L’Algérie, ou la disproportion entre la grandeur d’un peuple et la petitesse d’esprit des dirigeants

Contribution-

L’Etat-parti unique en Algérie, c’est terminé. Les bric-à-brac conseillers de l’homme fort d’aujourd’hui, et leurs courtisant-serviteurs du FLN/RND, utilisés comme façade civile, doivent le savoir. «Madaniya machi askariya». Ainsi parlait le peuple.

Plus forts et même plus malins qu’eux tous sont déjà tombés très bas et ont touché le fond. Ils ne referont plus jamais surface. Sinon, juste pour aller se cacher pour mourir. Quelle triste fin !

En ce sens, quelqu’un d’un humour extraordinaire disait que tous les peuples peuvent tomber très bas et s’enfoncer jusqu’à toucher le fond, mais ils finissent toujours par refaire surface. Nous, Algériens, nous sommes tombés très bas et nous avions touché le fond, et maintenant on creuse. C’est Fellag, en fait, qui a tout vu et qui a tout dit sur ce qui nous arrive. Et pour ne pas creuser, il a choisi de partir pour refaire surface ailleurs, comme tant d’autres Algériens.

«Il n’y a que deux choses qui peuvent nous renseigner sur l’infini. D’abord l’Univers, et puis, la bêtise humaine. Encore faut-il que je précise, que pour la première je n’en suis pas si sûr.» (Albert Einstein)

En Algérie, il y a eu «bêtise humaine» en 1962, quand Ahmed Ben Bella, Boumediène et Bouteflika avaient décidé de gouverner par le fer et la poudre. Il faut dire aussi que la France et l’Egypte sont deux pays qui n’avaient pas pu digérer la décision du Congrès de la Soummam en 1956 ; surtout quant à l’idée de la primauté du politique sur le militaire et de l’intérieur sur l’extérieur.

C’est alors qu’une conspiration pour un néocolonialisme a été soigneusement préparée afin de s’accaparer les richesses du pays et faire disparaître toute trace d’authenticité du peuple algérien. Et la sous-traitance avait commencé bien avant l’été de l’année 1962.

Si le premier objectif a été atteint à 100% pour la France, qui se pavanait depuis toujours dans le Sahara algérien comme bon lui semble, le deuxième s’avère difficile pour eux, quand le peuple est porteur d’un gène de liberté et de dignité. D’ailleurs, ni la crise économique de la fin des années quatre-vingts que les Occidentaux ont soigneusement programmée n’a pu le faire capituler, et encore moins les idéologies de sectes que les émirs arabes ont financées pour faire disparaître l’authenticité algérienne ne sont parvenues à l’affaiblir, malgré sa solitude face à la meute.

Et c’est ainsi qu’en 1999, et après l’échec de toutes ces tentatives diaboliques, qu’une deuxième conspiration du même calibre que celle qui avait emporté Ben M’hgidi et Abane, se décida dans les milieux occultes franco-saoudo-émiratis. L’idée était de plébisciter une personne sur mesure, qu’eux-mêmes avaient repêchée au moment de son naufrage après la mort de Boumediène. C’était Bouteflika. Un despote animé d’un esprit de vengeance, prêt à brader les richesses du pays par des projets opaques de crime «lèse-majesté», et à enterrer définitivement l’authenticité des Algériens, avec des religions politiques destructrices, qui n’ont jamais été les siennes.

Photo : H. Lyès

Tous ceux qui ont gouverné depuis cette date-là jusqu’à aujourd’hui ont été soigneusement façonnés pour n’exercer que le népotisme pour servir les leurs, le régionalisme pour diviser le peuple, la corruption pour acheter l’élite, et plus grave encore, quand c’est l’individu même qui est carrément poussé vers un nihilisme dangereux et la haine de soi. Tout est fait comme si l’objectif était de détruire l’essence même de la personne, pour transformer sa boîte crânienne en coquille vide. Et la preuve suivante en est formelle et même criante.

