LIVRES / RÉVOLUTION (S) !

        par Belkacem Ahcene-Djaballah   

                                                                          Livres

La « Radio de l’Algérie libre et combattante » et autres stations. Récit de Lamine Bechichi (Préface de Zahir Ihaddaden). Assala Culture Editions, Alger 2023, 71 pages en français, 80 pages en arabe et album photos de 53 pages

Un livre passé alors inaperçu. Et pourtant, son contenu a une valeur historique indéniable. L’Auteur, Lamine Bechichi, raconte, avec clarté et concision, la grande aventure de la radio algérienne, aventure qui a commencé, dit-on, en 1955, avec Larbi Ben M’hidi : en cherchant une station radio sur son récepteur, alors qu’il était chef de la Zone V (Oranie), il a l’idée d’utiliser les ondes radio pour les mettre au service de la cause algérienne. Il confie alors à son second, Abdelhafid Boussouf, le soin de mettre sur pied le projet le plus rapidement possible.

On a donc une phase itinérante, qui a débuté avec des tests de vieux appareils utilisés durant la Seconde Guerre mondiale. Des émetteurs-récepteurs rafistolés. Puis entre en scène Messaoud Zeggar (Rachid Casa ou Mister Harry) qui permet l’acquisition (auprès des Américains basés à Kenitra) d’un émetteur radio de moyenne puissance. Le jeudi 16 décembre 1956, on a la première émission en arabe, en kabyle et en français d’« Ici la Voix de l’Algérie libre et combattante, la voix du Fln et de l’Aln qui vous parle d’Algérie ». Le reste qui a duré jusqu’au 5 juillet 1962 est une longue et très belle histoire de présence (au Maroc d’abord à Rabat, puis à Tétouan et enfin à Tanger, Tunisie, Libye à Tripoli et à Benghazi, Egypte, Syrie, Irak,… mais aussi et surtout avec une station fixe, « Sawt El Djazaïr », à Nador, tout particulièrement après la proclamation en septembre 1958, du Gpra) d’engagement, de scoops, de sacrifices, de bombardements, de vie pénible… et de créativité avec des noms de légende et aux styles et voix (dont celles de Aissa Messaoudi, Bouzidi Mohamed…) aujourd’hui encore inimitables. On a eu, aussi, avec la continuation du combat libérateur, des actions, des initiatives, des soutiens… et des frictions (avec certaines autorités de certains pays qui servaient de base… et on a même eu un petit « arrêt de travail » de Aissa Messaoudi et de Madani Haouès qui se sentaient abandonnés… une « secousse imprévue ») qui ont obligé, parfois, à changer de lieux et de dénomination. Ainsi, le vocable « Sawt El Djazaïr n’a jamais été utilisé sur les ondes égyptiennes… qui préféraient « La voix du Fln et de l’Aln qui vous parle à partir du Caire »

Une aventure formidable… !

Reste, aujourd’hui encore, le problème des Archives, celles de Nador, de Radio-Tunis, des radios du Caire. « Qu’en reste-t-il » ? Et, surtout où sont-elles exactement et indisponibles jusqu’à quand ? Une interrogation douloureuse de l’auteur, lui-même acteur de premier plan d’une grande aventure médiatique.

L’Auteur : Lamine Bechichi, né à Sedrata le 19 décembre 1927, s’est éteint jeudi 23 juillet 2020 à l’âge de 93 ans.

Lamine Bechichi, un excellent bilingue, avait appris l’arabe et le Coran à quatre ans. Ayant participé, au sein de l’Aln, à la fabuleuse aventure de la communication révolutionnaire durant la guerre, à la fin des années 1960, Lamine Bechichi est conseiller au ministère de l’Education et, en parallèle, il composait des chants éducatifs. Il avait, entre autres, composé les musiques de l’émission télévisée « Al Hadika sahira » (le jardin magique). Le générique de fin était en fait un chant destiné pour fêter l’Au-revoir à l’école en juin et pour rendre hommage aux enseignants.

Il avait ensuite participé à l’organisation du Premier Festival culturel panafricain (PANAF) en 1969, puis dirigé l’Institut national de musique. Lamine Bechichi, violoniste et comédien aussi, était parmi les membres fondateurs de l’Académie musicale arabe en 1971. Il avait composé le générique du feuilleton « Al Hariq » (L’incendie) de Mustapha Badie en 1974 et écrit la partition musicale de la célèbre chanson de la Sud-Africaine Miriam Makéba, « Ana houra fel djazair ».

Après un passage du ministère de la Culture, au début des années 1980, Lamine Bechichi avait été chargé de la direction générale de la Radio algérienne, entre 1991 et 1995, avant d’être nommé ministre de la Communication en 1995.

