Ne manquez pas notre émission du 21 août 2024, consacrée au Congrès de la Soumam du 20 août 1956.
Invité: Professeur des universités en médecine et politologue, Bélaïd Abane est l’auteur de plusieurs essais sur l’histoire politique du mouvement national et de la guerre de libération algérienne dont L’Algérie en guerre, Abane Ramadan et les fusils de la rébellion (Harmattant), La lune à Targa N’ Zemmour (Les Impliqués) . Belaid Abane, est un proche parent du leader de la révolution algérienne et architecte du Congrès de la Soumam.
Mouvement national, la place décisive du Congrès de la Soummam
Le Congrès de la Soummam, tenu du 13 au 20 août 1956, est un événement marquant dans l’histoire de la Révolution algérienne. Cet acte fondateur a permis de structurer la Révolution, d’unifier les forces nationales et de poser les bases d’une direction politique claire. Dans cet article, nous allons explorer le contexte, les enjeux et les conséquences de ce congrès, ainsi que l’importance de son héritage dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie.
Contexte historique du Congrès de la Soummam
Avant de plonger dans les détails du Congrès de la Soummam, il est essentiel de comprendre le contexte historique dans lequel il s’est tenu. En 1954, la lutte pour l’indépendance de l’Algérie a été déclenchée par le Front de Libération Nationale (FLN). Cependant, cette lutte était marquée par un manque de structure politique et d’objectifs clairs. Le 1er novembre 1954, les premiers actes de rébellion ont été menés, mais sans une doctrine politique définie.
Le congrès a été organisé pour remédier à ce vide et a permis de rassembler les différentes factions du mouvement national. L’objectif principal était de donner une assise politique à la Révolution, de définir une stratégie et de mobiliser le soutien international. Le Congrès de la Soummam a donc été un moment clé pour établir des institutions qui allaient guider la Révolution vers la victoire.
Les acteurs clés du Congrès
Le Congrès de la Soummam a vu la participation de nombreux leaders révolutionnaires, dont Bélaïd Abane, qui a joué un rôle central dans son organisation. Abane, en tant qu’architecte du congrès, a compris l’importance d’unir les différentes composantes du mouvement national. Il a également insisté sur la nécessité d’une direction politique forte qui devait être distincte de l’action militaire.
Les congressistes ont discuté de divers sujets, notamment la primauté de la politique sur le militaire. Ce principe a été au cœur des débats, car il visait à établir une hiérarchie claire entre les décisions politiques et les actions militaires. Cette distinction était cruciale pour éviter les dérives militaristes et garantir que chaque action militaire soit guidée par des objectifs politiques.
Les débats et les décisions du Congrès
Le Congrès a abouti à plusieurs décisions majeures qui ont façonné le cours de la Révolution. Parmi celles-ci, la création du Conseil National de la Révolution Algérienne (CNRA) et du Comité de Coordination et d’Exécution (CCE) a été déterminante. Ces organes ont permis de structurer la direction de la Révolution et de coordonner les efforts militaires et politiques.
Un autre point clé abordé lors du Congrès était la question de l’unité nationale. Les congressistes ont compris que le succès de la Révolution dépendait de la capacité à surmonter les divisions internes. Ils ont ainsi décidé de mettre de côté les rivalités pour se concentrer sur l’objectif commun de l’indépendance.
La portée internationale du Congrès
Le Congrès de la Soummam a également eu des répercussions sur la scène internationale. En instituant des organes de direction et en affichant une volonté d’unité, le FLN a pu se positionner comme un acteur légitime de la lutte pour l’indépendance. Cela a permis d’attirer l’attention de l’opinion publique internationale et de renforcer le soutien à la cause algérienne.
Les congressistes ont compris l’importance de la diplomatie et de la communication pour faire entendre leur voix. Ils ont ainsi cherché à établir des relations avec d’autres mouvements de libération et à sensibiliser les puissances internationales à la situation en Algérie. Cela a contribué à internationaliser la question algérienne et à faire pression sur le gouvernement français.
Les défis et les critiques
Malgré les succès du Congrès de la Soummam, des défis importants ont émergé. Certaines factions, notamment celles issues du Mouvement National Algérien (MNA), ont critiqué la direction du FLN et remis en question la légitimité du congrès. Ces critiques ont révélé des fractures au sein du mouvement national et ont mis en lumière les tensions entre les différentes factions.
De plus, la question de la primauté de la politique sur le militaire a suscité des débats. Certains dirigeants militaires ont perçu cette approche comme une tentative de limiter leur autonomie et leur pouvoir. Cette tension entre les objectifs politiques et les réalités militaires a continué à influencer la dynamique de la Révolution.
L’héritage du Congrès de la Soummam
Le Congrès de la Soummam a laissé un héritage durable dans l’histoire de l’Algérie. Il a établi des principes qui continuent d’influencer la pensée politique algérienne contemporaine. La distinction entre politique et militaire, ainsi que l’importance de l’unité nationale, restent des thèmes récurrents dans les débats politiques actuels.