Quand on pose la question à un Tunisien sur ce qu’il aime, il répond automatiquement qu’il aime la Tunisie. Le Marocain répond qu’il aime le Maroc, l’Egyptien aime l’Egypte et le Français aime la France, etc. Mais l’Algérien, il répond sans réfléchir qu’il aime «El Islam», «El ourouba», et puis, la Palestine sinon «Ghaza». Et si vous lui dites, ok d’accord, mais vous aimez quand même l’Algérie ? Il vous répond : «Inaal bou bled kima hadi, hetta rouhi krahtha», dans le sens, «au diable ce pays», et moi-même, je me déteste. C’est ça la haine de soi ! L’individu est poussé pour s’autodétruire par complexe d’infériorité, au point de penser qu’«Edoula mataghlatch», le pouvoir a toujours raison.

Depuis 1962, aucun poste-clé n’a été cédé à quelqu’un qui n’est pas des leurs. La politique, c’est eux et c’est pour eux, et point barre ! Les décisions importantes reviennent toujours au noyau dur du groupe d’Oujda. Et si un individu, un groupe ou une région commence à les gêner, ils mettent en branle leur machine de propagande que sont les médias (leur chasse gardée) pour les taxer de traîtres et d’ennemis de la nation, en attendant la sentence finale, d’une justice au service du téléphone.

Abane, Chaâbani, Khider, Krim, Messili, Boudiaf, Tamalt, Fekhar, etc, et pour ne citer que ceux-là, ont tous été assassinés pour leur opposition à la dictature. 127 jeunes manifestants ont été assassinés en 2001 pour avoir revendiqué un droit d’existence sur la terre des ancêtres communs à tous les Algériens, néanmoins arabisés d’une région à l’autre, du fait d’un amour qu’ils portent sincèrement au Coran, sinon c’est surtout le panarabisme appliqué à outrance par ses adeptes ayant pris le pouvoir par la force. Cette idéologie de nos malheurs s’applique encore et encore avec surenchère et ruse, jusqu’à faire croire aux gens que pour paraître musulman, il faut se renier et n’accepter que les rituels koraïchites anciens et leur culture et d’aimer tout, sauf son propre pays. Grave !

Certains imams sont allés jusqu’à dire, toute honte bue, que c’est grâce à Ben Badis et El Ibrahimi uniquement que l’Algérie a eu son indépendance, omettant de citer ne serait-ce qu’une seule personne des six créateurs du FLN. Cela s’est passé durant le prêche du vendredi ayant suivi le 1er novembre 2018. Et par ses calculs machiavéliques, le pouvoir laisse faire afin de créer une banque de candidats aux élections du type FLN/RND, sinon du style : khatem Soulayman et Oussama Wahid.

Deux rigolos qui donneraient l’envie même aux animaux de quitter le pays. Benchicou, Bouregaâ, Tabou, Boumala, Belarbi sont envoyés en prison comme de vulgaires voyous pour avoir dénoncé l’imposture des dirigeants pour certains, ou d’avoir revendiqué le droit d’avoir des droits pour d’autres, pendant que Benflis, Tebboune, Belkhadem et Mihoubi, auxquels ne manquait que Naïma Salhi, avec ses extravagances encouragés par les cercles occultes pour semer la fitna entre Algériens se préparent pour couronner leurs carrières de courtisans zélés et sans dignité, après avoir participé à la ruine du pays avec Bouteflika. Ne manque aux Dalton que Saadani qui vient de vomir une analyse infecte pour plaire à l’homme fort du moment et qui se la coule douce à Paris, en attendant Bouteflika-bis pour l’amnistie des bandits en 2020, après celles des terroristes en 2005.

Y a-t-il encore en Algérie «bêtises humaines» en 2019 ? A entendre le chef d’état-major, censé être un homme d’esprit zen, craint par l’ennemi et respecté par ses concitoyens en train de bavasser sans arrêt, prêchant des injures au lieu de paroles sages et rassurantes, la réponse est «oui». Pourtant, la jeunesse algérienne est très dynamique et instruite, et cela suffirait aisément pour développer le pays. Il faut dire aussi que l’Algérie possède les minerais les plus demandés dans l’industrie de nouvelles technologies et qui sont rares dans le monde et très coûteux.

