Le second tournant a également lieu au début du XXe siècle : il s’agit de la mise en place du groupe Rhodes-Milner dans l’Empire britannique. Comme le révèle Caroll Quigley dans son livre Histoire secrète de l’oligarchie anglo-américaine, Cecil Rhodes, puis son ami Arthur Milner, après la mort de Cecil Rhodes en 1902, mettent en place un groupe d’influence «officialisé» en 1909, sous le label de Rhodes-Milner Round table groups.
Ce groupe se fixe comme mission de former une élite «éclairée» pour réaliser un contrôle oligarchique et unifié sur l’Empire britannique en pénétrant tous ses centres de pouvoirs. Le but est de munir l’Empire d’une «colonne vertébrale» qui lui permettra de perpétuer sa domination sur le monde au nom de la supériorité de la «race» anglo-saxonne sur les autres peuples (1). Le groupe Rhodes-Milner venait de créer sa marque de fabrique dans le «soft power» en complément de la canonnière.
Le mode de fonctionnement de ce groupe repose sur un système de sélection, de formation et de placement d’individus brillants au profil psychologique adéquat pour servir la cause de l’Empire britannique. Via les bourses Rhodes, instituées par testament par Cecil Rhodes, devenu milliardaire en Afrique du Sud avec l’appui financier de Nathan Mayer Rothschild, un financement à grande échelle de la formation académique de ces brillants sujets après leur présélection par des membres du groupe est mis en place. Ces formations se déroulent dans quelques universités prestigieuses et contrôlées par des membres du groupe, en Angleterre dans un premier temps, puis dans des universités des pays anglo-saxons lorsque le groupe s’étendra. A l’issue de la formation, les impétrants bénéficient d’un système de placement dans les centres de pouvoir de l’Empire britannique par validation et cooptation par d’autres membres du groupe déjà en place (administrations coloniales, partis de gouvernement, diplomatie, armée, grands médias pour forger les opinions publiques, notamment l’emblématique Times, services secrets, grandes universités fabriques d’élites, oligarchie financière et économique). Sous la direction d’Arthur Milner, ce groupe travaille comme une espèce de gouvernement et de Parlement parallèles où de grandes orientations sont discutées, quelquefois durant plusieurs années, avant leur adoption dans les circuits officiels. Remarquons, pour la petite histoire, que Mac Kinder faisait partie de ce groupe.
Les transformations de l’Empire au cours du XXe siècle
Le groupe Rhodes-Milner va transformer l’Empire de trois manières au cours de la première moitié du XXe siècle : tout d’abord, il effectue la jonction avec de nombreux groupes de pensée et de pression préexistants et les fédère. Ces groupes de pression y trouvent la possibilité de faire avancer leurs propres idées et intérêts au sein de la matrice idéologique commune du service à l’Empire britannique, d’essence oligarchique.
On peut citer la société Fabian, célèbre pour son idéologie tout à la fois ultra-élitiste pour l’oligarchie et eugéniste et malthusienne avec la masse, y compris britannique, et pour sa volonté de concilier le capitalisme avec le socialisme et la planification. Son idéologie influence encore très largement la pensée, ou en tout cas le discours, des élites mondialistes actuelles en faveur de la décroissance, du déclin démographique et du nécessaire contrôle de la masse, y compris par la propagande et la surveillance généralisée. Son programme est d’ailleurs mis en place depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale via l’arsenal des organismes internationaux gravitant autour de l’ONU (PNUD, Unesco, GIEC, WWF, Groupe de Rome, etc.) ou les fora de l’élite autoproclamée comme le Forum économique mondial. Cette idéologie sert également de justificatif à la mise en place d’un gouvernement mondial au-dessus des Etats planifiant la marche du monde, seul à même de résoudre les problèmes «existentiels» de la planète que les Etats-Nations ne sont plus en mesure de résoudre, comme le réchauffement climatique, les crises sanitaires, et bla-bla-bla…, gouvernement mondial non étatique et occulte qui ressemble étrangement à l’oligarchie qui actionne l’Empire.
Wall Street, la FED et les Rothschild : une histoire de contrôle sans faille
Il y a également l’oligarchie bancaire de la City, très connectée au groupe Rhodes-Milner dès sa création par le biais des Rothschild, financiers de Cecil Rhodes. Cette oligarchie veillera à ce que l’extension de l’influence britannique sur un plan militaire et diplomatique s’accompagne parallèlement d’une extension de son modèle financier et commercial et de sa Common Law, modelée entièrement au profit des oligarchies capitalistes britanniques, puis des oligarchies d’affaires que l’Empire absorbera au cours des 120 dernières années.
