Les gaz torchés, une opportunité pour la production de l’hydrogène

 

        Par Nadjib Drouiche


Selon l’Agence internationale de l’énergie, 144 milliards de m3 de gaz naturel ont été brûlés à la torche dans le monde en 2021, soit l’équivalent de la demande en gaz naturel de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud ou de 20% de l’ensemble de l’Afrique. Cela a entraîné l’émission directe dans l’atmosphère d’environ 382 millions de tonnes de CO2 et d’autres gaz à effet de serre (GES). Selon la Banque mondiale, le torchage est un gaspillage monumental d’une ressource naturelle précieuse qui devrait être utilisée à des fins productives, telles que la production d’électricité.

Le torchage du gaz naturel en Algérie a été responsable de 15,33 mégatonnes d’émissions de dioxyde de carbone (CO2) en 2021. Au cours de la période observée, un pic de plus de 17,5 mégatonnes de CO2 a été enregistré en 2020. Au total, 3,2 milliards de mètres cubes de gaz naturel ont été brûlés à la torche dans le pays en 2020.
Ce niveau élevé de torchage de gaz en Algérie pourrait menacer notre marché d’exportation de gaz vers son principal marché. En effet, l’Europe s’apprête à mettre en place son mécanisme d’ajustement des émissions de carbone aux frontières.

L’Algérie a de nombreux avantages à assainir l’industrie pétrolière et gazière et à réduire le brûlage de gaz à la torche.
En réduisant le torchage du gaz, l’Algérie pourrait générer des revenus pour réinvestir dans des sources d’énergie à faible émission en carbone et jouer un rôle clé dans la transition énergétique.
Au niveau réglementaire, l’Algérie a amendé une loi en 2019, la loi n°19-13, qui interdit le brûlage à la torche et le dégazage, sauf sous certaines conditions, mais ne précise pas d’objectif ou de limite.
Par ailleurs, la contribution nationale déterminée dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat (NDC), des actions envisagées dont la réduction, d’ici 2030, des volumes de gaz brûlés à la torche à moins de 1%, vraisemblablement du volume total de gaz associé (et non du gaz naturel total) produit. En 2018, la compagnie pétrolière nationale Sonatrach a approuvé l’initiative de la Banque mondiale «Zéro torchage de routine d’ici 2030».

A titre d’exemple d’avancée technologique, la compagnie H2-Industries développe actuellement une technologie permettant de convertir le gaz de torchère en hydrogène propre. Le processus qui utilise la pyrolyse pour convertir ce déchet nocif pour l’environnement en hydrogène propre ne produit aucune émission de CO2.
Ce sont des composés organiques d’hydrogène (LOHC), qui sont capables d’absorber et de libérer de l’hydrogène par des réactions chimiques et peuvent donc être utilisés comme moyen de stockage de l’hydrogène.
Le seul sous-produit du processus est le noir de carbone sous forme solide qui peut être expédié pour l’exportation ou pour la production nationale de pneus, où il est principalement utilisé pour renforcer le caoutchouc des pneus. Mais il peut également être utilisé comme pigment, stabilisateur UV, agent conducteur ou isolant dans diverses applications de caoutchouc, de plastique et de revêtement, ainsi que dans d’autres applications quotidiennes, notamment les tuyaux, les chaussures et l’imprimerie.

Économiquement, ce procédé peut produire jusqu’à 100 kg d’hydrogène propre et 730 kg de carbone solide à partir d’une tonne de gaz. Par exemple, le traitement de 100 millions de tonnes de gaz de torchère par an pourrait produire 10 millions de tonnes d’hydrogène propre. Le prix de l’hydrogène propre est compris entre 2 et 3 dollars le kilogramme, tandis que le prix du marché est compris entre 4 et 5 dollars pour l’hydrogène vert et d’environ 3 $/kg pour l’hydrogène bleu.
Cette solution technologique présente le double avantage de produire une énergie sans carbone, tout en éliminant simultanément une série de risques graves de pollution de l’environnement causés par les composants nocifs des gaz de torchère.

Cela dit, l’utilisation de cette technologie nécessite, selon les cas, une adaptation du procédé à la composition des gaz de torche car celle-ci diffère d’une torche à l’autre ; par conséquent, le méthane pur (CH4) doit être séparé à l’aide de procédés membranaires qui permettent l’élimination des divers mélanges d’hydrates de carbone, ne laissant que du CH4 pur.
Ce méthane doit ensuite être craqué lors de la pyrolyse du méthane pour produire de l’hydrogène propre et du carbone solide sans émission de CO2 dans l’atmosphère. Avec de telles percées technologiques, qui sont actuellement mises sur le marché, le moment est peut-être venu pour notre pays de valoriser les gaz de torches pour diversifier son économie et d’adopter le principe d’une économie circulaire dans le secteur des hydrocarbures.
Enfin, l’adoption de telles technologies permet d’éviter les émissions nocives dues au torchage de gaz et de les transformer en hydrogène précieux et indispensable pour accélérer le rythme de la transition énergétique, où l’hydrogène est appelé à jouer un rôle clé, même s’il subsiste une certaine incertitude quant à la manière de trouver le bon équilibre entre l’offre et la demande.


N. D.


https://www.statista.com/statistics/1267973/gas-flaring-emissions-in-algeria/
https://h2-enterprises.com/hydrogen-from-flare-gas/
https://sweetcrudereports.com/breakthrough-technology-converts-flaring-gas-into-clean-hydrogen/
https://jpt.spe.org/technology-company-plans-to-transform-flaring-gas-to-clean-hydrogen
https://www.petro-online.com/news/fuel-for-thought/13/h2-industries-inc/using-pyrolysis-to-convert-flaring-gases-into-clean-hydrogen-and-solid-carbon/60170

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