L’ambassadeur de Birmanie aux Nations unies, Kyaw Moe Tun, a été licencié, a annoncé samedi la télévision d’État. Il avait réclamé, vendredi lors d’un discours très remarqué à l’ONU, la fin immédiate du coup d’État militaire dans son pays. Des trémolos dans la voix, l’ambassadeur rebelle avait achevé son discours en birman avec trois doigts levés, symbole de la protestation en Birmanie.
L’ambassadeur de Birmanie à l’ONU, Kyaw Moe Tun, a été licencié, a annoncé samedi 27 février la télévision d’État, déclarant qu’il avait « trahi le pays » et « abusé du pouvoir et des responsabilités d’un ambassadeur ». La veille, Kyaw Moe Tun avait rompu spectaculairement avec la junte militaire à l’Assemblée générale des Nations unies. « Nous avons besoin de l’action la plus forte de la communauté internationale pour mettre fin immédiatement au coup d’État militaire, à l’oppression du peuple innocent et pour rendre le pouvoir de l’État au peuple », avait affirmé le diplomate.
Son discours d’une douzaine de minutes était empreint d’une émotion difficilement dissimulée, avec des trémolos dans la voix, et ponctué de quelques phrases en birman et du geste de ralliement des manifestants réclamant le retour de la démocratie en Birmanie, trois doigts levés.
Son intervention s’était achevée par une salve d’applaudissements dans le grand amphithéâtre de l’Assemblée générale et des félicitations adressées par d’autres intervenants, comme le représentant de l’Union européenne, Olof Skoog.
Des oppositions très rares
L’ambassadrice britannique à l’ONU, Barbara Woodward, a rendu « hommage au courage » de son homologue birman. « Je salue la déclaration courageuse » du représentant birman, a aussi affirmé la nouvelle ambassadrice américaine à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, entrée en fonctions jeudi et dont c’était la première participation à une réunion à l’ONU. Sur Twitter, le secrétaire d’État Antony Blinken a également relevé « la déclaration courageuse et claire » de l’ambassadeur birman et salué « ceux en Birmanie qui font entendre leur voix ».
Les cas d’ambassadeurs s’élevant en séance contre leurs autorités sont très rares à l’ONU, le dernier cas remontant à dix ans, en 2011, lorsque le représentant libyen s’était opposé au dictateur Mouammar Kadhafi en pleine révolte libyenne.
Kyaw Moe Tun a réclamé que les membres de l’ONU ne reconnaissent pas le régime militaire qui s’est approprié le pouvoir le 1er février, et ne coopèrent pas avec lui. « Nous continuerons à nous battre pour un gouvernement qui soit du peuple, par le peuple, pour le peuple », a-t-il promis.
Un ton plus conciliant de la Chine
Juste avant sa prise de parole, lors d’une session spéciale des 193 membres de l’organisation consacrée à la Birmanie à l’initiative notamment de l’Union européenne et des États-Unis, l’émissaire de l’ONU pour ce pays, Christine Schraner Burgener, avait condamné « fermement » la répression exercée par la junte.
Il faut « envoyer collectivement un signal clair en faveur de la démocratie en Birmanie ». « Les actions de l’armée ne sont pas justifiées et nous devons continuer d’appeler au renversement de cette situation inadmissible, en épuisant toutes les voies collectives et bilatérales pour rétablir la Birmanie sur la voie de la réforme démocratique », avait-elle ajouté, déplorant le refus de la junte de l’autoriser à se rendre dans le pays.
L’ONU a conditionné une telle visite à la possibilité de rencontrer Aung San Suu Kyi, mise au secret depuis le coup d’État du 1er février, ce que la junte refuse catégoriquement jusqu’à présent, selon des diplomates.
Se démarquant du ton offensif de la plupart des intervenants, l’ambassadeur chinois à l’ONU, Zhang Jun, a réaffirmé la position chinoise selon laquelle « ce qui se passe en Birmanie est par essence une affaire interne ». Il a toutefois indiqué que la Chine, qui favorise un règlement par l’intermédiaire de l’Asean, « discutait avec les parties concernées en Birmanie pour faciliter une désescalade et un retour à la normale à une date rapprochée ». « Toutes les parties doivent s’abstenir d’intensifier les tensions, d’aggraver la situation et de recourir à la violence, afin d’éviter un bain de sang », a-t-il aussi demandé.
Avec AFP
Le nouveau Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme au Myanmar a exprimé mercredi des doutes sur la nature libre et équitable des élections prévues en novembre dans ce pays d’Asie du Sud-Est.
« Le peuple du Myanmar mérite des élections libres et équitables en novembre », a déclaré Thomas Andrews au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Pour l’expert, de telles conditions incluent le respect du droit de vote, quelle que soit sa race, son appartenance ethnique ou sa religion, la liberté d’expression et de réunion, et l’accès à l’information et à une presse libres.
« Cela exigera également que des mesures soient prises dès maintenant pour garantir que ceux qui se trouvent dans les zones de conflit puissent exercer leurs droits », a souligné M. Andrews.
La réforme politique a commencé au Myanmar il y a 10 ans après près de 50 ans de régime militaire.
« La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si cette réforme se poursuivra », a déclaré le Rapporteur spécial dans un communiqué. « L’armée, ou Tatmadaw, sera-t-elle au service de la nation – responsable devant son peuple par le biais de ses représentants civils dûment élus – ou sera-t-elle hors de portée de l’autorité et de la responsabilité du gouvernement civil? », a-t-il demandé.
L’expert s’est déclaré particulièrement préoccupé par l’intensification des combats dans l’État de Rakhine, qui a déplacé encore plus de civils à un moment où des centaines de milliers de Rohingyas chassés de chez eux vivent toujours dans des conditions déplorables dans des camps de réfugiés et de déplacés, sans droits fondamentaux et incapables de se déplacer librement.
Dialoguer avec le gouvernement
M. Andrews, qui vient de prendre ses fonctions, a déclaré qu’il était redevable à ceux dont les droits de l’homme sont menacés ou assiégés. Il s’est également engagé à dialoguer avec le gouvernement du Myanmar et à l’écouter sur les questions des droits de l’homme.
Le nouveau Rapporteur spécial a appelé les militaires du Myanmar à respecter l’appel du Secrétaire général des Nations Unies à un cessez-le-feu mondial, et il a encouragé le gouvernement du Myanmar à coopérer avec les mécanismes de justice internationale existants, y compris la Cour internationale de Justice (CIJ), le mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar et la Cour pénale internationale (CPI), pour garantir la responsabilité des crimes internationaux présumés.
Thomas Andrews, des États-Unis, est un ancien membre du Congrès américain où il a représenté l’Etat du Maine. Il a un cabinet de conseil basé à Washington. Il a travaillé avec l’Institut national démocratique pour les affaires internationales et avec des parlementaires, des ONG et des partis politiques au Cambodge, en Indonésie, en Algérie, en Croatie, en Serbie, en Ukraine et au Yémen. Il a été consultant pour le gouvernement de la coalition nationale de l’Union de Birmanie et le réseau Euro-Burma, et a dirigé des ONG, notamment Win Without War et United to End Genocide.
NOTE :
Les Rapporteurs spéciaux de l’ONU font partie de ce que l’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, le plus grand organe d’experts indépendants du système des droits de l’homme des Nations Unies, est le nom général des mécanismes indépendants d’enquête et de surveillance du Conseil qui s’occupent soit de situations de pays spécifiques soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde.
Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire. Ils ne font pas partie du personnel des Nations Unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et travaillent à titre individuel.