des charges électriques et de conduction anisotrope pourraient être utilisées pour l’électronique et le calcul quantique. Enfin, les phénomènes physiques liés à la lumière et au courant électrique se déroulant à l’échelle nanométrique, ce matériau pourrait aussi être considéré pour envisager de nouvelles architectures photoniques intégrées.


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