Par Prof. Yakov M. Rabkin et Robin Philpot
Difficile de voir clair à travers le brouillard du conflit opposant l’Arménie et l’Azerbaïdjan, deux républiques qui faisaient partie de l’URSS. Difficile de comprendre aussi les alliances qui se forment.
Yakov Rabkin, professeur émérite d’histoire de l’Université de Montréal, explique les origines du conflit qui remontent à la période du Tsar avant la révolution d’octobre 1917. Le conflit avait dégénéré un peu avant la chute de l’URSS, mais après la chute la guerre a repris en raison de la résurgence d’un nationalisme ethnique.
Yakov Rabkin décortique les intérêts des pays dans la région, allant de la Russie, puissance régionale, à l’Iran, qui a une frontière commune avec les deux pays, à Israël et à la Turquie.
Il rappelle que les Turcs et les Azéris parlent presque la même langue, ce qui explique en partie l’appui fort de la Turquie à l’Azerbaïdjan. Mais il note aussi que la Turquie fait partie de l’OTAN et qu’il faut tenir compte d’éventuelles visées vers ce pays de la Transcaucasie.
Copyright © Prof. Yakov M. Rabkin et Robin Philpot, Le pied à Papineau CKVL, 2020
Les dessous du conflit Arménie-Azerbaïdjan, marionnettes des blocs impérialistes
Par Luc Michel.
MANŒUVRES «CAUCASE 2020» DE LA RUSSIE AVEC SES ALLIES DE L’ORGANISATION DE SHANGHAI (OCS) ET DE L’ORGANISATION DU TRAITE DE SECURITE COLLECTIVE (OTSC vs OTAN).
« Fraternité Slave », « Fraternité Indestructible », « Bouclier Océanique », « Caucase-2020 »: la Russie multiplie les exercices militaires cet automne pour réunir ses alliés malgré le coronavirus, et à l’heure de nouvelles tensions avec les Occidentaux. Les plus grandes de ces manoeuvres saisonnières ont commencé lundi dans le Caucase russe, devant impliquer jusqu’à 80.000 personnes avec des épisodes navals en mer Caspienne et en mer Noire. Parmi les participants étrangers figurent la Chine et le Bélarus (au moment où Minsk est sous attaque d’une «révolution de couleur» occidentale) tandis que l’Iran enverra des navires. Le président Vladimir Poutine y assistera vendredi sur le terrain d’entraînement de Kapoustine Iar, près d’Astrakhan, qui sert d’ordinaire de site de test pour les missiles russes, selon le Kremlin.
Baptisés « Caucase-2020 » et prévus jusqu’au 26 septembre, « ces exercices constituent la principale vérification annuelle de la capacité des forces armées russes à mener un conflit de grande ampleur », selon l’analyste militaire Vassili Kachine, de la Haute école d’économie de Moscou. Ils doivent avant tout tester « les échelons élevés du commandement militaire ».
Selon le ministère de la Défense, les opérations de combat impliqueront 12.900 soldats, jusqu’à 250 chars, 450 blindés, 200 systèmes d’artillerie et plusieurs systèmes de lance-roquettes dont le TOS-2 dernier cri. Malgré la puissance de frappe affichée, ces exercices sont plus modestes comparé aux 128.000 militaires impliquées lors de manoeuvres similaires en 2019 dans le centre du pays et aux 300.000 mobilisés en Extrême-Orient en 2018.
UN CONTEXTE INTERNATIONAL TENDU
Si le Bélarus est un habitué des exercices russes, l’enchaînement des manoeuvres cette année fait aussi figure de soutien à son président Alexandre Loukachenko, confronté à une «révolution de couleur» (1) contestant sa réélection le 9 août. « Caucase-2020 » se déroule parallèlement à des manoeuvres russo-bélarusses, « Fraternité Slave », qui impliquent quelque 900 soldats. Mardi, deux bombardiers russes Tu-160 ont ainsi survolé la zone d’entraînement, près de la ville de Brest, à la frontière entre le Bélarus et la Pologne. Une action symbolique dans le contexte actuel. Car pour le président Loukashenko, ses déboires «ont été orchestrés par les voisins polonais et baltes», accusant les Occidentaux de vouloir faire de son pays un «tremplin, le champ de bataille d’une guerre contre la Russie». D’autres exercices viennent d’être annoncés pour le mois d’octobre au Bélarus, dans le cadre de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), dominée par la Russie et qui rassemble d’anciennes républiques soviétiques (2).
