Roman : « GRANDE TERRE, TOUR A » de Kadour Naïmi – partie III, chap. 17-18

La Tribune Diplomatique Internationale publie ce roman

       quotidiennement en chapitres

       depuis  le 21 décembre

 

 

 

 

 

 

 

17. Malika

Soudain, le boulanger remarque sur le seuil de la boulangerie une présence. Karim se tourne et voit celle que les autres nomment avec mépris « al mahboula » (la folle). Elle se tient immobile, le regard fixé sur les divers types de pain présentés sur la vitrine de la boulangerie. Comme toujours, la jeune fille porte dans les bras son bouquet de marguerites recueillies dans les champs.

Akli prend deux grosses baguettes de pain, sort de comptoir et va jusqu’à la nouvelle venue. Il lui offre avec amabilité le pain. L’inconnue le regarde sans réagir.

– S’il te plaît, l’invite Akli, prends-les !

L’autre continue à l’observer sans bouger. Avec délicatesse, Akli met les deux baguettes sur les bras de la jeune fille, à coté du bouquet de fleurs. Elles sont alors acceptés. En échange, la bénéficiaire offre tout con bouquet de fleurs au boulanger. Il l’accepte avec plaisir :

– Merci ! dit-t-il. Merci !

La jeune fille recule lentement, tourne le dos et s’éloigne avec sa typique démarche de fantôme.

Une fois revenu derrière le comptoir de la boulangerie, où Karim a suivi toute la scène, ce dernier s’adresse à Akli :

– Tu la connais ?!

– On dit, explique le boulanger, qu’elle est originaire du Sahara, à cause de sa peau sombre, de son corps élancé et de ses cheveux crépus… Et, surtout, parce qu’elle prononce, parfois, un seul mot : « Sahra »[1]. On ignore si par ce terme elle entend le Sahara ou, simplement, le désert d’une manière générale. Comme tu le sais, un terme identique désigne les deux choses. En outre, j’ai remarqué une chose bizarre : en prononçant « Sahra », le ton de sa voix est triste, tandis qu’elle promène ses yeux de droite à gauche, largement, en cherchant quelque chose ou quelqu’un, sans le trouver.

– Sais-tu, reprend Karim, pourquoi et comment elle a fini ici ?

– C’est un mystère total, répond Akli. Et le miracle est qu’elle est dans ce quartier depuis environ une année, sans avoir été agressée et sans tomber malade, car j’imagine qu’elle ne dispose pas d’un logis convenable.

– Est-ce la première fois qu’elle est venue ici, à la boulangerie ? veut encore savoir Karim.

– Oh, non ! répond Akli, avec satisfaction. Assez régulièrement, environ une fois par semaine sinon toutes les deux semaines, elle apparaît sur le seuil, comme aujourd’hui, et elle reste immobile, à regarder les pains.  Jamais, elle n’en a demandé. C’est toujours moi qui lui offre, chaque fois, deux grosses baguettes, car elles me semblent suffisantes pour tenir une semaine. Après, le pain se détériore.

Il précise, en souriant :

– Et puis, j’aime bien la voir retourner ici. Chaque fois, elle accepte le pain comme s’il s’agit d’un geste tout-à-fait normal ; en retour, elle me donne son bouquet de fleurs. Je les mets sur le comptoir, comme décoration et, – tu peux rire -, comme bénédiction !… Oui ! Comme bénédiction !… J’en suis arrivé à attendre la visite de celle que, dorénavant, j’ai appelé Malika.

– Malika ? Pourquoi ?

– Eh bien, explique Akli, tu sais que Malîk, en algérien, signifie ange. Et, comme je considère cette fille une sorte d’ange, je l’ai appelée Malika. Elle est venue je ne sais d’où, toutefois sa mission est claire envers moi : m’offrir des fleurs !… Il m’arrive même de la voir en rêve ! Toujours de la même manière : elle apparaît sur le seuil de la boulangerie, et elle attend, les yeux fixés sur les pains. Dans mon rêve, étrangement, c’est elle qui me donne du pain, elle m’en remplit la boulangerie, et c’est moi qui lui offre un bouquet de marguerites !