De plus, le Congrès a servi de modèle pour les mouvements de libération à travers le monde. En cherchant à créer une direction unifiée et en mobilisant le soutien international, le FLN a ouvert la voie à d’autres mouvements cherchant à obtenir leur indépendance. L’exemple algérien est devenu une source d’inspiration pour de nombreuses luttes à travers le globe.
Conclusion
En somme, le Congrès de la Soummam a été un moment décisif dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. En réunissant des leaders, en établissant une direction politique et en internationalisant la cause, il a permis de donner une nouvelle impulsion à la Révolution. Alors que l’Algérie continue de faire face à des défis politiques et sociaux, l’héritage du Congrès rappelle l’importance de l’unité, de la vision politique et de l’engagement envers la justice et la liberté. Ces leçons demeurent pertinentes pour les générations futures, qui doivent s’inspirer de l’histoire pour construire un avenir meilleur pour l’Algérie.
Congrès de la Soummam 20 aout 1956: un dispositif de sécurité de génie
Au-delà de sa réussite globale, notamment sa contribution à la restructuration de la révolution algérienne, le congrès de la Soummam du 20 août 1956 a fait et fait encore impression par sa tenue au nez et à la barbe de l’ennemi grâce à un dispositif sécuritaire que tous les témoignages des moudjahidine qualifient de génie.
A la veille du 68e anniversaire du congrès, le directeur du musée du moudjahid de Bejaia, Redouane Hadi, a relevé dans un bref entretien à l’APS, que le dispositif sécuritaire mis en place « relevait d’une prouesse tactique inégalée ».
« Quelque 3.000 Djounoud étaient mobilisés pour la circonstance, mais aucun ne connaissait le motif exact de sa mission », a-t-il dit, ajoutant que tous les acteurs engagés dans la sécurisation du congrès, notamment le colonel Amirouche, ont « veillé scrupuleusement au grain ».
« La mission n’était pas simple », a relevé M. Hadi, expliquant qu’outre les congressistes répartis sur plusieurs villages environnants, notamment Tighbane, Timiliouine, Ighil Oudlès et Tizi-Maghlès, qui avaient fait office d’un véritable cordon de sécurité, la quasi-majorité des leaders de la révolution dont Krim Belkacem, Abane Ramdane, Zighoud Youcef, Amar Ouamrane, Lakhdar Bentobbal et d’autres, ont pris part au congrès.
« Leur atteinte aurait provoqué une catastrophe », a estimé M. Hadi, qui a ajouté, paraphrasant Abane Ramdane, que « l’organisation du congrès à Ifri était une folie ».
Pour la sécurité du congrès de la Soummam, Amirouche avait tout calculé pour éviter toute surprise et éviter le moindre risque. Des informateurs avaient été placés dans toutes les structures immédiates de l’armée coloniale et chargés de suivre ses mouvements des semaines durant.
Feu Djoudi Attoumi, ancien officier de l’ALN, ne cessait de répéter que la stratégie mise en place alors a permis à ce conclave, organisé du 13 au 20 août dans la clandestinité et dans une région hostile, notamment sa proximité d’un quartier général militaire basé à Akbou à 20 km de là, de se dérouler sans qu’il ne soit perturbé par le moindre incident, et sans que rien ne filtre de sa tenue, encore moins des échanges qui avaient eu lieu.
« C’était ultra-fermé, rien ne pouvait fuiter car même les moudjahidines affectés à la sécurité ou à l’organisation n’en n’étaient pas informés », a-t-il expliqué.
Sur les crêtes du lieu du congrès, culminant à 1.000 mètres d’altitude, des vigies y avaient été postées pour surveiller les mouvements de troupes, a rapporté Djoudi Attoumi dans ses mémoires écrites dans son livre référence, « Chroniques des années de guerre dans la wilaya III historique ».
Le directeur du musée du moudjahid de Bejaia a relevé, dans ce cadre, que le colonel Amirouche, qui ne laissait rien au hasard, surveillait même les approvisionnements destinés aux congressistes, en insistant sur la multiplication des fournisseurs de sorte à ne pas attirer l’attention et la curiosité des mouchards.
Sur le plan opérationnel, pour garder le secret sur Ifri, Amirouche a déployé ses Djounoud dans toute la vallée de la Soummam, multipliant les embuscades et autres actions dans des endroits éloignés pour faire diversion et occuper l’ennemi dans des opérations vaines et mobilisatrices de troupes, à l’instar de la coupure de la ligne ferroviaire entre Akbou et Ouzellaguene, qui a donné à l’armée française du fil à retordre.
« Tout a été mis en place et mis en œuvre de façon géniale, audacieuse mais clairvoyante de sorte à réussir le congrès », a conclu M. Hadi.