Tentative de coup d’État au Niger : Le Sahel otage de l’instabilité

 Une tentative de coup d’État a été mené hier au Niger. Le président Nigérien, Mohamed Bazoum, a été retenu par des membres de la Garde présidentielle. Une action anti-républicaine qui a été vivement dénoncée au niveau régional et international, notamment par l’Algérie, et qui ravive les inquiétudes concernant la région du Sahel. Une région minée par l’instabilité politique et qui est devenue un foyer du terrorisme.

La présidence nigérienne a annoncé hier que Mohamed Bazoum, est retenu par des membres de la Garde présidentielle (GP) qui ont « engagé un mouvement d’humeur anti-républicain » et « tenté en vain d’obtenir le soutien des forces armées nationales et de la Garde nationale ». « L’armée et la Garde nationale sont prêtes à attaquer les éléments de la GP impliqués dans ce mouvement d’humeur s’ils ne reviennent pas à de meilleurs sentiments », indique la présidence nigérienne dans un communiqué, relevant que « le président de la République et sa famille se portent bien ». Au moment où nous mettons sous presse, la situation était toujours confuse au Niger à propos de cette tentative de coup d’État. Une chose est sûre, cette action suscite de sérieuses inquiétudes concernant l’évolution de la situation au Sahel, d’autant plus que le Niger était le seul pays qui s’était illustré par une transition politique démocratique réussie après l’élection en 2020 de l’ancien ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, de la Sécurité publique, de la Décentralisation et des Affaires coutumières Mohamed Bazoum a au poste de président au second tour de la présidentielle face à l’ex-président Mahamane Ousmane.

Car la région du Sahel est depuis les dernières années un foyer d’instabilité politique permanent, avec des pays gérés par des autorités de transition mise en place à la suite du double coup d’État au Mali (2020 et 2021), du coup d’État au Burkina Faso en 2022, et de la confusion qui a suivi le décès de l’ancien président Idriss Deby en 2021 au Tchad.

Alger suit de près la situation

Une instabilité politique qui s’associe à des difficultés économiques dans des pays aux États devenus faillibles. Une situation qui favorisé le développement du terrorisme dans la région lequel y prospère au point de devenir l’épicentre du terrorisme international.

Une situation qui suscite l’inquiétude, notamment de l’Algérie qui partage des frontières avec le Niger et le Mali, et qui a fermement condamné la tentative de coup d’État. Ainsi, un communiqué du ministère des Affaires étrangères et de la communauté nationale à l’étranger a indiqué hier que « l’Algérie suit avec une profonde préoccupation les développements de la situation dans la République sœur du Niger et condamne avec force la tentative de coup d’Etat qui s’y déroule ». « L’Algérie réaffirme son attachement aux principes cardinaux qui guident l’action collective des Etats africains au sein de l’Union Africaine, dont notamment le rejet catégorique des changements anticonstitutionnels de gouvernement », ajoute le communiqué. L’Algérie a également demandé « instamment

que soit mis fin à cette atteinte inacceptable à l’ordre constitutionnel et à cette violation grave des exigences de l’Etat de droit ». Et de souligner l’impératif pour tous d’œuvrer à la « préservation de la stabilité politique et institutionnelle de la République du Niger, gage d’une paix et d’une stabilité durables dans ce pays frère et voisin qui fait face à des défis considérables dans une région, déjà confrontée à des crises multidimensionnelles d’une acuité sans précédent ». Par ailleurs, le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a pris attache, sur instruction du Président de la République, Abdelmadjid Tebboune,avec son homologue nigérien, Massaoudou Hassoumi. Selon un communiqué du MAE, cette communication téléphonique qui a porté sur les développements de la situation au, « s’inscrit dans le prolongement du communiqué officiel par lequel l’Algérie a condamné avec force la tentative de coup d’Etat qui se déroule dans ce pays frère et voisin ». avant de préciser qu’Ahmed Attaf a demandé à son homologue nigérien « de transmettre au Président Mohamed Bazoum, le soutien et la solidarité de son frère le Président Abdelmadjid Tebboune, dans cette épreuve particulièrement pénible pour la République du Niger », ainsi que « les souhaits du Président Abdelmadjid Tebboune de voir la République sœur du Niger triompher rapidement de cette adversité et reprendre la voie de la stabilité politique et institutionnelle ».

Notons que la tentative de putch a été également condamnée par l’Union africaine, la Cédéao et l’ONU.  Le président de la commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, a condamné « fermement de tels agissements » de la part de membres de la Garde présidentielle, « en totale trahison de leur devoir républicain », leur demandant « de cesser immédiatement » cette « inacceptable entreprise », dans un communiqué publié mercredi après-midi. Moussa Faki a appelé « le peuple nigérien, tous ses frères en Afrique, en particulier la Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), et dans le monde, de joindre leurs voix pour une condamnation unanime d’une telle tentative (…) ». La Cédéao avait condamné auparavant « avec la plus grande fermeté la tentative de prise du pouvoir par la force » en cours au Niger et appelé les membres de la Garde présidentielle « à libérer immédiatement et sans condition » le Président Bazoum. « C’est avec stupeur et consternation que la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (CEDEAO) « a pris connaissance de la tentative de coup d’Etat au Niger » , indique un communiqué de l’organisation régionale qui « appelle les auteurs de cet acte à libérer immédiatement et sans condition le président de la République démocratiquement élu ». Pour sa part, Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a « fermement condamné mercredi une tentative de prise de pouvoir au Niger ».