Cette oligarchie bancaire britannique étend son contrôle d’abord sur la sphère financière et les banques centrales privées du monde anglo-saxon, notamment sur Wall Street et la FED (créée par les grandes banques privées britanniques et leurs filiales américaines en 1913), puis sur l’ensemble des banques centrales du monde capitaliste après la Seconde Guerre mondiale via la BRI, formidable outil créé par l’Allemagne nazie en 1934 récupéré par les Alliés pour diriger les marchés de la dette et des capitaux dans leur intérêt. Ils exercent même une grande influence sur les Banques centrales russe (indépendante) et chinoise (non indépendante) qui en sont membres, au grand dam des patriotes russes et chinois qui n’arrivent pas encore à convaincre leurs dirigeants que cet état de fait est incompatible avec la véritable souveraineté.
Commonwealth : l’autre façon de contrôle de l’Empire britannique
La seconde grande réalisation du groupe Rhodes-Milner pour l’Empire est la création du Commonwealth : à la suite de la terrible guerre des Boers en Afrique du Sud puis de la sécession progressive de l’Irlande au début du XXe siècle, un consensus s’établit progressivement au sein du groupe sur le constat que la domination impériale affichée et brutale ne pouvait plus se perpétuer indéfiniment. Le groupe Rhodes-Milner s’attelle alors à la conception du Commonwealth comme un moyen de perpétuer un contrôle souple de l’Empire sur les dominions de peuplement anglo-saxon, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande et, dans une moindre mesure, Afrique du Sud, même après l’«indépendance» de ces Etats. La gestation du Commonwealth nécessitera une vingtaine d’années de débats au sein du groupe, ainsi que des expériences d’autonomies locales initiées aux quatre coins de l’Empire par des membres de ce groupe pour peaufiner les contours du futur Commonwealth, avant sa mise en place officielle en 1931. Ce contrôle prend la forme d’une reconnaissance d’un lien politique entre ces Etats (qui ne sont pas des républiques) et la Couronne britannique. Il s’exerce concrètement par la loyauté des agents d’influence de ces pays à la Couronne puis à l’Empire. Ce «noyautage» des élites pour les détourner de la défense des intérêts de leur Etat au profit de ceux de l’Empire britannique est particulièrement fort dans les administrations stratégiques de la défense, des affaires étrangères et des services secrets : on en a des exemples emblématiques avec les Trudeau, père et fils, pourtant québécois francophones, ou Mark Carney, successivement patron de la Banque du Canada puis de la Banque d’Angleterre et fervent promoteur d’une nouvelle monnaie de réserve mondiale, nouvelle marotte des élites de l’Empire. A l’inverse, gare à celui qui voudrait faire preuve d’autonomie dans les domaines de souveraineté comme l’ancien Premier ministre australien travailliste Edward Gough Whitlam, évincé brutalement de son poste en 1975 (2).
Les Etats-Unis : le «joyau de la Couronne britannique»
La troisième grande réalisation du groupe de Rhodes-Milner a consisté à remettre les Etats-Unis sous influence de l’Empire britannique au cours du XXe siècle. En effet, les Etats-Unis ont toujours constitué le véritable «joyau de la Couronne britannique» dont les élites ne se sont jamais consolées de la perte (la guerre d’indépendance américaine est d’ailleurs appelée seconde guerre civile au Royaume-Uni).
Dès la création au début du XXe siècle du groupe Rhodes-Milner, certains de ses membres sont conscients que le périmètre de l’Empire britannique ne sera plus suffisant pour perpétuer une hégémonie mondiale à long terme, même en conservant une influence sur les autres pays de peuplement anglo-saxon. Aussi s’emploient-ils aussi à reformer une alliance avec les Etats-Unis au risque de partager l’Impérium.
Le groupe va commencer à tisser des réseaux d’influence favorables à une coopération étroite avec l’Empire britannique au sein des administrations américaines, notamment dans tous les domaines de souveraineté (armée, diplomatie, services secrets, gestion de la monnaie, grands programmes scientifiques). Pour cela, ils s’allient notamment avec un autre courant existant parmi les élites américaines mais resté dans l’ombre des isolationnistes au cours du XIXe siècle, celui du courant messianique qui affirme la «destinée manifeste» de l’Amérique à guider le monde. Mais les présidents américains et l’opinion publique américaine demeurent majoritairement isolationnistes et attachés à la doctrine Monroe jusqu’à la Première Guerre mondiale (3).