– Tu n’as jamais, interroge encore Karim, pensé à savoir plus d’elle, en lui posant des questions ?

– Jamais osé, réplique Akli. Quelque chose me retient. J’ai peur de l’effrayer par mon indiscrétion. L’expression de son visage, si calme, ou apparemment calme, et son regard si doux semblent me dire : « Je te prie de ne pas poser de question ! ». J’y consens, en cachant ma peine, pour ne pas la préoccuper… Un jour, mon frère cadet m’a lancé, en riant : « Par ta générosité en offrant du pain, tu espères recevoir les bénéfices dans l’au-delà ? » À cette question, j’ai ri, moi aussi, et répondu : « Mon bénéfice, je l’ai déjà : la voir sur le seuil du magasin, lui donner du pain et recevoir son bouquet de fleurs ! »

– Tu en as parlé à ta fiancée ? demande Karim.

– Oh, oui, bien sûr !… Elle fut heureuse de connaître l’existence de Malika, ; elle trouve ce nom parfait, mais elle s’inquiète pour la sécurité de cette malheureuse.

Il ajoute :

– Mais est-elle vraiment malheureuse ?… À voir l’expression sereine de son visage et son doux regard, il ne semble pas. Elle me donne l’impression de n’être pas de notre monde, mais d’un autre, infiniment meilleur.

En quittant la boulangerie, Karim continue à penser à cette Malika : « Pourquoi, s’interroge-t-il, est-elle dans ces  conditions ? Et que signifie dans sa bouche le terme « Sahra » ?… S’agit-il de la solitude actuelle de Malika, ou de son lieu d’origine ? Et, en prononçant ce mot, que cherche-t-elle à trouver ou à dire ? »

En poursuivant sa marche, Karim se demande encore : « N’y a-t-il pas un moyen de trouver de meilleures conditions de vie à Malika, par exemple en  cherchant quelle est sa famille ? »

Une idée vient à Karim. Au lieu de retourner chez lui, il prend une autre direction.

Il arrive au commissariat du quartier. À un policier présent au bureau d’accueil, il raconte le cas de la jeune fille, et sollicite :

– Est-ce que la police pourrait enquêter pour découvrir la famille de cette malheureuse ?

L’agent le regarde d’un air plutôt désolé, puis rétorque :

– Merci pour ta démarche ! Je signalerai le cas.

Néanmoins, en quittant le commissariat, Karim reste inquiet et triste. « La police ferait vraiment quelque chose ?… » En outre, il ne supporte pas, pas du tout, la vue de la détresse humaine, surtout quand il est impossible d’y porter un secours efficace. « Il est plus facile, se dit-il avec amertume, de soigner le corps que l’esprit !… Et je ne suis qu’un infirmier. »

 

18. Le salaire de la honte

Du ciel gris sombre, chargé de lourds nuages, tombe une pluie fine, incessante, énervante. Un vent froid pénètre les vêtements, jusqu’aux os. Se protégeant avec un parapluie, Zahra marche sur un trottoir mouillé du centre-ville, en évitant les nombreux trous remplis de flaques d’eau sale,  boueuse et charriant des détritus.

Zahra va à son rendez-vous ordinaire pour le rapport. Cette fois-ci, l’idée de rencontrer son chef lui est totalement désagréable, quasi insupportable. « Qu’y a-t-il de pire, se demande-t-elle, le viol du corps ou de l’esprit ? »

La vue de Karim, le matin, chez le boulanger, et la chaleureuse impression alors éprouvée ont intensifié les laves incandescentes de sentiments dont Zahra est le volcan. « Qui est-il pour moi ? Et qui suis-je pour lui ? » Ces deux énigmatiques et impérieuses interrogations martèlent le cerveau de l’amoureuse.

