L’ Algérie et sa diaspora : un atout ou une charge pour le pays

«En pays d’exil, même le printemps manque de charme.»
                                                    Proverbe russe

 

Communauté nationale (établie) à l’étranger, communauté nationale expatriée, diaspora ou émigration algérienne ? Autant d’appellations et bien d’autres pour qualifier ces hommes et ces femmes de nationalité ou d’origine algérienne et établis durablement –voire définitivement – dans d’autres pays que l’Algérie.
Pour ce qui nous concerne, nous employons les concepts de communauté établie à l’étranger, communauté expatriée, ressortissants ou diaspora, selon le contexte.
Avec un potentiel de 6 à 7 millions de ressortissants établis à l’étranger dont plus de la moitié en France, notre communauté est l’une des plus importantes communautés expatriées dans le monde. Les statistiques révèlent que 53,6% sont des hommes, 89.8% sont établis en UE et près de 83% le sont en France qui reste toujours le premier pays d’établissement de l’émigration algérienne. Elle représente près de 15% de la population algérienne totale.
Si, traditionnellement, les vagues migratoires algériennes ont été motivées essentiellement par des considérations économiques, depuis les années 1990 elles ont changé avec l’émergence de nouveaux paramètres sécuritaires et politiques. En effet, à la suite des événements de la «décennie noire» des années 1990 est apparue une vague migratoire d’une nature et d’une ampleur inédites dans l’histoire contemporaine du pays.
Au flux de jeunes migrants sans grandes qualifications académiques et professionnelles se sont ajoutés et, en nombre, des intellectuels, des entrepreneurs et des cadres issus de divers secteurs socio-économiques qui ont quitté le pays pour se rendre en Occident, notamment en France, au même moment où, fait nouveau, leurs destinations se sont élargies aux pays arabes du Golfe et à l’Amérique du Nord.
Des statistiques de l’Ofpra indiquent qu’entre 1993 et 2003, près de 100 000 demandes de statut de réfugié politique ont été déposées en France par des Algériens dont 19 623 satisfaites.
De par son identification à deux sociétés d’origine et d’établissement distinctes, la diaspora constitue un pont reliant 2 pays, peut jouer un rôle non négligeable dans les relations entre ces pays et même être influencée par l’un comme par l’autre (lobby). Elle peut aussi faire l’objet de sollicitudes politiques à l’occasion de scrutins électoraux où son vote, quoique modeste par le nombre, peut influencer l’issue définitive du scrutin. Elle peut, enfin, être la «victime collatérale» de tensions dans les relations entre les deux pays comme ce fut le cas, par exemple, dans les années 1970 entre l’Algérie et la France.
L’importance socio-économique et numérique de notre diaspora en France, la plus importante diaspora algérienne dans le monde, et le poids de l’histoire dans les relations algéro-françaises imposent un bref examen de la question migratoire algérienne en France.
Durant la Première Guerre mondiale, la France a mobilisé un grand nombre d’«indigènes» de son empire colonial autant pour le front de guerre que pour les usines d’armement, les mines et l’agriculture.
Au terme de la guerre, en 1918, la France rapatrie 250 000 travailleurs et soldats des colonies. Durant la Seconde Guerre mondiale, les colonies ont été à nouveau sollicitées pour contribuer en hommes et en ressources économiques à l’effort de guerre de la France. La période d’après-guerre, dite des Trente Glorieuses (celle de l’essor économique et social de la majorité des pays industrialisés entre 1945 et 1975), voit le nombre d’Algériens employés à la reconstruction de la France et à la relance de son économie multiplié par 33. A la fin de 1948, le nombre atteint entre 120 000 et 130 000 personnes. Il évoluera encore pour atteindre 350 000 en 1962.
A l’indépendance de l’Algérie, les Accords d’Evian du 19 mars 1962 (déclaration de principe relative à la coopération économique et financière) établissaient un nouveau cadre pour la circulation, le séjour et l’emploi pour les Algériens devenus citoyens d’un Etat souverain étranger. En effet, ces accords prévoient que «sauf décision de justice, tout Algérien muni d’une carte d’identité est libre de circuler entre l’Algérie et la France» et ajoutent que «les ressortissants algériens résidant en France, et notamment les travailleurs, auront les mêmes droits que les nationaux français, à l’exception des droits politiques». Mais dès les premières années post-indépendance, ce cadre est remis en cause par la France seule. Des négociations sur l’émigration algérienne en France ont été engagées tôt après la restauration de la souveraineté nationale et aboutissent, le 27 décembre 1968, à l’accord «relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles en France» qui est toujours en vigueur et qui a été modifié par 3 avenants du 22 décembre 1985, du 28 septembre 1994 et du 11 juillet 2001.
Dans ce cadre, les deux parties s’étaient entendues sur un contingent de 35 000 entrées annuelles de travailleurs algériens, réduit à 25 000 en 1972. L’accord est censé créer un régime dérogatoire aux conditions de séjour, de circulation et d’emploi des ressortissants algériens. Une des dispositions fondamentales de cet accord est l’attribution d’un certificat de résidence de 10 ans après seulement 3 ans de séjour (art. 7 bis) contre 5 ans dans le cadre du droit commun, sous condition de ressources suffisantes.
Près de deux années après, le gouvernement algérien procédait, le 24 février 1971 (anniversaire fondation de l’UGTA le 24 février 1956), à la nationalisation du secteur des hydrocarbures. La nationalisation qui est un acte de souveraineté remet en cause le monopole exercé jusqu’alors par les sociétés françaises sur ce secteur. Ce qui a provoqué l’ire des autorités françaises qui ont brandi des menaces de représailles économiques et financières à l’encontre de l’Algérie, et permis aux groupuscules de l’extrême droite française de procéder à une véritable chasse à l’Algérien qui s’est soldée par l’assassinat de plusieurs de nos ressortissants et la généralisation d’un climat de peur chez nos compatriotes en France. Les autorités algériennes n’ont pas tardé à réagir, en toute logique.
C’est ainsi que le 19 septembre 1973, l’Algérie avait décidé la suspension immédiate de l’émigration algérienne en France, dans l’attente que «les conditions de sécurité et de dignité soient garanties par les autorités françaises aux ressortissants algériens».
La visite du président français Valérie Giscard d’Estaing à Alger en avril 1975, la 1re d’un président français, ne changera rien à la décision algérienne. Plus encore, deux ans après cette visite, en 1977, le Président français décide d’instituer une prime d’«aide au retour » de 10 000 francs aux étrangers souhaitant retourner définitivement au pays d’origine. Cette mesure visait, sans doute et au premier plan, la communauté algérienne. Dans le sillage de sa décision, le Président français propose à son homologue algérien le rapatriement de 500 000 ressortissants algériens sur une période de 5 ans. La proposition a été refusée au motif qu’elle enfreignait les dispositions des accords d’Evian et de celui du 27 décembre 1968.
S’agissant du nombre de ressortissants algériens en France, certaines sources l’évaluaient en 1999 à 550 000 personnes, soit environ 17 % des 3,2 millions d’étrangers titulaires d’une autorisation de séjour en France. C’est la première nationalité non communautaire en France. Aujourd’hui, notre communauté est évaluée à + 2,6 millions de personnes dont 846 400 immigrés stricto sensu (étrangers nés à l’étranger), soit environ 12% de la population émigrée en France.
Quelle que soit l’importance numérique de notre communauté en France, elle dérange.
Aujourd’hui, notre pays est la cible d’une véritable campagne politique de dénigrement dont le socle est la volonté de remise en cause unilatérale de l’accord de 1968.
Des voix de l’extrême droite, mais pas seulement, n’hésitent pas à évoquer une «dénonciation unilatérale» de l’accord pour aboutir à l’alignement du régime migratoire des Algériens sur celui du droit commun et ce, par égard à «l’intérêt national» et afin d’«endiguer la principale source de l’immigration massive».
Leurs arguments sont étayés par des «statistiques» tendancieuses qui visent à stigmatiser la communauté algérienne présentée comme étant la source de «plusieurs maux» qui expliqueraient son «incapacité» à s’intégrer dans la société française.
Suit une litanie de données plus fausses que vraies qui émaneraient du ministère français de l’Intérieur indiquant notamment que les Algériens constituent «la nationalité étrangère la plus représentée dans les prisons françaises avec 20% du total des étrangers écroués». Selon l’IGF, «41,6% des Algériens de plus de 15 ans vivant en France étaient chômeurs ou inactifs» en 2017, soit un taux trois fois plus élevé que celui des Français (14,1%)». D’autres statistiques indiquent qu’en 2018 nos ressortissants représentaient 47,7% de «l’ensemble des récipiendaires de l’Aide médicale d’Etat accordée par les hôpitaux publics de Marseille aux immigrés en situation irrégulière».
Enfin, last but not least, selon l’Insee, près de la «moitié (49%) des ménages d’origine algérienne vivait en HLM en 2018, soit presque quatre fois plus que les ménages non immigrés (13%) et le plus haut taux parmi toutes les origines migratoires». Quand bien même ces statistiques seraient fiables, au lieu de faire croire qu’elles expliquent une quelconque «incapacité congénitale» de nos ressortissants à s’intégrer dans la société française, ce qui est faux car largement démenti par les compétences, parfois exceptionnelles, de beaucoup d’entre eux dont les réussites sont autant appréciées par les pouvoirs publics français qu’enviées par certains «Français de souche», il faut plutôt dire qu’elles révèlent le degré de précarité élevé dans laquelle est «ghettoïsée», par les pouvoirs publics et certaines franges et de la société française «de souche», la majorité des ressortissants algériens vivant en France.
Comme dans les années 1970, la communauté expatriée est aujourd’hui utilisée par la France comme moyen de pression politique. En effet, l’entrée et le séjour des Algériens en France étant conditionnés, depuis 1986, par l’obtention d’un visa, les autorités françaises estiment que c’est là un levier de pression efficace contre l’Algérie donnant l’impression d’oublier la position de principe des autorités algériennes de refus de toute proposition tendant à lier la question des visas à la conclusion d’accords de réadmission des nationaux en situation irrégulière à l’étranger. La position algérienne ne concerne pas seulement la France, mais tous les pays étrangers concernés par cette question.
C’est dans ce contexte qu’est intervenue, le 21 septembre 2021, la décision de la France de réduire le nombre de visas accordés aux citoyens de 3 pays maghrébins dont l’Algérie de 50% en raison du «manque de coopération des gouvernements maghrébins» s’agissant de la réadmission de leurs ressortissants en situation irrégulière sur le territoire français.
En novembre 2021, le Président français justifiait sa décision en déclarant que «ce n’est pas acceptable qu’on ne reprenne pas des étrangers en situation irrégulière qui étaient identifiés comme dangereux et troublant l’ordre public». Mais le 18 décembre 2022, son ministre de l’Intérieur annonçait à Alger un retour «à une relation consulaire normale».
Enfin, à ceux qui qualifient les ressortissants algériens de privilégiés, il est utile de rappeler que le ministère français de l’Intérieur révèle qu’en 2021, plus de 35 300 titres de séjour ont été délivrés par les préfectures françaises aux ressortissants marocains, contre 25 800 aux Algériens suivis par les Tunisiens, les Ivoiriens et les Chinois, avec respectivement 17 400, 11 300 et 9 700 titres de séjour. Par contre, les Algériens ont dépensé 15,7 m d’euros en 2022 en frais de dossier de demande de visa Schengen.
Face à l’hystérie de certains hommes politiques français qui prêchent contre l’accord de 1968, il est temps de leur rappeler qu’évoquer l’abrogation unilatérale de l’accord de 1968, c’est exposer gravement la relation algéro-française globale tissée entre les 2 pays depuis 1962 à un avenir plein d’incertitudes. Même si la France officielle garde le silence à ce sujet, notre pays doit d’ores et déjà réfléchir sérieusement à toutes les éventualités.
Le survol de la situation de notre communauté en France ne doit pas nous faire oublier, que, de toute évidence, des Algériens vivent, étudient et travaillent ailleurs qu’en France.
Depuis environ un quart de siècle, le flux migratoire algérien a changé autant dans sa composante humaine que dans ses destinations géographiques. Loin de se cantonner dans l’espace européen, majoritairement d’Europe occidentale dont l’accès est de plus en plus difficile, l’Algérien s’oriente désormais vers d’autres horizons, en particulier certains pays arabes du Golfe et d’Amérique du Nord, plus précisément le Canada, «poursuivant ainsi un processus de mutlipolarisation», selon l’Association for Higher Education and Development.
Au Canada, pays connu pour être un eldorado migratoire, l’émigration algérienne a été timide jusqu’au début des années 2000 avant de connaître une expansion sensible vers ce pays lointain. Ainsi, entre 2001 et 2006, le Canada a reçu plus d’Algériens que durant deux décennies de 1980 à 2000. Majoritairement (91%) établie au Québec francophone, eu égard à son profil linguistique, elle est donc d’implantation récente.
Comme ce fut le cas pour la France et d’autres pays européens, la « décennie noire » représente une période de forte expansion du flux migratoire algérien vers le Canada. Selon une étude citée par le journal El Watan le 19 janvier 2018, près de 3 000 Algériens ont obtenu le statut de réfugiés au Canada entre 1990 et 2000.
La communauté algérienne au Canada est estimée aujourd’hui à 100 000 personnes dont 28% nées au Canada. Ce qui en fait l’une des plus importantes communautés algériennes expatriées dans le monde, hors Europe et Maghreb. Aujourd’hui, des sources canadiennes révèlent qu’actuellement l’Algérie figure au premier rang des pays africains pour le nombre d’émigrés au Québec.
Notre diaspora qui compte légèrement plus d’hommes (52,8 %) que de femmes présente de nombreux atouts appréciés par l’administration canadienne. C’est d’abord une communauté jeune du fait que 45,9% des migrants d’origine algérienne ont moins de 25 ans et 38,7 % sont âgés de 25 à 44 ans. Leur profil linguistique majoritairement français à 97,4% (outre les langues arabe et tamazight) est souvent enrichi par la connaissance d’autres langues comme l’anglais ou l’espagnol. Enfin, notre diaspora est à plus de 44% de niveau universitaire contre seulement 18 % pour la moyenne de la population du Québec.
Avec de tels atouts, l’on est tenté de croire que notre diaspora au Canada devrait vivre dans d’enviables conditions socio-économiques. Or, ce n’est pas évident, comme l’a révélé une étude réalisée par Yasser Boulmezaoud, étudiant en doctorat en sociologie à l’université du Québec à Montréal, en collaboration avec la Fondation Club Avenir.
Cette étude indique qu’entre 2011 et 2016, le Canada «a accueilli une moyenne de 3 479 immigrants algériens par an, contre une moyenne de 4 420 par an entre 2007 et 2011» donc un processus de recul est enregistré. Elle révèle aussi les 2 principales difficultés auxquelles est confrontée notre communauté : l’emploi et le revenu. En effet, le taux de chômage de 18,7 % qui caractérise notre diaspora est de presque trois fois supérieur à la moyenne de l’ensemble de la population du Québec (7,2%). Le revenu moyen du ressortissant algérien est de 28 960 dollars canadiens contre 36 352 pour l’ensemble de la population du Québec.
Si des compétences algériennes avérées ne rencontrent pas de grandes difficultés notamment à l’emploi, pour d’autres, exerçant de petits métiers, s’installer au Canada ne signifie guère décrocher le «bonus». C’est le désenchantement. Ce qui n’empêche pas les autorités canadiennes de poursuivre leur politique d’immigration tous azimuts. En Algérie, elles se lancent dans une véritable politique de «pillage» des ressources humaines professionnelles nationales. Même l’ambassade canadienne dans notre pays y contribue publiquement. En effet, dans un message publié sur sa page Facebook, elle a saisi les images de la vidéo de la cérémonie de remise des diplômes par l’université de Moncton pour des étudiants algériens pour lancer une campagne de la promotion de la destination Canada. «Vous avez vu la fameuse vidéo des étudiants algériens graduant de l’université de Moncton ? Vous pourriez être le prochain ou la prochaine !» Mais le Canada n’est pas la seule destination nouvelle pour la diaspora algérienne.
Certains pays arabes du Golfe offrent de sérieuses perspectives d’emploi et de promotion sociale. Il s’agit du Qatar et des Emirats arabes unis.
En effet, l’or noir aidant, certains pays arabes du Golfe, dont les Emirats arabes unis et le Qatar, se sont engagés depuis les années 1990 dans un processus de modernisation sans précédent qui nécessite un nombre de plus en plus croissant de main-d’œuvre étrangère, notamment qualifiée.
Au Qatar comme aux Emirats arabes unis, la diaspora algérienne est d’implantation récente, majoritairement qualifiée et masculine, qualifiée et numériquement modeste. Elle est de l’ordre de 5 à 6 000 personnes dans chacun des 2 pays.
Outre leurs hautes qualifications académiques et professionnelles, les membres de la diaspora algérienne dans ces deux pays sont appréciés pour leurs capacités linguistiques.
En effet, près de 85% maîtrisent au minimum deux langues, l’arabe et le français, l’arabe et l’anglais, le français et l’anglais, voire ces trois langues ensemble.
Ces dispositions leur ouvrent de réelles perspectives d’emploi embrassant divers secteurs professionnels «où les Emiratis et Qataris souhaitent combler leur manque».
L’Algérie n’est plus le seul point de départ de la diaspora algérienne vers le Golfe. De plus en plus de cadres émigrent vers cette région à partir de l’Europe et même d’Amérique du Nord.
Les expatriés algériens qualifiés sont motivés non seulement par la rémunération souvent plus élevée qu’en Occident mais aussi par les avantages sociaux tels que le logement de fonction, l’éducation gratuite pour les enfants et la gratuité des soins pour la famille.
Cependant, tout n’est pas idyllique pour nos expatriés dans ces pays. En effet, outre les difficultés d’obtention d’un visa de séjour et de travail, les candidats à l’immigration doivent se plier à la règle du «parrain» ou «sponsor». Ce qui limite leur mobilité professionnelle. Ils doivent tenir compte de l’absence de syndicats pour défendre leurs droits sociaux…

Qu’en est-il aujourd’hui de l’élite de notre diaspora dans le monde ?

Les compétences nationales à l’étranger : Au sein de notre diaspora, une catégorie spécifique, celle des compétences nationales, constitue un centre d’intérêt particulier pour beaucoup de pays dont l’Algérie. Différentes approches tentées dans le passé par les pouvoirs publics algériens pour sensibiliser et mobiliser l’intelligentsia expatriée au service du pays n’ont pas donné les résultats espérés et, pour diverses raisons.
En Algérie, après l’arrêt à l’émigration vers la France en 1973, on parlait beaucoup du retour au pays. Malheureusement, ce retour s’avère souvent très difficile à réaliser pour les compétences qui, dans certains cas, sont rentrées au pays avant de reprendre le chemin de l’exil.
Si le travail intellectuel transcende de plus en plus les frontières géographiques et qu’il peut s’effectuer à distance, la barrière s’estompe alors pour les compétences nationales qui souhaitent mettre leurs savoirs académiques et leurs talents professionnels au service de l’Algérie sans avoir à se déplacer. La mission d’élaboration du cadre légal et de fourniture des moyens technologiques et financiers nécessaires incombe aux autorités nationales.
Un autre aspect, tout autant important, a trait aux décisions et mesures prises par les autorités publiques en faveur de la communauté expatriée dans les domaines économique et social.
Immobilier : En tête des aspirations des membres de la diaspora, notamment les familles, figure l’acquisition d’un bien immobilier en Algérie qui a été prise en charge par les autorités à travers le système du logement public promotionnel.
Initiée par le ministère de l’Habitat en 2014, elle avait été étendue en février 2018 aux jeunes de notre diaspora qui ne possèdent pas de biens immobiliers en Algérie (appartement, maison ou terrain à bâtir) et qui n’ont pas reçu d’aide de l’État. Aujourd’hui, après 5 ans, aucun bilan de l’opération n’a été rendu public. Le bien immobilier qui est un investissement durable et symbolique pour de nombreuses familles algériennes expatriées et un moyen privilégié pour drainer leur épargne demeure inaccessible pour beaucoup de ressortissants expatriés et à la recherche d’un pied à terre en Algérie.
Banques nationales à l’étranger : Parler des transferts de fonds de la communauté, c’est évoquer la nécessité de la présence d’un circuit bancaire national à l’étranger pour canaliser et faciliter le flux d’argent de la communauté et promouvoir les relations économiques et commerciales extérieures de l’Algérie.
En mars 2023, les autorités monétaires sénégalaises ont donné leur accord pour l’ouverture d’une filiale de la Banque nationale d’Algérie (BNA) appelée «banque algérienne sénégalaise» qui devient ainsi la première banque publique algérienne agréée à exercer son activité à l’étranger.
Pour sa part, la Caisse nationale d’épargne et de prévoyance (Cnep) vient d’obtenir le droit d’ouvrir des succursales sur le sol mauritanien.
Mais considérant la faible présence de nos ressortissants dans ces 2 pays, on déduit que ces 2 banques sont dédiées au développement des relations économiques et commerciales de notre pays avec ces 2 pays africains. C’est en France qu’une banque algérienne aurait le sens d’une institution destinée en premier lieu à l’épargne de la communauté dans ce pays.
En effet, il est question de l’ouverture d’agences de la Banque extérieure d’Algérie en France dans des villes à forte densité émigrée algérienne et dont la 1re agence devrait être installée dans l’ancien siège du Consulat général à Paris. Mais l’agrément des autorités françaises se fait attendre.
Transport : La question du transport aérien et maritime entre le pays d’établissement et le pays d’origine constitue la pierre angulaire des doléances de la diaspora adressées depuis de nombreuses années aux autorités algériennes. La diaspora algérienne considère que le transport aérien et maritime international algérien est un motif majeur de frustration et se plaint de difficultés à accéder à un service de qualité accompagné d’une tarification modérée au moins comparable à celle pratiquée par des cies similaires de pays voisins.
Aux difficultés devenues récurrentes notamment en période estivale s’est ajoutée la crise sanitaire. A l’image d’autres pays du monde, l’Algérie a procédé à la fermeture des frontières du mois de mars 2020 à celui de juin 2021, période durant laquelle les avions sont restés cloués au sol. Durant cette période, les voyageurs, en majorité des citoyens établis à l’étranger, ont vécu le calvaire pour se rendre en Algérie ou retourner au pays d’établissement.
La rareté des vols et le quasi-monopole exercé de fait par les cies nationales aérienne et maritime, ajoutés au nombre important de voyageurs, malgré les risque liés à la pandémie, avaient fait flamber les prix, pénalisant ainsi les bourses modestes et les économies de la majorité des voyageurs. S’en est suivie une gestion chaotique du flux et des prix exorbitants.
Par ailleurs, la période estivale est propice à nos ressortissants pour visiter le pays. Dans ce cadre, les mesures de facilitation prises par les autorités algériennes dans les ports et aéroports en période estivale sont appréciées par les nationaux établis à l’étranger.
Transfert d’argent : Par ailleurs, lorsqu’on évoque la diaspora, on est tenté de connaître la destination de l’épargne de l’expatrié algérien.
Selon un récent bulletin de la Banque mondiale, la CNE a transféré 1,829 milliard de dollars vers l’Algérie en 2022 contre 1,760 durant l’année 2021 et 2,100 milliards en 2018. Le pic des transferts de 2,420 milliards atteint en 2004 n’a jamais été dépassé depuis.
Quoique l’Algérie ait l’une des plus importantes communautés expatriées de la région Mena, elle ne reçoit cependant que 3,4% du total des transferts en devises vers cette région.
Par ailleurs, il est utile de souligner que la majorité des transferts effectués par notre CNE transitent par le circuit officiel des banques publiques. Il s’agit essentiellement de transferts provenant des caisses de retraites étrangères. En dehors de ce cadre, c’est le marché noir de la devise qui mobilise la plus importante mais occulte partie de ces transferts sans qu’aucun paramètre d’évaluation exacte soit possible autant pour les autorités algériennes que pour la Banque mondiale.
Le fait marquant qui a considérablement réduit la manne financière de l’émigration est l’avènement, ces dernières années en Algérie, d’une «classe d’affairistes disposant de fortunes colossales en grande partie gagnées dans les transactions commerciales obscures, les surfacturations à l’importation et les trafics en tous genres». Pour éviter tout contrôle en Algérie, les transactions du marché parallèle sont désormais effectuées sur place, là où réside l’émigré. De plus, en l’absence de mesures incitatives (primes au change), le taux parallèle offre un avantage attractif sur le cours officiel qui peut dépasser les 50%.
Micro-entreprises et investissements : L’information sur l’existence de 48 milliards de dollars US de capitaux détenus par la diaspora entrepreneuriale algérienne à l’étranger et qui sont susceptibles d’être investis pourrait être vérifiée et si c’est le cas, une stratégie établie pour drainer ce potentiel financier vers l’économie nationale s’impose.
C’est le décret exécutif n° 22-351 du 18.10.22 (Jora n° 69 du 19.10.22) qui révèle les conditions et les modalités particulières d’affiliation volontaire à ce système et les droits et obligations des affiliés.
Parmi les principales dispositions dudit décret exécutif, l’art 11 mentionne que la cotisation doit être versée en devises convertibles en «contrepartie du droit aux prestations en nature de l’assurance maladie et de maternité et aux prestations de retraite, accordées en dinar algérien. Les prestations prévues par le présent décret ne peuvent être servies hors du territoire national».
En Europe, l’assurance maladie et de retraite est depuis très longtemps un droit inaliénable pour tout travailleur. Avec son assurance dans le pays d’établissement, le travailleur algérien est assuré au niveau national comme à l’étranger.
La proposition de l’étendue de l’assurance maladie et de retraite devrait viser en premier lieu nos compatriotes établis et travaillant dans certains pays arabes du Golfe comme les Emirats arabes unis où le travailleur reçoit, en fin de carrière, une compensation financière proportionnelle à ses années de travail, mais est sommé de quitter le pays dès son admission à la retraite.
Enfin, l’exigence de l’immatriculation consulaire aux adhérents volontaires à ce système exclut de facto tous les ressortissants algériens régulièrement établis à l’étranger, mais non immatriculés auprès de la représentation diplomatique ou consulaire.
Transfert des dépouilles : La loi de finances 2015 a institué un fonds spécial baptisé Fonds national de solidarité, pour régler les frais de transfert des dépouilles des ressortissants algériens établis à l’étranger vers l’Algérie.
Par la suite, la crise économique prenant d’inquiétantes proportions depuis 2014, la loi de finances de 2017 introduit de profondes modifications dans les attributions du fonds qui devient «Fonds de solidarité pour les ressortissants algériens nécessiteux décédés à l’étranger ou pour ceux dont les familles justifient l’insuffisance de moyens financiers permettant la prise en charge de rapatriement».
Mais la situation du fonds a évolué avec la loi de finances de 2023 qui décida d’étendre la couverture des frais de rapatriement de dépouilles à l’ensemble des Algériens. L’intitulé du fonds devient alors «Fonds de solidarité pour les ressortissants algériens décédés à l’étranger». De ce fait, c’est l’Etat algérien qui prend désormais en charge les frais de transfert des dépouilles d’Algériens décédés à l’étranger et ce, quelle que soit leur fortune.
Au plan structurel, il est nécessaire de rappeler que depuis l’ouverture politique instaurée par la Constitution du 23 février 1989, les autorités algériennes ont cherché à établir, en coordination avec le mouvement associatif algérien à l’étranger.
Dans ce contexte et pour donner corps à cette dynamique, un Conseil des ministres réuni le 27 août 2009 avait examiné et adopté un décret présidentiel portant création du Conseil consultatif de la communauté nationale à l’étranger (CCCNE).
Le communiqué publié à cette occasion explique que « c’est pour renforcer les liens avec cette partie véritablement indissociable de la nation que la création de ce Conseil national a été envisagée. Il n’est pas destiné à se substituer au mouvement associatif propre à la communauté nationale à l’étranger ni aux responsabilités et missions des pouvoirs publics en direction de celle-ci ».
Mais la mise en œuvre de ce décret n’a malheureusement pas été entamée.
La communauté algérienne expatriée est également représentée à l’Assemblée populaire nationale (APN) par 8 députés qu’elle élit par un scrutin direct au sein des représentations diplomatiques ou consulaires et des bureaux de vote itinérants, dans certains pays où cela est possible. Le vote est direct pour les élections présidentielle, législatives et les référendums, et indirect, par voie de procuration, pour les élections locales.
Parmi les mesures prises par les autorités publiques pour impliquer notre communauté expatriée au processus de consultation de la société civile algérienne, figure sa représentation au sein de l’Observatoire national de la société civile créé le 12 avril 2021 par décret présidentiel.
Par ailleurs, le remaniement ministériel de juillet 2021 s’est notamment traduit par l’ajout de la référence à la communauté nationale à l’appellation officielle du ministère des Affaires étrangères. Cette décision traduit sans doute une volonté de confier directement et exclusivement le dossier de la diaspora nationale au département ministériel le mieux outillé et le plus expérimenté du gouvernement.
Le constat est qu’aujourd’hui, plus que par le passé, le pays dispose de moyens humains et technologiques performants pour mettre au point, avec les structures associatives représentatives de la diaspora et ses élus, une stratégie de concertation et d’action au service du développement du pays associant les ressortissants de la diaspora.
A cet effet, l’État peut accompagner cette communauté dans ses initiatives visant à créer un cadre de mobilisation et d’action regroupant des représentants élus de la diaspora et ceux des secteurs publics chargés de la gestion du dossier de l’émigration, en particulier le MAE. Aujourd’hui, la diversité est une caractéristique première du mouvement associatif à l’étranger, notamment en France. L’effort des pouvoirs publics doit tendre vers le rassemblement des énergies compétentes, représentatives et surtout réellement désireuses de mettre leur génie au service du pays.
Solidarité et patriotisme : Il serait injuste d’évoquer notre communauté expatriée sans rappeler brièvement qu’en maintes circonstances, parfois graves et douloureuses, comme c’était le cas durant la guerre de Libération nationale, nos ressortissants partout dans le monde mais surtout en France, puissance coloniale, n’ont pas hésité un instant à faire preuve de sacrifice pour la cause nationale et ce, quelle que fût la distance qui les séparait de l’Algérie.
En France, l’on se remémore la contribution politique, militaire, financière et culturelle de nos compatriotes à la lutte de Libération nationale à travers la Fédération de France du FLN. Selon certaines sources, la population algérienne dans ce pays, évaluée à l’époque à 250 000 personnes, a fourni, de 1955 à 1962, près de 40 milliards de francs au FLN. En 1961, 80% des ressources financières du GPRA provenaient de la Fédération.
Les sanglantes journées d’octobre 1961 notamment celle du 17 constituent une des pages les plus glorieuses de la résistance algérienne en France et, en même temps, une des plus sombres de l’histoire française.
La participation de notre communauté à la résistance nationale n’était pas uniquement synonyme de lutte armée, politique et diplomatique. Elle était également culturelle, syndicale et sportive. Pour ce dernier volet, qui oublierait la légendaire équipe de football du FLN formée à Tunis en avril 1958 ? En effet, le 15 avril 1958, 9 footballeurs algériens, tous joueurs professionnels dans les clubs les plus prestigieux du championnat français, avaient quitté clandestinement la France pour porter la voix de l’Algérie combattante aux quatre coins du monde. Le palmarès était éloquent : quatre années de voyages et 83 rencontres (57 victoires, 14 matches nuls et 12 défaites).
Par ailleurs, la crise sanitaire de Covid-19 avait mis à rude épreuve et révélé les carences de notre système de santé, notamment concernant la disponibilité de l’oxygène industriel (appareils d’assistance respiratoire) et de certains médicaments. Une fois encore, notre communauté expatriée avait mobilisé ses capacités humaines et financières au service des citoyens. La presse nationale a parlé de «sursaut patriotique».
Enfin, le mouvement populaire (Hirak) du 22 février 2019 a contribué à resserrer les liens entre nos expatriés dans le monde et le pays qui vivait au rythme des manifestations de «la révolution du sourire» qui s’opposait au projet du 5e mandat et revendiquait une Algérie démocratique et sociale, conformément à la Proclamation de Novembre.
En tant que telle, cette relation est de plus en plus appelée à transcender l’aspect patriotique pour s’installer durablement dans un contexte plus rationnel et utilitariste faisant appel à la qualification académique et à la compétence technique et scientifique.
A mes compatriotes établis à l’étranger, il me plaît de rappeler un bref extrait du discours inaugural prononcé le 20 janvier 1961 par le 35e président des Etats-Unis d’Amérique John Fitzgerald Kennedy, après la prestation de serment. S’adressant à ses compatriotes américains, il leur dit : «ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays.»
M. Z.


 

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