L’affaire du télégramme de Zimmerman
La première marque d’influence des réseaux impériaux au sommet de l’Etat américain est l’entrée en guerre des Etats-Unis contre l’Allemagne en avril 1917, qui fait définitivement basculer la victoire du côté franco-anglais à la fin de la Première Guerre mondiale. En effet, on peut tracer l’influence de l’Angleterre et de ses agents aux Etats-Unis à travers l’affaire du télégramme de Zimmerman qui est habilement montée en épingle pour conduire les Etats-Unis à déclarer la guerre à l’Allemagne (3).
La seconde manifestation de cette influence est la création de la Société des Nations sous l’égide du président Wilson, premier organisme mondialiste se plaçant au-dessus des Etats-Nations pour remodeler le monde au nom de la paix universelle, typique des idées des réseaux souterrains comme la Société Fabian qui commencent à s’agglomérer au sein de l’Empire via le groupe Rhodes-Milner. La Société des nations sera un échec cuisant car, au-delà des idéaux généreux affichés de libération des peuples, il se traduit dans les faits par une application brutale et arbitraire de la balkanisation «à la Mac Kinder» des anciens Empires, qui se heurte d’abord aux résistances allemande et turque et à la lassitude rapide du Congrès américain, encore marqué par l’isolationnisme, pour régler ces interminables «affaires européennes».
Du rôle de Churchill dans le rapprochement anglo-américain
Finalement, ce n’est qu’après la mort de Roosevelt en 1945 que l’intégration entre l’Empire britannique et les Etats-Unis a véritablement lieu, sous la forme qu’elle conserve encore aujourd’hui. L’impulsion décisive au rapprochement entre les Etats-Unis et l’Empire est apportée par l’américano-britannique Churchill, compagnon de route du groupe Rhodes-Milner et qui a fait de ce rapprochement l’œuvre de sa vie car il y voit le seul moyen de préserver l’influence de l’Empire britannique à long terme. Ayant déjà joué un rôle dans l’entrée en guerre des Etats-Unis dans la Première Guerre mondiale alors qu’il était Lord de l’Amirauté, Churchill, devenu Premier ministre du Royaume-Uni au début de la Seconde Guerre mondiale, consacre beaucoup d’efforts à sa relation avec Roosevelt, avec quelques succès : il obtient la livraison de matériel américain clé pour compenser quelque peu le déséquilibre avec l’Allemagne via le système de crédit-bail mis en place par les Etats-Unis, en invoquant la solidarité des peuples de langue anglaise et de peuplement anglo-saxon auprès de Roosevelt. Et il influence également Roosevelt à déclarer la guerre à l’Allemagne très vite après le Japon.
Par contre, il n’arrive pas à convaincre Roosevelt d’adopter une vision impériale partagée durant la Seconde Guerre mondiale lorsque vient le moment de définir le monde de l’après-guerre et Roosevelt, issu de la tradition isolationniste impose sa vision multilatéraliste et anticolonialiste dans la Charte de l’Atlantique, la Charte de l’ONU ou le mécanisme multilatéraliste du Conseil de Sécurité avec droits de veto accordés aux vainqueurs de la guerre, y compris l’URSS communiste. Roosevelt ne fait que se situer dans la continuité des efforts de coopération entre les Etats-Unis et la Russie tsariste de Nicolas II à la fin du XIXe siècle, où le modèle de développement américain par l’industrie et les grandes infrastructures était la grande référence de la Russie. On mesure malheureusement le chemin désastreux parcouru depuis lors.
Par contre, à la faveur de la coopération opérationnelle tous azimuts des appareils d’Etat entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis pour conduire la guerre, Churchill a plus de succès à placer des partisans d’un Empire anglo-américain dans les nouvelles institutions américaines clés, créées à la fin ou juste après la guerre (Council of Foreign Relations and Atlantic Council pour la politique étrangère, CIA pour les services secrets). De même, ces agents d’influence infiltrent les nouveaux organismes multilatéraux du système des Nations unies pour les détourner de leur vocation initiale de service des Etats et de la paix dans le monde et en faire des relais chargés d’exécuter l’agenda caché de l’Empire (GATT, Unesco, Unicef, OMS, Banque mondiale, FMI, FAO…). Enfin, ces agents s’installent en maîtres dans les organisations chargées de gérer les nouvelles «colonies» issues de la victoire militaire de la Seconde Guerre mondiale, que ce soit en Europe de l’Ouest (Plan Marshall, OTAN, CED, Commission européenne puis Union européenne, relais de l’influence de l’Empire et des multinationales) ou en Asie (SCAP, Commandement suprême des forces alliées au Japon).
Projet pour un nouveau siècle américain
Après la mort de Roosevelt en avril 1945, Churchill trouve en Truman un partisan de l’interventionnisme et de l’hégémonie qui se traduira bientôt par la mise en place de l’OTAN et la politique de containment de Kennan désignant l’Union soviétique comme l’adversaire mortel des Etats-Unis. Il prononce d’ailleurs, dans son discours de Fulton aux Etats-Unis de 1946, par ailleurs fameux pour son passage sur le rideau de fer tombé sur l’Europe, un hymne à la fondation d’une union réunissant le Royaume-Uni, les populations du Commonwealth de langue anglaise et les Etats-Unis dans une «association fraternelle des forces matérielles et morales pour une coopération dans tous les domaines afin d’ouvrir les larges chemins de l’avenir pour le siècle à venir» ; on ne saurait mieux décrire le passage de l’Empire britannique à l’Empire anglo-américain.
Et, depuis la mort de Roosevelt il y a plus de 75 ans, les présidents américains ont presque tous mené une politique impérialiste et belliciste à l’échelle mondiale, d’abord au nom de la lutte contre le communisme et de la guerre froide contre l’Union soviétique, puis au nom de la lutte contre le terrorisme, puis pour la simple et pure hégémonie avec le Projet pour un nouveau siècle américain (c’est-à-dire pour assurer que les Etats-Unis dominent la planète au XXIe siècle, comme ils l’ont dominé au XXe), et maintenant pour empêcher l’alliance entre la Russie et la Chine. En reprenant le leadership de l’Empire, les Etats-Unis ont abandonné leur isolationnisme pour adopter pleinement les paradigmes de Mac Kinder.
Seuls les mandats de Kennedy et de Trump ont été de courtes parenthèses à cet interventionnisme débridé : Kennedy, voulant mettre fin à la guerre du Vietnam et initier la détente avec l’Union Soviétique, est assassiné après trois ans de pouvoir. Trump, premier président américain depuis plus d’un siècle à ne pas avoir déclenché de guerre et partisan à la fois d’un déploiement plus réduit des Etats-Unis dans le monde et du respect des sphères d’influences des grands Etats (en tout cas pour la Russie, mais beaucoup moins pour la Chine), est dépossédé d’un second mandat par un coup d’Etat institutionnel, mené par une coalition de forces impérialistes.
Déclaration de Balfour : les juifs intègrent le 3e pilier de l’Empire
Le troisième tournant est pris avec l’intégration de la fraction juive talmudique (4), messianiste et sioniste comme troisième pilier de l’Empire. Cette intégration s’est effectuée en plusieurs étapes : il y eut tout d’abord un premier réchauffement entre la Couronne britannique et les élites commerçantes juives sous Elisabeth Ire lorsque des marchands juifs espagnols préviennent la Couronne d’Angleterre des préparatifs de l’Invincible armada espagnole par leur système de courrier rapide en 1587 ; ce réchauffement se traduit par des relations d’intérêts avec la Couronne, mais le bannissement des juifs d’Angleterre édicté par Edouard 1er en 1290 reste en vigueur.
Le premier grand tournant a lieu en 1656 lorsqu’Olivier Cromwell offre aux marchands et banquiers juifs d’Amsterdam la possibilité de venir s’installer à Londres et leur octroie un statut d’extraterritorialité pour la City de Londres afin de la transformer en un centre commercial et financier encore plus prospère qu’Amsterdam, statut que la City conserve encore à ce jour. Les motivations d’Olivier Cromwell sont bien sûr d’ordre politiques et économiques mais également religieuses car les puritains, dont il faisait partie, considéraient qu’il était important que les juifs se convertissent à la religion chrétienne avant le retour de Jésus Christ, le Messie, sur terre, devant survenir après l’apocalypse dans l’Ancien Testament. Or, l’on craignait fortement l’Apocalypse à l’approche de 1666 (5).