Avant d’accéder au bureau du chef inquisiteur, Zahra est reçue par un jeune policier, préposé à la réception. Depuis la première vue de ce jeune homme, la jeune fille fut agréablement surprise de constater son comportement. Il n’avait rien du policier parvenu, orgueilleux et sans respect pour les simples citoyens ; au contraire, sa politesse et sa modestie étaient sincères et charmantes. Zahra comprenait qu’elle n’avait pas affaire à un misérable arriviste vulgaire et malotru, mais à une personne sensible et respectueuse des autres, ce type de personne qui fait honneur au corps de police quand elle est au service réel des citoyens, avec la conscience que c’est de leur argent, sous forme d’impôt, que les policiers vivent. Moussa est le nom de ce réceptionniste.

Zahra le salue avec respect et un certain plaisir, car sa vue soulage et réconforte en ce lieu où il ne fait pas bon de se trouver.

Quand elle entre finalement dans le bureau de son chef, il scrute longuement le visage de sa moucharde, et s’aperçoit de son trouble :

– Quelque chose ne va pas ?

Elle le regarde toute surprise. C’est la première fois qu’il lui pose cette question. « S’est-il aperçu de quelque chose ?… s’inquiète-t-elle. Une autre personne ferait-elle le même travail que moi dans le quartier, et m’espionne ?… Je dois trouver une excuse ! »

– Ma mère n’est pas en bonne santé, déclare Zahra.

Sans tenir compte de la réponse, le policier demande froidement :

– Alors, quelles informations tu m’apportes ?

– Rien de particulier, dit-elle.

– Ah ! rétorque le fonctionnaire en ricanant. Comment ça, rien de particulier ? Tu ne fais pas ton travail ?

À cette interrogation, proférée sur le ton d’une sournoise menace, Zahra frissonne. Elle pense à la boulangerie, au pain. Une épouvantable idée surgit dans son esprit : celle de ne plus disposer d’argent pour l’acheter, ce pain si précieux pour elle et sa famille. Ce besoin de pain la décide à confesser, malgré elle :

– J’ai rencontré par hasard Karim dans l’autobus.

– Ah ! réplique le policier, content. C’est bien ! Et alors ?

Zahra aurait désiré voir la terre s’ouvrir pour être précipitée dans l’abîme, afin d’échapper à l’effroyable situation où elle se trouve.

– Alors ? répète le policier, plus autoritaire. Je t’écoute.

Zahra retrouve un certain contrôle d’elle-même, en étant consciente que le sang a déserté son visage. Sa pâleur n’échappe pas au  policier. « Ah ! C’est bon ! se félicite-t-il. La chèvre s’apprête à pisser ! »

Zahra déclare, la voix légèrement altérée :

– Je lui ai demandé quel travail il fait, il m’a répondu : infirmier à l’hôpital.

Le policier ricane :

– Crois-tu, lance-t-il, sarcastique, être payée pour apporter ce genre d’information ?

Elle baisse la tête et demeure silencieuse, s’efforçant de maîtriser l’ouragan brusquement déchaîné au plus profond d’elle-même.

– Tu n’es pas bavarde, aujourd’hui ! lui reproche le policier, mécontent. Je ne vais quand même pas te torturer pour te faire parler !… Lui as-tu demandé pourquoi il participe au nettoyage des immondices ?

Zahra relève les yeux, regarde l’homme, mais reste silencieuse. Lui précise, ouvertement menaçant :

– Ton salaire, il te faut savoir le gagner ! Sinon, comment soigner ta pauvre mais chère maman ?

Le rusé et impitoyable investigateur vient de mettre le bistouri dans la plaie saignante. Zahra s’empresse de réagir :

– Oui, je lui ai demandé. Il m’a répondu que Saïd ne parvient pas à faire tout le travail sans être aidé, alors Karim y a contribué

Elle se tait. Le policier montre des signes d’irritation :

– Rien d’autre ?

– Je dois quand même, se justifie Zahra, faire attention à ne pas éveiller ses soupçons par des questions trop indiscrètes… C’est la règle à suivre.

– C’est vrai, concède le chef… Ceci dit, j’ai besoin d’informations plus intéressantes sur ce Karim, et, également, sur son ami, le vieil homme, Si Lhafidh. Et s’ils vont encore à la réunion du comité des chômeurs.