Sommaire : Préface / Introduction/Chapitre I : Phase itinérante/ Chapitre II : « Sawt El Djazaïr » sur les radios amies/Chapitre III : La station fixe/ Bibliographie/ Témoignages (10) / Annexe (liste des militants ayant collaboré à la « Radio de l’Algérie libre et combattante » (53).

Extraits : « Il est à rappeler que le peuple libyen était tellement lié à la cause algérienne qu’une expression prit naissance grâce à notre révolution. Les Libyens disaient qu’ils voyaient le sourire de la militante Djamila Bouhired à travers la lune. Tout un symbole » (p 41), « Le vocable « Sawt El Djazaïr » n’a jamais été utilisé sur les ondes égyptiennes. On entendra plutôt « La voix du Front de libération et de l’Armée de libération nationale qui vous parle à partir du Caire » (p45), « L’équipe de l’Aln ( note : la toute première de football, comprenant alors des joueurs locaux… comme Krimo de l’Usma, Mohamed Laïfa, de l’As Skikda, Lakhdar Lack et Mostefa Titi de l’Us Tébessa, Saâyoud du Moc…) ne jouera que deux matches en Irak, le premier à Bagdad et le second à Kirkouk» (p49).

Avis : Un (petit mais formidable) recueil d’informations absolument indispensable pour connaître les extraordinaires exploits des combattants de l’Information au service de la Révolution armée.

Citations : « A L’Onu, M’hamed Yazid eut un coup magistral. Il demanda aux jeunes secrétaires de l’Onu de répéter en boucle l’appel suivant : « La délégation algérienne est priée de rejoindre la salle ». Ce fut fait au grand dam de ceux qui ne voulaient nullement la reconnaissance de notre pays » (p51), « Sawt El Djazaïr » émettant sur les ondes des pays frères est certes d’un apport appréciable, surtout pour l’opinion publique, mais rien ne vaut sa propre radio, cette arme inégalée » (p55), « Celui qui ne revendique rien, n’ a rien, ni son passé lointain, ni celui récent, qu’il nous faut sauvegarder à tout prix « (p67).

Messaoud Zeghar. L’iconoclaste algérien. La véritable histoire de Rachid Casa. Biographie-essai par Seddik S. Larkeche . Casbah Editions, Alger 2015, 381 pages, 1 500 dinars (Fiche de lecture déjà publiée. Pour rappel. Extraits. Fiche de lecture complète inwww.almanach-dz.com/histoire/bibliotheque dalmanach)

A ses côtés, tous les autres « milliardaires » du pays ne sont que des « petits » malgré tous leurs exploits ou leurs réussites.

Voilà donc un jeune homme né le 8 décembre 1926, à Saint-Arnaud (« Satarno » pour nous les Indigènes de l’époque, aujourd’hui El Eulma) qui va se lancer, dès l’âge de 15 ans, dans les « affaires » en « négociant » d’abord avec les Américains de la base militaire de Sétif. A 20 ans, grâce aux amitiés nouées, tout en militant au sein du Ppa (dont un des responsables n’était autre que Belaïd Abdesselam… qu’il retrouvera plus tard sur son chemin), il se lança dans le commerce en tous genres, à partir d’Oran… Avec la guerre, il est obligé de se réfugier au Maroc, avec un surnom, Rachid Casa (il a plusieurs surnoms dont « Mister Harry ») et un patron, le Colonel Boussouf.

Il fut chargé de créer au Maroc un atelier d’armement et d’approvisionner la révolution en matériel de tous genres (de transmission, d’armes…). C’était le décollage (56) et l’envol, à la tête d’un véritable empire international (…). Cela dura jusqu’au 8 janvier 83 avec son arrestation (par des agents de la Sécurité militaire), son long emprisonnement (quasi-secret) durant plus de 1000 jours, jusqu’au 16 octobre 1985… en Algérie. « Descente aux enfers » et mort à Madrid en 87 (empoisonné selon A Berrouane) !

L’Auteur : De formation interdisciplinaire (sciences de gestion, sciences politiques, avocat, expert en gestion stratégique des risques, professeur-chercheur…), il a mis quatre années pour rechercher des informations, pour rencontrer des personnes concernées par la vie de son héros. (…)

Avis : Un ouvrage qui devrait être étudié dans les Écoles de Management et d’Affaires du pays… La mondialisation-globalisation ainsi que l’ « esprit d’entreprise » compris et pratiqués par un Algérien de formation moyenne mais visionnaire, bien avant l’heure. Dommage qu’il ait été « abattu » en plein vol par ses « frères » et « amis » (…)

Extraits : « Zeghar était par excellence un entrepreneur international qui était déjà dans la mondialisation, avec un sens aigu de la recherche d’opportunités diverses et de montages complexes » (p 142)(…)


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