L’Ukraine, terrain d’un conflit dans l’Est alimenté par le soutien russe aux républiques russophones du Donbass, perçoit elle comme une « menace » ces manœuvres (sic). Elle mène parallèlement des exercices militaires depuis mardi impliquant des pays membres de l’Otan, bête noire de Moscou. En pleine paranoïa, l’Ukraine affirme que : «des unités militaires présentes participant aux manoeuvres (russes) pourraient être utilisées pour provoquer des escalades et menacer la stabilité de la mer Noire» (resic), a jugé le ministère ukrainien de la Défense. Les flottes ukrainiennes et russes ont déjà eu des accrochages dans la zone depuis l’annexion de la Crimée en 2014, et l’Otan y patrouille.
Ces exercices confirment enfin le pivot vers l’Asie de la Russie depuis l’aggravation des tensions avec l’Occident dans la foulée de la crise ukrainienne. La Chine participera ainsi aux manoeuvres, comme à chaque fois depuis 2018. Les relations de Moscou avec l’Ouest se sont encore dégradés ces dernières années avec de multiples affaires d’espionnage et d’ingérence, et désormais la provocation russophobe du soi-disant «empoisonnement du principal opposant russe Alexeï Navalny».
LE RETABLISSEMENT DE LA PUISSANCE RUSSE
Si Moscou organise ses exercices dans une optique « purement défensive » et contre un ennemi « théorique », ils sont aussi une occasion de montrer les muscles. Car la Russie poursuit un coûteux plan de modernisation de ses forces armées, et a testé de nombreux armements en conditions réelles depuis 2015 dans la Syrie en guerre. Par rapport aux derniers exercices dans le Caucase en 2016, la Russie a « augmenté son nombre de systèmes d’artillerie, de drones », « accru le nombre de ses nouveaux avions de combat et de ses systèmes de défense antiaérienne », parmi lesquels les redoutés S-400, relève l’expert Vassili Kachine. Vladimir Poutine n’a lui cessé de vanter le développement d’armes « invincibles ». Selon Vassili Kachine, l’une d’entre elle, le missile hypersonique Kinjal (3), pourrait être dévoilé lors de « Caucase-2020 », tout comme les avions de combat de cinquième génération Su-57.
LES DESSOUS DU CONFLIT ENTRE BAKOU ET EREVAN: COMME EN LIBYE, LA TURQUIE INTERNATIONALISE UNE GUERRE REGIONALE PAR PROCURATION
Par Luc Michel
J’ai traité sur PRESS TV dans une analyse express la transformation par la Turquie d’une guerre régionale par procuration (et un ancien «conflit gelé»), où s’opposaient Moscou et son OTSC, derrière Erevan (Arménie), à l’OTAN et aux USA derrière Bakou (Azerbaïdjan). Comme en Libye, l’intervention d’Ankara a internationalisé cette guerre, y amenant les djihadistes syriens et les fabriquant d’armements israéliens. Comme je l’analysais en juillet dernier, «Après la Syrie et la Libye, la Turquie veut ouvrir un troisième front dans le Caucase», dit l’expert Gaïdz Minassian, spécialiste du Caucase, qui explique les «raisons de la nouvelle flambée de violence dans le Haut-Karabakh» où «Un conflit vieux de trois décennies embrase à nouveau le Caucase » (Le Point, ce 29 sept.). Voilà le Nagorno-Karabakh dans le Caucase lié à Idlib en Syrie et à Syrte en Libye… Source: https://french.presstv.com/Detail/2020/09/29/635311/internationaliser-la-guerre-au-Caucase
LES DJIHADISTES MERCENAIRES PRO-TURCS SE BATTENT POUR L’AZERBAÏDJAN (Bakou)
«Les djihadistes mercenaires d’Ankara ont commencé à quitter l’ouest de la Libye», a déclaré une source à l’ANL de Haftar. Le directeur du département de l’Orientation morale de l’Armée nationale libyenne (ANL), le général de brigade Khaled al-Mahjoub, a déclaré que «les mercenaires, déployés par la Turquie en Libye, avaient commencé à quitter l’ouest du pays». Selon al-Mahjoub, «plus de 3 000 mercenaires, pour la plupart des ressortissants syriens, ont quitté la Libye». Il a toutefois refusé de fournir plus de détails. Cela alors que la Turquie est également accusée d’envoyer des mercenaires syriens en Azerbaïdjan pour combattre les forces arméniennes.
Bien que Bakou rejette officiellement ces rapports, plusieurs médias rapportent que «des groupes de mercenaires sont déjà présents à l’intérieur de l’Azerbaïdjan pour participer à la bataille contre les forces du Karabakh».
Dans la foulée, l’OSDH (une officine basée à Londres, sous contrôle des MI5 et MI6 britianniques, anti-Assad mais anti-turque) réaffirme que «les mercenaires syriens, soutenus par la Turquie, ont subi, mercredi 30 septembre, leurs premières pertes en combattant aux côtés des forces armées azerbaïdjanaises». Selon la même source, «les mercenaires pro-turcs auraient été frappés par les forces arméniennes sur l’une des lignes de front du Haut-Karabakh». «Environ 320 mercenaires syriens soutiennent désormais les forces azerbaïdjanaises dans le conflit du Haut-Karabakh», ajoute l’OSDH. Alors que l’OSDH a signalé une seule victime syrienne, le producteur de la BBC, Riam Dalati, a déclaré, sur son compte Twitter, «qu’au moins neuf Syriens avaient été tués jusqu’à présent lors de combats dans le Haut-Karabakh. Selon Dalati», le nombre des victimes atteindrait «les 13 personnes».
Le plan de la Turquie de déployer des miliciens syriens en Azerbaïdjan pour soutenir une poussée sur le Haut-Karabakh a été révélé pour la première fois en juillet dernier. Après des mois de déni, des sources proches des miliciens pro-turcs ont révélé le plan à Reuters, il y a deux jours. Selon une source américaine : «les mercenaires syriens envoyés en Azerbaïdjan toucheraient un salaire mensuel d’environ 1 500 à 2 000 dollars. Les miliciens ont reçu pour mission de protéger les installations pétrolières. Cependant, ils se battent maintenant sur les lignes de front du Haut-Karabakh».
CONFLIT BAKOU-EREVAN, UNE PROLONGATION DU CONFLIT EN SYRIE ? LA RUSSIE RÉAGIT …
Au moment où Ankara importe les djihadistes syriens au Caucase, la Russie rappelle sa contribution dans l’éradication du groupe terroriste Daech en Syrie. «Indispensable», voici le terme par lequel le ministre russe des Affaires étrangères a qualifié les opérations militaires de la Russie en Syrie, soulignant que « ces opérations avaient largement contribué dans l’éradication des terroristes et la protection du gouvernement dans ce pays ». Dans un article qu’il a rédigé pour la revue Krasnaya Zvezda, organe médiatique du ministère russe de la Défense, Sergueï Choïgou défend la présence militaire des troupes russes en Syrie : «À la question de savoir si la Russie a fait un bon choix en assumant cette lourde responsabilité, il faut répondre que la mission en Syrie était indispensable, voire la seule option que nous avions à ce moment-là». Et d’ajouter: «À un moment donné, nous avons appris que Daech représentait une menace directe non seulement pour toute la région mais en plus pour toute la planète dont la Russie. Il s’agissait d’une organisation qui voulait faire soumettre toute l’humanité à ses propres lois».
Le ministre russe de la Défense a rappelé que les troupes syriennes avaient réussi à libérer 1024 régions peuplées, des mains des terroristes, grâce au soutien de la Force aérienne russe. «C’est ainsi que l’armée syrienne a pu récupérer le contrôle de plus de 88% de la Syrie». Sergueï Choïgou a souligné que la Russie avait empêché la chute du gouvernement syrien, mis fin aux conflits intérieurs et vaincu les terroristes de Daech. «Le réseau du terrorisme international a subi un coup dur lorsque nous avons sapé les sources financières de Daech en Syrie ».