 

Quand Zahra se retrouve dans la rue, la pluie continue à tomber, inexorable. La vue des gouttes d’eau descendant du ciel éveille chez Zahra une furieuse envie de pleurer. Mais, son caractère a toujours refusé ce qu’elle considère une « lâche résignation » ; chaque fois, elle a transformé ce qu’elle considère une « vile tentation de sanglots » en un « courageux serrement de dents ».

Elle marche plus rapidement sur le trottoir mouillé, en protégeant sa tête avec le parapluie. « Toujours, le salaire de la honte ! se reproche-t-elle amèrement… Avant ! Et encore maintenant ! »

Des propos du policier, exprimés à la première rencontre entre lui et Zahra, reviennent dans la mémoire de cette dernière. Il avait lancé, tout goguenard : « Quand le travail manque, et l’émigration est impossible, les choix se réduisent à ceci : pour les femmes, vendre leur corps, par le mariage ou d’une autre manière ; pour les hommes, jouer au client unique, par mariage, ou au proxénète, éventuellement en vendant de la drogue… Il y un métier meilleur, régulièrement payé, sans danger, et qui fait honneur à la patrie : collaborer avec la police. Tu as finalement choisi ce dernier, et tu as bien fait. Je t’en félicite ! »

En marchant, Zahra a l’impression que sa tête est prise de vertige, au risque de s’évanouir. « Mes menstruations ?Non, ce n’est pas leur période. » Elle sent autour de son crâne un cercle d’acier, lui serrant douloureusement les tempes.

Brusquement, l’envie de vomir tort l’estomac de Zahra. Elle se plaque vite contre un mur, haletante, la bouche ouverte, envahie par une âcre salive. Du ventre, deux affreux râles montent violemment, raclent la gorge et finissent éructés brutalement au dehors. « Il ne faut pas que je m’évanouisse ! Tiens bon !… Tiens bon ! »

Appuyée totalement le dos au mur, le parapluie ouvert tremblant dans la main droite, Zahra s’efforce de reprendre le contrôle d’elle-même. Elle s’aperçoit que des gens passent, sans lui prêter aucune attention.

Soudain, une rude voix lui parvient, venant du coté droit :

– Eh ! Qu’est-ce qui ne va pas ?

Zahra tressaille, se retourne : un homme d’une quarantaine d’années est debout devant elle. Son corps est robuste, la tête carrée, le crane rasé, les yeux patibulaires.

Zahra parvient à déclarer avec fermeté :

– Rien ! Rien ! Une douleur de tête, mais c’est passé.

– J’ai ma voiture là…

Il l’indique, arrêtée près du trottoir. Il ajoute :

– Viens ! Je te ramènerai chez toi.

– Non, merci ! Je suis tout près de ma maison, et mon mari m’attend.

Cette réplique est venue à Zahra de manière automatique. C’est la réponse qu’elle donne, chaque fois qu’un frustré mâle en rut l’aborde.

– Vraiment ? insiste le vulgaire libidineux. Tu ne veux pas venir avec moi ?

Zahra se rend compte qu’elle a affaire à l’ordinaire imbécile : il croit que toute femme dans la rue est une candidate à la prostitution.

–  Allez ! dit-elle d’une voix résolue à l’importun, je te prie de me laisser tranquille.

Elle s’éloigne rapidement. Le danger lui a fourni l’énergie dont elle avait besoin pour poursuivre son chemin.

Elle ignore pourquoi, un cadre auquel elle était habituée puis devenue indifférente attire de nouveau son attention : les saletés sur les trottoirs, la laideur des façades d’immeubles, la vétusté des couloirs des maisons, partout le laissez-aller, l’abandon, le détruit… « Laideur ! Laideur ! Laideur !… » La première fois qu’elle s’en aperçut, ce fut quand elle eut sous les yeux, tout-à-fait par hasard, des photos de la ville du temps de la colonisation. Les rues étaient bien entretenues, les façades d’immeubles jolies. À cette constatation, Zahra eut une affreuse honte : « Quoi ?!… Les colonialistes savaient mieux que les Algériens veiller à la propreté et à la beauté d’Oran ?! »

En poursuivant sa désolante marche sur le trottoir, une conclusion s’impose dans l’esprit de Zahra : « Oui ! Je suis à l’image de ma ville ! Salie ! Avilie ! Laide ! »… Des larmes gonflent ses yeux et coulent sur ses joues, se mélangeant aux gouttes de pluie.