Et puis, pas moins d’un tiers du territoire reste encore inexploré. Et a priori, ces espaces peuvent s’avérer très riches en huile et en gaz conventionnels. Aussi, l’Albien algérien contient plus de 50 000 milliards de mètres cubes d’eau douce, qui est l’équivalent de  50 000 fois le barrage de Beni Haroun. Les géologues et les agronomes patriotes diront tous que l’avenir des générations futures est dans la préservation de cette eau, si elle est utilisée dans l’agriculture. L’utilisation de celle-ci, à laquelle sont rajoutés des dizaines de produits chimiques pour l’extraction des gaz de schiste en injectant pas moins de 20 000 m3 dans chaque forage (il y en aurait des centaines de milliers) est une erreur.

Car cela provoquerait assurément une pollution incontrôlable de la nappe, sachant que les roches qui contiennent le gaz de schiste sont en contact au niveau de leurs toits par l’Albien, connu pour ses fractures. Et puis, l’Albien lui-même est parfois roche-mère dans le Frasnien (paroles de géologues).

Voilà les sujets que les chaînes de télévision algériennes, publiques et privées, doivent montrer dans les informations télévisées à l’heure de grande écoute. Mais discourir et menacer des millions de citoyens est tout simplement ridicule. Voir des jeunes soldats applaudir sagement un chef, comme dans une scène de présentation d’une symphonie de Mozart ou de Beethoven, et le montrer à longueur de journée, comme s’il s’agissait d’un grand événement, est un fait qui nous renvoie aux années d’avant la chute du Mur de Berlin.

Et si l’homme qui inspire le pouvoir algérien est Kim Jong-un, ce dernier a du moins réussi à dissuader la superpuissance du monde avec sa technologie propre à lui. Au lieu de lire pour comprendre où réside la force d’une nation, le pouvoir préfère encore taper sur ceux qui lisent et qui revendiquent d’une manière civilisée les libertés démocratiques.
«La force d’une nation ne se mesure pas au nombre de chars que son armée possède, mais plutôt et avant tout par le degré d’entente et de confiance qui existe entre le peuple et ses dirigeants» (Confucius)

L’humiliation subie récemment par l’Arabie Saoudite (hyper armée) par les Houtis en est la preuve la plus frappante. Dans le livre (que je conseille aux officiers militaires qui ne l’ont pas encore lu, de le faire) intitulé L’Art de la guerre, écrit par Sun Tzu, l’auteur insiste, entre autres, sur le respect que doit le pouvoir au peuple, aux personnes du savoir et même à l’ennemi qui se rend lors des batailles. Et ceux qui savent comprendront…

Conclusion

Ce qui rend en fait l’état d’un Algérien conscient si douloureux, c’est la disproportion qui existe aujourd’hui entre la grandeur du peuple qui ne cesse de démontrer au monde son intelligence et sa détermination pour redevenir l’Homme libre qu’il était à l’origine, et la petitesse d’esprit des bric-à-brac qui le commandent encore aujourd’hui. Et la preuve, c’est que neuf mois durant, ni le Président, ni le Premier ministre, et encore moins le chef d’état-major n’ont le courage d’animer une conférence de presse devant un parterre de journalistes non inféodés à eux pour éclairer et rassurer la population. Car ils savent très bien qu’ils seraient vite démasqués et que leurs vrais visages vont apparaître en plein jour pour que l’Histoire fasse son travail…

Une chose est sûre et surtout rassurante : la citoyenneté est en route depuis le 22 février 2019. Signe d’une maturité qui se propage enfin à travers tout le territoire. C’est celle d’un peuple authentique qui a fini par comprendre qu’il faut forcer le destin cette fois-ci. Maintenant ou jamais !
Oublier le passé, c’est trahir l’avenir.

Les jeunes qui mènent maintenant la deuxième révolution algérienne, encore unique au monde, doivent savoir que l’Histoire enseignée à l’école est amputée de sa partie la plus importante par un pouvoir illégitime venu des frontières. Comme ils doivent savoir aussi que Bouteflika est l’un des trois artisans du coup de force de 1962 et du coup d’Etat de 1965, comme il a été accusé par la Cours des comptes de détournement d’argent (El Moudjahid du 9 août 1983).

Winston Churchill n’a pas tort de dire qu’il faut regarder bien loin dans le passé pour mieux préparer l’avenir. Cet homme n’a jamais profité du Trésor public de son pays, qu’il a pourtant servi mieux que quiconque. Ses revenus ont toujours été tirés grâce à sa plume et ses dons d’écriture, couronnés par le prix Nobel de littérature. Cet homme a dit un jour : «L’histoire témoignera que tout ce que je dis est vrai, parce que je compte l’inscrire moi-même». Et c’est fait admirablement.

Concernant l’Algérie, son Histoire a été tronquée de ses meilleurs moments par des fossoyeurs-conspirateurs qui finiront par se dévoiler malgré eux un jour. Ce jour ne serait autre que celui où les décideurs auront le courage de se rassembler, de méditer et de divorcer avec le diable qui les ensorcelle encore à leur âge. Et puis de demander pardon au peuple algérien qui s’est soulevé le 22 février comme un seul homme pour corriger pacifiquement son Histoire.

Cette manière intelligente et civilisée d’entamer une révolution pour la liberté n’est digne que d’un peuple brave, courageux, et qui a toujours été victime de son excès de tolérance et de son empathie envers ceux-là mêmes qui veulent sa mort. Un peuple prêt à pardonner, malgré tous les torts qu’on lui a fait subir. Et le pouvoir le sait. Mais, au lieu de s’enorgueillir de la maturité du peuple qui lui offre l’opportunité historique de rentrer dans l’histoire, il s’entête encore maladroitement à satisfaire ses protecteurs, au lieu de construire une souveraineté qui le protégerait au sein de sa nation.

«La guerre, c’est une chose trop grave pour la confier à des militaires», disait Clemenceau. Alors, qu’en est-il pour les choses politiques pratiquées par de vieux bric-à-brac, combinards et abracadabrants ? Et quoi que l’on dise et quoi que l’on fasse, il faut dire qu’il est temps de changer le mode de gouvernance. Le salut de l’Algérie passe obligatoirement par le courage de réhabiliter le Conseil national à l’Energie qu’il faut élargir aux experts algériens, connus pour leurs compétences dans le domaine de la géologie et de l’énergie afin de préserver ce qui reste des richesses naturelles. Du moins, en attendant de créer celles qui sont renouvelables et inépuisables (solaire).

Et pour cela, il faut absolument dissoudre le FLN/RND afin de réinventer la pratique de la politique en Algérie. La dissolution de l’UGTA afin de redynamiser le secteur économique. L’élimination du ministère des vrais/faux Moudjahidine, dont le budget est équivalent à quatre ou cinq ministères. Il faut également penser à cesser de désigner les présidents d’université et de procéder plutôt à des élections afin d’élire une personne capable d’accompagner les centres de recherche et de l’innovation.

Cesser de désigner les walis, mais de procéder à un vote après une sélection très rigoureuse de candidats natifs de la même wilaya pour recréer la motivation. Et enfin, rajeunir l’état-major de l’Armée pour regagner la confiance du peuple, celle dont parlait Confucius. Et le ministre de la Défense doit être un civil, de formation «politique et géostratégie militaire». Amen !

Par Madjid Akkouche , Retraité


NDLR .- Les textes publiés engagent la seule responsabilité de leurs auteurs; ils contribuent  librement à la réflexion, sans représenter automatiquement l’orientation de La Tribune Diplomatique Internationale.


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