A partir de leur pacte avec Olivier Cromwell, les élites juives marchandes et bancaires installées en Angleterre se rapprochent de l’oligarchie britannique, et encore plus de la Couronne d’Angleterre dont ils financent les expéditions coloniales de la Compagnie des Indes appartenant à la Couronne, ainsi que les guerres menées par l’Angleterre en Europe, opérations dont ils retirent des gains colossaux (6). Mais l’intégration définitive au cœur de l’Empire de la fraction juive, talmudique et messianiste a lieu avec la Déclaration Balfour de 1917 (7).
Déclaration Balfour, Théodore Herzl et le retour des juifs en Palestine
En endossant la mise en place d’un foyer juif en terre de Palestine alors sous contrôle ottoman, en pleine Première Guerre mondiale, l’Empire britannique s’assure le soutien définitif et actif des élites juives européennes dans la guerre mondiale qui fait rage, alors qu’elles étaient restées jusque-là prudemment à équidistance entre l’Angleterre, l’Allemagne et, dans une moindre mesure, l’Empire Ottoman, selon leur longue tradition.
Immédiatement après cette Déclaration Balfour, les élites juives européennes et américaines se rapprochent du gouvernement britannique et des agents d’influence britanniques aux Etats-Unis. Ainsi, dès janvier 2018, à la suite du télégramme Zimmerman (5), ils mettent toute leur influence économique, médiatique, cinématographique et politique dans la balance pour convaincre l’opinion publique américaine, le président Wilson et le Congrès américain à déclarer la guerre à l’Allemagne. C’est notamment le cas de l’emblématique Brandeis, très proche du président Wilson, premier juif nommé à la Cour suprême des Etats-Unis en 1916, et futur ardent défenseur du mouvement sioniste.
Au-delà de la sphère politique, la Déclaration Balfour, étape décisive dans la réalisation du rêve de Théodore Herzl d’un retour des juifs en Palestine (8), réactive le messianisme juif eschatologique pour le malheur de l’Humanité, y compris celui des juifs eux-mêmes, et signe aussi la victoire de la branche talmudique de la religion juive sur les composantes plus traditionnalistes, restées plus attachées à l’Ancien Testament.
Influence de la composante juive talmudique, messianiste et sioniste sur l’Empire
La seconde poussée, décisive, de l’influence de la composante juive talmudique, messianiste et sioniste au sein de l’Empire a eu lieu après la Seconde Guerre mondiale où les juifs jouèrent un rôle important dans les services secrets, notamment britanniques, ou sur le terrain militaire (comme lors de l’opération Torch de débarquement en Afrique du Nord) puis, encore plus, après la création précipitée de l’Etat d’Israël par l’Empire en 1948 en compensation de la Shoah.
En apportant sa vision, ses intérêts, et son passé de communautés opprimées durant deux millénaires en terre chrétienne (9), la composante juive talmudique, messianiste et sioniste, qui s’insère rapidement dans tous les rouages de l’Empire (administrations de défense, de diplomatie, haute fonction publique, think tank, organismes internationaux, banques) va influencer l’Empire de trois manières.
Tout d’abord, l’Empire anglo-américain est instrumentalisé comme un levier pour affirmer la domination du peuple élu de Dieu sur l’ensemble des peuples de la planète et soumettre ceux-ci à sa loi (au nom des écritures divines). Les premiers visés sont les catholiques, les orthodoxes et les musulmans qui font figures d’ennemis naturels et communs de cette alliance sioniste et protestante, qui se fait d’autant plus facilement qu’il y a de grandes convergences entre les deux sur le plan théologique.
La sécurité d’Israël : à quel prix ?
C’est ensuite l’obsession pour la sécurité d’Israël justifiant toutes les guerres, destructions et détournement des intérêts des autres nations à son profit, notamment l’intérêt objectif des Etats-Unis (10). Cette obsession pour la sécurité d’Israël est devenue tellement centrale qu’elle doit être désormais partagée et affichée également par tous les non-juifs qui souhaitent accéder aux responsabilités importantes au sein de l’Empire, en se déclarant «sionistes» et en montrant «patte blanche».
C’est enfin l’apport d’une vision eschatologique et apocalyptique de la marche du monde. Dès lors que la prophétie divine du retour des juifs en terre de Palestine annoncée par les Ecritures semble s’être concrétisée avec la recréation de l’Etat d’Israël, cette branche juive talmudique est persuadée que le reste du message des saintes écritures va se réaliser, ce qui se traduit par deux croyances extrêmement dangereuses.
En premier lieu, un grand nombre de membres de l’élite juive messianique, talmudique et sioniste, malgré leur vernis laïc du XXe siècle pour certains d’entre eux, croient profondément que l’apocalypse du monde tel que nous le connaissons est proche.
Ils croient également que cette apocalypse sera immédiatement suivie de la venue du messie qui sauvera l’Humanité sur terre et assoira définitivement la domination du peuple juif et de la religion juive, élus par Dieu, sur le reste des peuples qui auront survécu à l’apocalypse et sur les autres religions, réduites à un bouilli noachiste (c’est-à-dire abâtardies et reconnaissant la prééminence de la religion juive, comme le fait déjà le wahhabisme pour l’islam ou la religion catholique romaine après les réformes de Vatican II).
En second lieu, la branche messianique, talmudique et sioniste comporte des fractions dangereuses qui sont profondément persuadées que Dieu leur a donné pour mission de hâter l’apocalypse.
La meilleure illustration de l’influence dangereuse de ces groupes est l’emprise terrifiante et grandissante des descendants de juifs d’Europe de l’Est frankistes (11) depuis les années 1960 au sein du département d’Etat des Etats-Unis qui est devenue leur chasse gardée, tout comme la myriade d’institutions et de think tank spécialisés en politique étrangère.
Ainsi, il y eut d’abord les secrétaires d’Etat Kissinger et Brezinski, faux «réalistes» et déjà adeptes des destructions génocidaires comme dans la péninsule indochinoise pour Kissinger dans les années 1970 ou en Afghanistan pour Brezinski dans les années 1980. Kissinger est également connu pour avoir décidé de l’élimination de nombreux chefs d’Etat en Amérique latine, notamment l’emblématique Allende, mais aussi au Moyen-Orient où le roi Fayçal d’Arabie Saoudite, le président algérien Boumediène et le Shah d’Iran payent de leur vie l’outrecuidance d’avoir mené l’Opep à décider d’un embargo pétrolier contre l’Occident et les Etats-Unis en 1973 à la suite du soutien apporté à Israël durant la guerre du Kippour (12).
Ensuite, il y eut Madeleine Albright, la secrétaire d’Etat de Bill Clinton, qui éloigne encore plus les Etats-Unis de leurs racines isolationnistes et enterre la vitrine «réaliste», en parlant des Etats-Unis comme de la «nation indispensable» ou affirmait sans ciller que la destruction de l’Irak de Saddam Hussein et l’embargo subi par ce pays justifiait la mort de 500 000 enfants irakiens.
Le Plan Oded Yinon mis à jour
Puis, ce fut le premier règne des néo-conservateurs, initié par la création du «Project for the New American Century» en 1997 avec leurs têtes de proue Paul Wolfowitz, Richard Perle et Bill Kristol. Ceux-ci mettent en avant les fausses racines idéologiques trotskystes de leur fondateur, Léo Strauss, pour mieux faire oublier le plus important, leur héritage juif talmudique et frankiste (9). Avec le PNA et à la suite du 11 septembre 2001 qui leur donne l’occasion rêvée de pousser leurs plans à la fois au département d’Etat et au Pentagone, ils entraînent l’Amérique dans un déchaînement de destruction et de violence, en reprenant le plan Oded Yinon israélien de 1982 d’émiettement extrême des pays de Moyen-Orient au profit d’Israël et en faisant la feuille de route de la politique des Etats-Unis au Grand Moyen-Orient, au nom de la démocratie et des droits de l’Homme. Ainsi, les cartes israéliennes de 1982 vont, moyennant des ajustements mineurs, devenir les cartes officielles du Conseil des chefs d’état-major en 2001 (13). Rapidement, les destructions s’enchaînent dans la région, notamment en Afghanistan en décembre 2001, puis en Irak de 2003 dans une nouvelle guerre d’agression.
Là encore, les néo-conservateurs, via un de leurs affidés, Paul Brenan, orchestrent la destruction de l’Etat et de l’armée irakiens et organisent des attentats entre chiites et sunnites pour plonger le pays dans le chaos et la guerre civile et organiser l’exécution par pendaison de Saddam Hussein le jour de l’Aïd Al-Adha (fête du sacrifice) qui porte la marque de la vindicte sacrificielle talmudique contre le «néo-satrape» babylonien. Vingt ans après, l’Irak n’en est d’ailleurs pas encore totalement sorti avec, de facto, les trois zones d’influence sunnite, chiite et kurde, selon les lignes ethnico-religieuses du pays identifiées par le plan Oded Yinon.
Ces néo-conservateurs demeurent influents durant la présidence d’Obama, marquée par la double destruction de la Libye (dissolution de l’armée et de l’ensemble de l’administration, assassinat barbare de Kadhafi, et partition du pays en deux, entre la Tripolitaine et la Cyrénaïque, en répétition du scénario irakien) puis de la Syrie, obsession sécuritaire d’Israël à la faveur des «printemps arabes», et des interminables «surges» (escalades militaires sans fin) en Irak et en Afghanistan pour maintenir les guerres sans fin. C’est aussi la période où Victoria Nuland (14) se distingue en pilotant la «Révolution de Maidan» en Ukraine en 2014, révolution de couleur à l’origine de la guerre actuelle entre l’Ukraine et la Russie.
Enfin, après la parenthèse Trump, les néo-conservateurs reviennent au sommet du département d’Etat sous la présidence actuelle de Joe Biden, avec Anthony Blinken au poste de secrétaire d’Etat et, de nouveau, avec Victoria Nuland en tant que sous-secrétaire d’Etat des Affaires politiques.
Outre la présence très médiatisée des néoconservateurs/frankistes aux Etats-Unis, il ne faut pas oublier leurs homologues plus discrets au Royaume-Uni, mais également en France, avec la «secte des néocons français» au sein du ministère des Affaires étrangères qui a la haute main sur la politique française, notamment au Moyen-Orient (15). Ce groupe d’influence qui n’apparaît pas dans l’organigramme officiel a été mis en place à la suite du travail de sape des ministres des Affaires étrangères juifs sionistes d’Europe de l’Est, Bernard Kouchner (mis à la tête du ministère français des Affaires étrangères par le très sioniste et américanophile Nicolas Sarkozy (16)), puis Laurent Fabius (nommé par François Hollande). La mission réussie de cette «secte» a consisté à aligner scrupuleusement la politique étrangère française sur les directives impériales, en particulier d’enterrer définitivement la politique dite «arabe» de la France au Moyen-Orient, déjà bien timide, pour la remplacer par un soutien inconditionnel à Israël.
Mohsen Abdelmoumen
(Suivra …)
Références
1- Notons, à la décharge de Cecil Rhodes et d’Arthur Milner, que ces théories racialistes sont très courantes en Europe de l’Ouest à la fin du XIXe siècle où elles servent à justifier «moralement» la domination impériale sur les peuples colonisés comme une sorte de «droit naturel», dans l’ordre des choses.
2- Edward Gough Whitlam, Premier ministre australien, a été évincé de son poste par le gouverneur général d’Australie nommé par la Couronne en 1975 de manière anticonstitutionnelle car sa position souverainiste, hostile à la guerre au Vietnam et aux essais nucléaires britanniques et français dans le Pacifique, dérangeait.
3- Le télégramme «Zimmerman» de janvier 1917 porte le nom du ministre allemand des Affaires étrangères, Zimmerman, qui envoya un télégramme à l’ambassadeur allemand au Mexique pour lui demander d’entrer en contact avec le gouvernement mexicain pour lui proposer une alliance de revers contre les Etats-Unis en cas d’entrée en guerre des Etats-Unis contre l’Allemagne. Il est intercepté et décrypté par les Britanniques qui le transmettent aux Américains et orchestrent une formidable campagne de presse par leurs agents d’influence. Cette campagne finit par emporter la décision d’entrée en guerre du président Wilson, ratifiée par le Congrès, en avril 1917, malgré une opinion publique encore isolationniste.
4- Le Talmud, contrairement à la Torah, est élaboré par les rabbins, plusieurs siècles après l’apparition du christianisme. Il est marqué par le rejet violent de Jésus Christ et de son enseignement (puisque la diffusion de la chrétienté signifie le risque de disparition du judaïsme) et un corpus doctrinaire extrêmement hostile aux non-juifs élaboré dans un contexte de persécutions ou de marginalisation des juifs.
5- On retrouve encore cette doctrine religieuse chez les évangélistes chrétiens américains, héritiers des puritains britanniques.