 

Le soir, seule dans la cuisine, assise sur une peau de mouton, Zahra roule le couscous pour le dîner. Progressivement, ses mains ralentissent le mouvement, à cause de pensées multiples et diverses. Elles se choquent les unes aux autres, se combattent. Toutes se ramènent à « lui », le « surveillé » du deuxième étage : « Il a vraiment l’air, se dit-elle, de ne pas être un homme comme les autres, de ne pas être mû par de mauvaises intentions… Mais, étant ce que je suis, vu mon passé, aucun avenir n’est possible. Nous sommes trop différents, totalement à l’opposé l’un de l’autre. Je suis un loup et la fausseté incarnée, tandis que lui semble être un agneau et l’honnêteté absolue ! »

L’apparition d’Abdelkader, le frère cadet de vingt et un ans, interrompt les amères réflexions de Zahra.

– Alors, quand mangera-t-on ? interroge-t-il, autoritaire et contrarié.

– Dans un quart d’heure. Les légumes sont déjà prêts.

– Avec de la viande ? veut-il savoir en reniflant bruyamment.

– Tu sais bien, répond Zahra, qu’on n’est pas à la fin du mois. Pour en acheter, je dois recevoir mon salaire. Ce sera la semaine prochaine.

Il renifle une deuxième fois, toujours de façon sonore. Ce bruit désagréable est, chez lui, une bizarre manifestation d’autorité. Probablement, il croit et applique l’expression populaire : « avoir du nez », pour signifier assumer de la dignité.

Ensuite, il s’agenouille en face de sa sœur, et la fixe des yeux avec une expression sévère :

– Alors, grogne-t-il, maintenant, tu parles aux hommes dans les autobus ?!

Elle cesse immédiatement de rouler le couscous, et dévisage son frère, en soutenant fermement son regard.

– Qu’est-ce que tu dis ?

– Que tu oses parler à des hommes dans l’autobus.

– Quels hommes ? Dans quel autobus ?

– L’autobus que tu prends pour revenir du travail.

Zahra réfléchit très vite, puis réplique avec une apparente innocence :

– Si quelqu’un m’adresse la parole pour me demander quelque chose, il faut bien que je lui réponde. Quel mal y a-t-il à ça ?

– Ce n’est pas « quelqu’un », objecte malicieusement le frère, c’est un homme précis.

– Et qui ?

Il pointe l’index vers le plafond :

– Un voisin qui habite là-dessus.

Zahra, prise au dépourvu, baisse instinctivement les yeux, puis, vite, elle se reprend, les relève.

– Tu vois ?!… Tu as baissé les yeux ! grommelle le frère.

Zahra assume un air ordinaire.

– Ah, je comprends !… dit-elle. Je l’ai trouvé dans l’autobus. C’est un voisin,  nous avons bavardé un peu. Qu’y a-t-il de mal à cela ?

Le visage du frère se crispe brusquement, avec une colère sourde mais visible :

– Tu tiens à ta vie, n’est-ce pas ? menace-t-il.

Sans se décomposer, la sœur réplique :

– Que veux-tu dire par là ?

Il précise :

– Fais attention à l’honneur de la famille, si tu tiens à ta vie !… Autrement, avec ta longue chevelure dont tu es si fière, je t’étranglerai !

Sans permettre à sa sœur de répliquer, il sort de la cuisine.

Zahra reste perplexe : « Comment a-t-il su de la rencontre dans l’autobus ?… Peut-être qu’une voisine voilée s’y trouvait ; elle nous aurait vus, puis informé ma mère, qui l’aurait dit à mon frère… À moins que… »  Zahra envisage une autre hypothèse, en rien étonnante : être surveillée, elle aussi, par un ou une moucharde de la police.

A suivre …


[1]     « Sahara », en langage populaire.


 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *