Le ministre de la Communication épingle certains journalistes qui s’adjugent la fonction de «correspondants de fait».
Les différents aspects du métier de journaliste, les dérives qui y sont parfois associées et l’expérience algérienne en la matière en comparaison avec d’autres nations dites à démocratie avancée, ont fait l’objet d’une intéressante intervention de Ammar Belhimer, ministre de la Communication, dans le cadre d’un long entretien qu’il a accordé à l’APS. On retiendra des propos du ministre, appuyés par un argumentaire, assez solide, faut-il le souligner, un certain nombre de définitions de ce qu’est la fonction de journaliste en général et l’usage qu’on en fait en Algérie, précisément.
Convoquant des références légales, le ministre a abordé la question de la relation de travail entre le professionnel algérien et certains organes employeurs étrangers. Question récurrente qui revient lors de chaque événement politique majeur en Algérie. On en a eu l’illustration à l’occasion du Mouvement populaire qui a ouvert l’appétit à pas mal de médias hexagonaux. Le décor planté, le ministre de la Communication épingle certains journalistes qui s’adjugent la fonction de «correspondants de fait», puisque non accrédités selon les procédures en vigueur en Algérie. Ces professionnels, dira le ministre, entretiennent une sorte de «loi du fait accompli qui les expose à plusieurs risques dont le premier, et non des moindres, est qu’ils ne sont pas reconnus comme correspondants». Une clandestinité qu’ils contournent en usant de qualificatifs de «pigistes», Freelancers, collaborateurs.
Pour le ministre, il s’agit d’un stratagème pour ne pas tomber sous le coup de l’article 81 de la loi organique n°12-05 du 12 janvier 2012 relative à l’information: «Les journalistes professionnels exerçant pour le compte d’un organe de droit étranger doivent obtenir une accréditation», rappelle-t-il. Pour le ministre, ces journalistes ne font rien d’autre que d’entretenir «des relations de travail, non conformes sur le plan légal, avec des médias étrangers». Un exercice illégal de la profession, au regard de la loi algérienne. Et le ministre d’expliquer que ces professionnels «ne sont dotés ni de contrats conformes ni de carte professionnelle délivrée par l’employeur offshore ni de bureau de représentation». La clandestinité totale en somme. Les pays des médias qui les emploient, «n’auraient jamais toléré de telles pratiques sur leurs sols respectifs. Seuls les correspondants officiellement accrédités peuvent y travailler. Alors pourquoi le tolérer lorsqu’il s’agit de notre pays?», assure le ministre de la Communication.
Cet usage de la profession, pas du tout conforme à l’étique, n’est pas la seule remarque de Ammar Belhimer sur un métier, qui a visiblement besoin d’un sérieux toilettage. Conscient du poids de la conjoncture et de la difficulté d’instituer les bases d’une pratique journaliste saine, le ministre de la Communication s’est voulu réaliste, tout en responsabilisant les professionnels algériens quant à leur rôle dans l’édification d’une scène médiatique digne de ce nom. Il rappellera à ce propos, quelques initiatives lancées par les journalistes, notamment la création du Mouvement des journalistes algériens entre 1988 et 1990, la rédaction d’une Charte d’éthique et de déontologie en avril 2000. Une charte qui se voulait comme le «premier document du genre prévu par le code de l’information de 1990, à fixer les devoirs et les droits de la corporation, sur lesquels veillait un Conseil supérieur composé de professionnels du secteur, élus par leurs pairs».
Même si à ce jour, ladite charte n’est pas fonctionnelle, le ministère rappellera que la mission d’information «comportait nécessairement des limites que les journalistes s’imposaient et s’appliquaient délibérément». Et qu’ils se doivent de «séparer l’information du commentaire, respecter la vie privée des personnes et leur droit à l’image». Des aspects qui disparaissent de certains écrits, par les temps qui courent.
Pour remédier aux insuffisances, le ministre invite les acteurs du champ médiatique en Algérie à réfléchir pour combattre les pratiques anti-professionnelles, ainsi qu’«à identifier les voies et moyens de pallier certaines pratiques antiprofessionnelles entachant l’exercice du métier de journaliste dans notre pays». Et dans ce sens, le professeur Belhimer pointe «l’usage inconsidéré des pseudonymes ou encore l’ambivalence de la relation de travail avec les organes employeurs». Le ministre propose également de «réfléchir pour trouver des solutions au phénomène émergent communément appelé ‘’pages confidentielles »», ainsi qu’au foisonnement des articles non signés, «provoquant le doute chez le lecteur autour de leur authenticité et de leur source». Le ministre touche là à l’une des «constantes» de la scène médiatique, puisque l’écrasante majorité des titres de la presse nationale contient une rubrique qui aborde ce genre d’information.
Pour sortir la presse de cette impasse, Belhimer préconise «une formation de qualité, au sein des universités et établissements spécialisés, ainsi qu’un encadrement efficient et éclairé, au niveau des médias, mettant en avant la sacralité du respect de l’éthique et de la déontologie, sont l’autre condition sine qua non pour la ‘’production » d’un journaliste consciencieux et professionnel». tout un programme.
Saïd BOUCETTA
>>> Médias-Pratiques anti-professionnelles: engager une réflexion collective
Médias : Les acteurs du champ médiatique invités à engager une réflexion collective
Les acteurs du champ médiatique en Algérie sont invités à réfléchir aux moyens de remédier à certaines pratiques antiprofessionnelles entachant l’exercice du métier de journaliste dans notre pays, a indiqué, hier, le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, le Pr Amar Belhimer.
«Dans le souci d’améliorer l’exercice du journalisme en Algérie, le ministère de la Communication invite l’ensemble des acteurs du champ médiatique national à lancer une réflexion collective, sérieuse et constructive, visant à identifier les voies et moyens de pallier certaines pratiques antiprofessionnelles entachant l’exercice du métier de journaliste dans notre pays», a souligné le ministre dans un entretien publié hier par l’APS.
Pour le Pr Belhimer, «l’usage inconsidéré des pseudonymes ou encore l’ambivalence de la relation de travail avec les organes employeurs» figurent «parmi les plus manifestes de ces pratiques antiprofessionnelles».
Il s’agit également, selon le ministre, de «réfléchir pour trouver des solutions au phénomène émergent communément appelé ‘‘pages confidentielles’’, ainsi qu’au foisonnement des articles non signés, provoquant le doute chez le lecteur autour de leur authenticité et de leur source».
Le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement a invité, à ce propos, les intervenants du champ médiatique à «favoriser, par attachement au principe d’autorégulation, une meilleure pratique du journalisme en Algérie par la rédaction d’une charte algérienne consensuelle d’éthique et de déontologie pour régir le secteur de la presse».
Cette charte constituera ainsi, a-t-il souligné, «une référence pour les futurs conseil et autorités, prévus par le code de l’information de 2012 et qui n’ont pas encore vu le jour».
Il a rappelé, dans ce contexte, que l’Autorité de régulation de la presse écrite, «autorité indépendante, jouissant de la personnalité morale et de l’autonomie financière», sera notamment chargée «d’encourager la pluralité de l’information, de veiller à la diffusion et à la distribution de l’information écrite à travers tout le territoire national».
Ses missions consistent également, a-t-il ajouté, à «veiller à la qualité des messages médiatiques, ainsi qu’à la promotion et la mise en exergue de la culture nationale dans tous ses aspects, à veiller à l’encouragement et à la consolidation de la publication et de la diffusion dans les deux langues nationales par tous les moyens appropriés, ainsi qu’à la transparence des règles économiques de fonctionnement des entreprises éditrices».
Seul un travail de «réflexion et de concertation responsable» entre la «tutelle» et l’ensemble de la corporation (employeurs, journalistes, experts) peut permettre d’atteindre l’objectif tant escompté, consistant à contribuer à l’émergence d’un journalisme professionnel en Algérie, a estimé le Pr Belhimer.