6- Les guerres européennes sont une source d’enrichissement de ces familles ou réseaux marchands et financiers juifs qui financent en fait souvent les deux protagonistes des conflits européens ; c’est notamment le cas de la très célèbre famille Rothschild, banquière historique des aristocrates européens.
7- La Déclaration Balfour a été rédigée par Arthur Milner lui-même après de longues discussions au sein de son groupe, et simplement endossée Balfour, le ministre des Affaires étrangères britannique d’alors, membre éminent du groupe et connu pour ses penchants antisémites !
8- Theodor Herzl, le «prophète» juif «laïc», qui cherchait une terre pour protéger les juifs européens de la montée de l’antisémitisme à la fin du XIXe siècle choisit, malgré sa «laïcité», la terre de Palestine (en disant déjà, en dépit de sa personnalité attachante, qu’il fallait en expulser les Arabes).
9- En étendant cette psyché victimaire à son passage en terre musulmane, la propagande israélienne permet également de justifier la persécution sans état d’âme des Palestiniens.
10- Les Etats-Unis se retrouvent entraînés dans des guerres sans fin au Moyen-Orient malgré l’affirmation officielle par leurs présidents d’autres priorités comme le fameux «pivot vers le Pacifique» qui n’arrive pas à se concrétiser depuis Obama, en 2008.
11- Le frankisme est un mouvement juif «hérétique» qui s’est développé durant les XVIIIe et XIXe siècles, sous l’égide de Jacob Frank, qui prétendait au titre de messie juif (1726-91) et exigeait de ses partisans de rejeter les normes religieuses et de transgresser toutes les règles morales. Né dans la mouvance du sabbataïsme (du nom de Sabbataï Tsévi, autre messie autoproclamé préconisant le Mal et toutes les transgressions), le frankisme est resté particulièrement célèbre pour ses rituels de meurtres et d’orgies. Même après sa disparition formelle, il continua à inspirer de nombreux groupes en Europe de l’Est jusqu’au début du XXe siècle, certains ayant d’ailleurs perdu leur lien avec le judaïsme mais tout aussi pervers (une des dernières «figures» de cette tradition immorale est Raspoutine qui a fait partie des khlysts, dont la branche débauchée prétendait vaincre le péché par le péché et la débauche comme une sorte d’étape purificatrice sur le chemin de la rédemption).
12- Le roi Fayçal est poignardé par un neveu ayant longuement vécu aux Etats-Unis, tandis que le président Boumediène et le shah d’Iran meurent de la même maladie, extrêmement rare, la maladie de Waldenström (ayant une incidence de cinq personnes sur un million), le shah d’Iran ayant été évincé préalablement par l’ayatollah Khomeini, avec le soutien des Occidentaux.
13- Ces cartes ont été publiées en 2005 par le colonel Ralph Peters et sont longtemps restées la référence pour l’état-major de l’armée américaine au Grand Moyen-Orient.
14- Victoria Nuland était alors secrétaire d’Etat adjointe en charge des Affaires européennes et de l’Eurasie (on ne cache plus l’héritage mac kindérien), et par ailleurs demeure la femme à la ville d’un des chefs de file des néoconservateurs, Robert Kagan.
15- «La face cachée du Quai d’Orsay : enquête sur un ministère à la dérive» de Vincent Jauvert ou «Enquête : la secte des néocons squatte le Quai d’Orsay» du journal Marianne.
16- Le rôle principal du sioniste américanophile Nicolas Sarkozy durant son mandat présidentiel a consisté à arrimer définitivement la France à l’Empire en abdiquant trois piliers de souveraineté (c’est-à-dire la capacité à prendre des décisions autonomes) : adoption de la politique étrangère impériale et sioniste déjà mentionnée, mise sous tutelle militaire par le retour de la France au sein du commandement intégré de l’OTAN (en refermant la «parenthèse» de souveraineté militaire gaulliste) et mise sous tutelle juridique et institutionnelle de la France à l’Union européenne, en imposant le projet de Constitution européenne, pourtant rejeté par référendum, au peuple français par le truchement d’un vote parlementaire illégitime du Traité de Lisbonne, quasiment identique au projet de Constitution (autre création de l’Empire pour vassaliser les Etats d’Europe de l’Ouest, après la victoire alliée de la Seconde Guerre mondiale et instrument de vassalisation des pays d’Europe de l’Est après la chute de la dissolution du bloc soviétique).