LES DESSOUS DU CONFLIT ENTRE BAKOU ET EREVAN (V): COMMENT ON INTERNATIONALISE UNE GUERRE REGIONALE (ISRAEL EN AZERBAIDJAN)
Par Luc Michel
« L’Azerbaïdjan est un proche allié d’Israël et fournit au pays environ 40% de ses besoins en pétrole. En retour, l’Etat hébreu lui vend des équipements de défense, des drones, des missiles et autres systèmes d’armement sophistiqués ». « Le fait qu’Israël vende des armes à l’Azerbaïdjan n’est pas acceptable pour nous ». Une source gouvernementale arménienne (à Walla News). Source: https://www.facebook.com/Pcn.luc.Michel/posts/2062947617172979
ISRAEL AUX COTES DE BAKOU
Aux côtés d’Ankara, Tel-Aviv et son puissant lobby militaro-industriel soutient l’effort de guerre azéri et encourage le militarisme de Bakou. Au moment même, ou l’Iran soutient l’économie arménienne. Voilà à nouveau la guerre en Syrie qui se transporte dans le Caucase ! Mais c’est loin d’être tout …
Bakou «a juré de poursuivre les opérations militaires jusqu’au retrait des forces arméniennes de Karabakh», «a déployé des drones militaires IAI Harop de fabrication israélienne pour combattre dans des zones de la région du Haut-Karabakh, les a qualifiés de très efficace», a rapporté mercredi le site d’information israélien WallaNews, citant un haut responsable, nous informe I.24 NEWS, TV israélienne en langue française. La technologie israélienne «aide l’Azerbaïdjan à assurer la sécurité de ses ressortissants» (sic), a déclaré Hikmet Hajiyev, l’un des principaux conseillers du président Ilham Aliev, «évoquant le véhicule aérien sans pilote de combat développé par la division MBT d’Israel Aerospace Industries». «L’Arménie essaie de dramatiser l’aide militaire israélienne », dit-il, ajoutant que si « elle craint vraiment les drones déployés par l’Azerbaïdjan, elle devrait mettre fin à son occupation ». « Plutôt que de transporter une charge, l’IAI Harop est en réalité lui-même la munition. Ce tueur-chasseur est conçu pour survoler un secteur et plonger sur les cibles afin de les détruire ». « Les drones sont utilisés comme des kamikazes », a précisé Hikmet Hajiyev, saluant «l’ingéniosité de ses concepteurs» (resic).
Mercredi, le président azerbaïdjanais a juré de « poursuivre les opérations militaires jusqu’au retrait des forces arméniennes du Nagorno Karabakh», région séparatiste soutenue par Erevan, théâtre d’un conflit armé sanglant depuis quatre jours: «Nous avons une seule condition: le retrait total, inconditionnel et sans délai des forces armées de l’Arménie de notre terre. Si le gouvernement de l’Arménie accepte cette condition, les combats s’arrêteront et le sang cessera de couler », a dit le président Ilham Aliev après avoir rendu visite à des militaires blessés dans un hôpital.
L’ARMENIE ANNONCE AVOIR RAPPELE SON AMBASSADEUR EN ISRAËL
L’Arménie a annoncé jeudi dernier avoir rappelé son ambassadeur en Israël en raison de la vente d’armes israéliennes à l’Azerbaïdjan. « L’ambassadeur a été rappelé pour consultations. Le fait qu’Israël vende des armes à l’Azerbaïdjan n’est pas acceptable pour nous », a déclaré une source gouvernementale arménienne à Walla News. Le ministre israélien des Affaires étrangères a réagi en déclarant «qu’Israël regrette la décision de l’Arménie de renvoyer l’ambassadeur. Israël attache de l’importance à ses relations avec l’Arménie et considère l’Ambassade d’Arménie en Israël comme un outil important pour promouvoir les liens entre les deux peuples» (resic).
ET LE VIEIL ENNEMI IRANIEN DERRIERE EREVAN !
«Des documents relatifs à l’expédition de carburant de l’Iran vers l’Arménie ont émergé », affirme AN.T média azéri, qui ajoute qu’ «Il convient de noter qu’après le succès de l’armée azerbaïdjanaise au Karabakh, l’approvisionnement en carburant de l’Iran à l’Arménie a augmenté».
LA POUDRIERE DU CAUCASE: « LE CONFLIT AU CAUCASE EST-IL UN PLAN B POUR CONTRER LA RUSSIE EN SYRIE ? » (PRESS TV)
Le quotidien israélien, The Jerusalem Post a abordé dans un article ce 30 sept. les affrontements entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie « non sans laisser éclater la joie israélienne de voir le Caucase devenir un nouveau foyer de crise potentiellement susceptible d’avoir un impact considérable sur le Moyen-Orient », commente Press TV. Le journal écrit: «Les affrontements entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan qui ont éclaté dimanche matin semblent être bien différents que les précédents. Après des affrontements similaires en juillet, il est clair que le Caucase du sud va droit vers une crise. Après des décennies au cours desquelles le Caucase a été largement ignoré au niveau international, la région est de retour sous les projecteurs. Or, espère le quotidien, « le conflit dans ce pays a des ramifications majeures pour le Moyen-Orient » car la Turquie, l’Iran et la Russie y ont tous un rôle potentiel».
Plus loin, le journal revient sur une coïncidence parfaitement significative entre cette flambée des violences d’une part et la tenue d’un exercice militaire majeur russe, Caucase 2020, avec la participation des Etats anti-US de l’OTSC et de l’OCS, lesquels Etats pourraient même créer une «coalition militaire anti-américaine». «Aujourd’hui, la Russie organise fréquemment des exercices militaires pour montrer sa puissance, à la fois dans le sud de la Russie, dans la région du Caucase, dans la Baltique et près de la Biélorussie. Des exercices de la Fraternité slave étaient en cours avec la Serbie et la Biélorussie la semaine dernière, par exemple. Des exercices du Caucase ont également eu lieu début septembre avec la Chine, l’Arménie, l’Iran entre autre. En juillet, Poutine a ordonné des exercices massifs impliquant 150 000 soldats pour sécuriser le sud de la Russie. Le message de Moscou est clair. La Russie aiguisait son couteau pour être prête à toute éventualité, qu’il s’agisse de problèmes en Biélorussie ou au Caucase. En plus, elle s’allie avec des Etats clés de façon à contrer l’adversaire ».
FREINER LA RUSSIE (JERUSALEM POST)
Plus et en affichant une soi-disant opposition à l’action d’Ankara, le journal israélien laisse paraître le fond de sa logique : «L’armée turque a envahi le nord de la Syrie, bombardé l’Irak et installé des bases militaires dans le nord de l’Irak. Ankara a envoyé des forces et des «rebelles syriens» en Libye et menace quotidiennement la Grèce et d’autres pays. La Turquie veut un rôle aux côtés de l’Azerbaïdjan combattant l’Arménie. Tout ceci freine la Russie. Dans le passé, la Russie a tenté de créer des défaites pour l’OTAN et l’Occident en signant des accords avec Ankara. La Russie a même vendu à Ankara le système de défense aérienne S-400 et effectue des patrouilles conjointes à Idlib en Syrie, par exemple. Pourtant, si Ankara s’implique trop fortement dans les affrontements avec l’Arménie, la Russie pourrait chercher un autre accord avec la Turquie, un accord qui garantisse que la Russie devienne un arbitre de ce qui va suivre. C’est le modèle russe à Astana, Sotchi et en Libye, pour discuter de tous ces dossiers que la Russie partage avec la Turquie. Mais il se pourrait aussi que la Russie n’agisse pas de la sorte. Vu que le Caucase se trouve dans son arrière cour. En Biélorusse, Poutine a envoyé son armée réprimer les pro Occidentaux. Elle pourrait en faire autant si les choses dégradent trop entre l’Arménie et L’Azerbaïjan».
Le Jerusalem Post ajoute: «La Russie est en désaccord avec la Turquie. Mais l’objectif de la Russie est de faire sortir les puissances occidentales d’abord. Tel est son objectif en Ukraine, en Biélorussie et lors de la guerre de 2008 avec la Géorgie. La Russie est en colère contre l’ingérence occidentale dans les États baltes, par exemple. Poutine doit examiner tous ces dossiers et décider où placer le poids de la Russie ».
« ET QUE VA FAIRE DANS TOUT CECI ISRAËL ? »
Israël entretient également des relations stratégiques avec la République d’Azerbaïdjan, mais en même temps a établi des relations dites « chaleureuses » avec l’Arménie. « Ceci étant, la relation d’Israël avec l’Azerbaïdjan est stratégique puisqu’elle est principalement due à sa situation géographique adjacente à l’Iran. Israël fournit 40% de ses besoins en pétrole depuis l’Azerbaïdjan. Bakou est l’un des plus gros acheteurs d’armes israéliennes au monde. Il va sans dire donc que Bakou aura le soutien de Tel-Aviv ».
« L’IRAN SURVEILLE ÉGALEMENT LE CAUCASE »
Pendant ce temps, « l’Iran surveille également le Caucase pour le commerce, la collecte de renseignements et d’autres facteurs. L’Iran a poussé un nouveau projet ferroviaire avec l’Azerbaïdjan. Le véritable objectif de l’Iran est de resserrer les relations avec la Chine et la Russie, au milieu des sanctions américaines et du désir de créer un monde plus multipolaire pour défier les États-Unis. L’objectif ici peut également concerner la Turquie, car l’Iran et la Turquie entretiennent des relations relativement chaleureuses. Un conflit à la frontière nord de l’Iran entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie n’est pas dans l’intérêt de l’Iran. Il préférerait que les choses ne débordent pas. Cela signifie que le conflit potentiel au Haut-Karabakh ou un conflit plus large impliquant la Turquie, pourrait avoir des ramifications majeures pour le lien Russie-Iran-Turquie. Et c’est ce que cherche l’Amérique».
PEKIN, LE CAUCASE ET LES NOUVELLES ROUTES DE LA SOIE
Surtout que la Chine tient également à y regarder de près en raison de son initiative ‘Belt and Road’. Il veut la stabilité et le commerce, pas plus de guerres. Les États-Unis ne semblent plus se soucier d’élaborer des accords de paix et d’arrêter les combats. L’Union européenne ne joue plus un rôle significatif et la plupart des pays de la région savent que les pays européens parlent et publient généralement des déclarations, mais ne font rien. Ils ont appris cela en regardant comment l’UE a parlé de la Syrie mais n’a rien fait. L’UE ne peut même pas se mettre d’accord sur une politique commune sur la Biélorussie ou sur la Turquie dans l’est de la Méditerranée ou sur l’application d’un embargo sur les armes en Libye. »
«ENFIN, LE CONFLIT POURRAIT AVOIR DES RAMIFICATIONS POUR LA SYRIE»
Sans vergogne, la Turquie a aussi accusé des groupes kurdes d’extrême gauche d’envoyer des «terroristes» pour soutenir l’Arménie. Cependant, Ankara a utilisé ces prétentions dans le passé pour recruter des terroristes en Syrie pour combattre à l’étranger. On ne sait pas encore si le conflit se développe et pourrait donner à la Turquie davantage d’excuses pour s’impliquer en Syrie, en Irak et ailleurs. La Turquie veut cette implication et ne voudrait rien de plus que d’avoir plus de bottes sur le terrain dans le Caucase. L’Iran et la Russie peuvent s’y opposer.
Cela illustre les différents paris que les puissances régionales prennent dans le Caucase. Le Caucase pourrait réaliser le rêve jusqu’ici impossible à obtenir des USA et de leurs alliés: le face-à-face Russie-Iran avec la Turquie, leur déconcentration en Syrie et partant, leur défaite stratégique, conclut le Jérusalem Post.
LES DESSOUS DU CONFLIT ENTRE BAKOU ET EREVAN: L’IRAN DANS LE CHAUDRON CAUCASIEN (COMMENT ON INTERNATIONALISE UNE GUERRE REGIONALE
Par Luc Michel
L’internationalisation de la guerre régionale entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan a des conséquences globales et des répercussions beaucoup plus importantes que le même phénomène en Libye. Nous avons vu hier que le Bloc USA-OTAN-Turquie visait à détourner l’attention de la Russie des fronts syrien et libyen. Mais Israël suit son propre agenda et vise à fixer l’Iran, et même la Russie, dans le Caucase …
« Qui tire profit de l’embrasement de cette région stratégique ? Si la Turquie emploie ses F-16 dans le Haut- Karabakh, l’Arménie n’aura d’autre choix que de recourir à tout son arsenal, y compris aux missiles Iskander dont est doté son armée depuis 2016, d’après les déclarations de l’ambassadeur arménien en Russie. Cette menace devrait être prise particulièrement au sérieux par le camp d’en face, à savoir la Turquie, puisque ce n’est plus seulement la voix d’Erevan, mais aussi celle de Moscou et de ses alliés », commente Pars Today.
Après avoir tenté d’enliser la Russie (et partant la Syrie et la Résistance, NDLR) à Idlib, puis en Libye, la Turquie otanienne, «partie par la quelle la guerre au Levant a commencé» (disent les iraniens fort justement), se tourne vers le Caucase, «l’objectif dicté par les officines US étant très clairement d’embraser les frontières de la Russie, de la Chine et pourquoi pas de l’Iran». Ce Lundi 29 septembre, le commandant en chef des garde-frontières iraniens, le général Ghassem Rezaei, a très clairement mis en garde Erevan et Bakou contre toute atteinte visant le territoire iranien, «façon de faire comprendre au scénariste US que son jeu est bien décanté»: défaits au Moyen-Orient et craintifs à l’idée d’en être chassé bientôt par l’Iran, la Chine et la Russie, Washington aimerait bien voir le Sultan refaire le coup « syrien » et « libyen » au Caucase, région avec qui l’Iran, la Russie et la Chine partagent des frontières.
Les déclarations de l’autorité arménienne sur le recours au missile Iskander si Ankara utilise des avions F-16 dans le Haut- Karabakh interviennent alors que les médias rapportaient la poursuite du conflit entre l’Arménie et la République d’Azerbaïdjan. La reprise des affrontements frontaliers dans la zone contestée du Haut-Karabakh, après l’appel étrange des ambassades US à Erevan et à Bakou lesquelles ont demandé aux ressortissants américains de ne pas se rendre dans la zone contestée. Signe que le scénario est bien prémédité. «Des observateurs politiques font relever deux coïncidences, analysent les iraniens : le début de ce conflit se superpose à l’échec de la tentative US de faire une percée dans l’arrière-cour de la Russie, en Biélorusse. Mais il y a une autre coïncidence encore plus étrange, la tenue juste avant de ce conflit d’un vaste exercice baptisée Caucase 2020 qui a l’air d’une alliance militaire à naître».
QUI EMBRASE LE CAUCASE?
La Russie avec la participation de 6 pays – la Chine, la Russie, l’Iran, le Pakistan, la Biélorussie et l’Arménie – sur terre, dans l’air et en mer. Il s’agit d’un exercice qui est important à plusieurs égards : Des participants s’opposent d’une manière ou d’une autre aux politiques américaines, quitte à défier les USA et leurs alliés occidentaux. Puis la plupart des pays participant à cet exercice sont des puissances militaires de l’Est.
Sur la participation de l’Iran avec des puissances telles que la Chine et la Russie à un exercice militaire au niveau stratégique, le message est clair : «ainsi que l’a laissé paraître l’engagement iranien aux côtés de la Chine, et ce, dans le cadre de leur accord stratégique, l’Iran s’éloigne définitivement du bloc occidental puisque ceci est une garantie du maintien de sa souveraineté et de son indépendance». Certains analystes sont d’avis que « cet exercice témoigne d’une alliance militaro-sécuritaire non-déclarée entre l’Iran d’une part et la Chine, la Russie, le Pakistan et l’Arménie d’autre part », ce qui peut être totalement vrai.
La date à laquelle se déroule cet exercice militaire suscite également des interrogations : A l’approche de la présidentielle américaine où un aventurisme militaire de Trump n’est pas à écarter, et où ce dernier cherche à redorer son blason auprès de l’opinion publique dans une concurrence avec les Démocrates de Biden, une guerre que ce soit contre l’Iran ou contre la Russie ou n’importe quel autre membre de cette coalition, ne laissera pas indifférents les autres. Bref, l’exercice « Caucase 2020 » envoie le message suivant : «les puissances du bloc de l’Est et leurs alliés se sont unies face aux menaces militaires américaines contre chacune d’entre elles».
LA QUESTION DU PAKISTAN …
Le Pakistan balance entre les deux blocs géopolitiques. La participation du Pakistan en tant que pays militaire puissant du monde musulman, qui ces dernières années s’est rapprochée du bloc de l’Est, mais qui est un allié étroit de l’Azerbaidjan, pose problème. D’autant plus que malgré des liens étroits avec l’Arabie saoudite, Islamabad ne s’est pas rangé du côté des Arabes du golfe Persique dans la guerre contre le Yémen et n’a pas établi de relations avec Israël. Nous y reviendrons dans une prochaine analyse …
Le Pakistan participe aux corridors géoéconomiques des «Nouvelles routes de la Soie» et s’est plutôt rangé du côté de l’Iran. Il possède des armes nucléaires sans oublier que c’est est aujourd’hui un allié stratégique de la Chine.
… RETOUR AU CAUCASE
The last but not the least, l’Azerbaïdjan et la Géorgie qui ces quinze dernières années se sont éloignés du bloc de l’Est pour se rapprocher de l’Occident, n’ont pas participé à cet exercice. L’Iran et la Russie sont profondément préoccupés par l’influence de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) dans le Caucase et ils la considèrent comme une menace pour leurs sécurités nationales. La Géorgie et l’Azerbaïdjan, proches alliés de l’OTAN, entretiennent des relations étroites avec les États membres de l’alliance militaire atlantique. La Géorgie, étant membre observateur de l’OTAN et l’Azerbaïdjan entretenant des relations étroites avec les États membres de cette même alliance militaire. Tout ceci pour dire que les flammes de la guerre au Caucase brûleront les doigts de ceux qui l’ont allumé .
L’ARMENIE, POUR LE RAPPROCHEMENT AVEC L’IRAN, PAS INTERESSE PAR UNE ADHESION A L’OTAN
Lors d’une conférence de presse, le lundi 10 décembre dernier, le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a évoqué l’importance vitale de l’Iran pour son pays qui, d’ailleurs, « n’envisage pas de devenir membre de l’OTAN ». « Pour nous, l’Iran n’est pas simplement un voisin ordinaire ; l’Iran offre un itinéraire vital pour l’Arménie, si bien que la vie [économique] de notre pays dépend strictement de nos relations avec l’Iran. Nous sommes donc bien conscients de l’exigence de maintenir nos relations avec l’Iran. » Selon l’agence de presse Tasnim, le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a affirmé que « malgré des restrictions et empêchements qui s’imposent à l’échelle internationale à cause des sanctions anti-iraniennes des États-Unis, l’Arménie a la ferme volonté de préserver ses liens avec l’Iran ». Le chef du gouvernement par intérim arménien, Nikol Pachinian a également affirmé que son pays « n’envisageait pas la possibilité de devenir un pays membre de l’Alliance du Traité de l’Atlantique nord ».
Pachinian avait pris part, le 12 juillet, à la rencontre des chefs d’États et de gouvernements des pays non membres de l’OTAN impliqués dans la mission « Resolute support » en Afghanistan. Le Premier ministre arménien n’a pas manqué déjà de parler de la donne turco-arménienne et d’évoquer aussi la question du Haut-Karabakh qui reste toujours sujette à controverses entre Erevan et Bakou. « Nous sommes prêts à négocier sans aucun préalable avec la Turquie et nous espérons que la Turquie, aussi, sera disponible à le faire. Nous espérons pouvoir franchir des pas pour atteindre un très important objectif qu’est la normalisation. Et le règlement de la question du Karabakh pourra sans doute impacter également nos relations avec la Turquie. » Le bloc politique de Nikol Pachinian est arrivé en tête des législatives anticipées organisées le dimanche 9 décembre 2018 en Arménie.
Par Luc MICHEL: WEBSITE http://www.lucmichel.net/
En complément à ce dossier :
La guerre du Haut-Karabakh est-elle déjà dans une impasse ?
Source : https://lesakerfrancophone.fr/la-guerre-du-haut-karabakh-est-elle-deja-dans-une-impasse
Options russes dans le conflit du Karabakh
Source : https://lesakerfrancophone.fr/options-russes-dans-le-conflit-du-karabakh