Lyes Saïdi


                           Sahel: la fin de la Françafrique?

Les événements tout récents au Niger placent Paris et l’Occident dans une situation doublement inconfortable. Au-delà de l’incertitude pour la suite des relations politiques et militaires, le pays africain est également un important producteur d’une ressource stratégique nommée uranium. S’il est encore difficile de faire des prévisions sur la suite immédiate de la situation dans ce pays, le fait est que l’Occident refuse une fois de plus à admettre que le rejet de sa politique par les populations africaines ait atteint le summum.

Les Forces armées nigériennes ont déclaré, mercredi, avoir pris le pouvoir et suspendu toutes les institutions de la République. Réunis au sein du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) – dans une déclaration diffusée sur la télévision publique, les militaires ont annoncé avoir décidé de mettre fin au régime du président Mohamed Bazoum.

«Cela fait suite à la dégradation continue de la situation sécuritaire et à la mauvaise gouvernance économique et sociale», a déclaré le colonel-major de l’armée de l’air du Niger Abdourahaman Dandjodi. Les représentants militaires ont également décidé de la fermeture des frontières terrestres et aériennes jusqu’à nouvel ordre et de l’instauration d’un couvre-feu.

Le régime hexagonal, dont le Niger restait l’un des principaux et derniers alliés sur le continent africain, n’a pas manqué de condamner ce qu’il appelle «la prise de pouvoir par la force». Les autres régimes occidentaux, dont les USA, devraient fort probablement adopter la même posture.

S’il est effectivement encore difficile de faire des prévisions quant à la suite des événements au Niger, y compris compte tenu de la forte implication des réseaux françafricains et occidentaux dans ce pays, le fait est que l’événement en question ne fait non plus seulement de confirmer, mais surtout d’élargir et de renforcer la thèse qu’Observateur Continental avait plusieurs fois relayé. A savoir l’expulsion pure et simple du régime hexagonal du continent africain. Du moins dans sa forme néocoloniale et extrêmement arrogante.

En termes de perspectives, les défis pour les Occidentaux sont aujourd’hui doubles. D’une part, le Niger représentait jusqu’à encore tout récemment le principal allié des Occidentaux dans le Sahel, notamment dans la prétendue «lutte antidjihadiste». Une lutte que les régimes occidentaux n’ont jamais réellement mené tout au long des années précédentes et cela sans même rappeler que le renforcement du terrorisme dans le Sahel est une des conséquences directes de la destruction de la Jamahiriya libyenne de Mouammar Kadhafi par l’Otan.

Et dans les événements observés dans d’autres pays, en misant sur la souveraineté, le panafricanisme, la diversification des partenariats extérieurs et les valeurs de l’ordre multipolaire international, comme notamment au Mali et au Burkina Faso – rien ne peut garantir aujourd’hui aux régimes de l’Occident à pouvoir garder leur mainmise au Niger.

Ceci étant dit, il serait naïf de croire que les dits régimes ne tenteront pas l’imposition de leur agenda, dans un pays aussi stratégique. D’autant plus et qu’au-delà de la présence militaro-politique occidentale, le Niger fait partie des principaux producteurs de l’uranium à l’échelle mondiale. Une production dont profite très largement le régime hexagonal et d’autres intérêts occidentaux. Et pour ceux qui l’auraient oublié – la France a beau revendiquer le statut de puissance nucléaire – le fait est qu’elle dépend largement des livraisons externes d’uranium. Et à ce titre et comme le reconnaissent les médias hexagonaux en termes de ces livraisons – la France est totalement dépendante des livraisons en provenance justement du Niger et de certains autres pays.

Quant à l’ensemble européiste nommé UE – le Niger fait tout simplement partie des deux principaux fournisseurs avec le Kazakhstan. Rien que cela. Pendant ce temps et à titre d’information, le taux d’électrification du Niger aujourd’hui représente moins de 20%.

Dans cette configuration, il est évident que l’Occident, à l’instar de ce qui a été longuement observé au Mali voisin et à d’autres endroits du continent africain – tentera de s’accrocher jusqu’au bout. Et à cet effet, il ne sera d’ailleurs nullement étonnant que les nostalgiques de l’unipolarité aillent de nouveau à accuser les adversaires géopolitiques du petit monde occidental des événements en cours. Tout en prétendant, également une fois de plus, à ne pas voir ni comprendre les seules et véritables raisons du rejet de la politique occidentale à divers endroits du monde, dont bien évidemment en Afrique.

Tout comme le fait que bien souvent le leadership militaire de nombre de pays concernés ne fait que suivre les aspirations populaires de la société civile de ces nations. De manière générale, si aujourd’hui il ne fait pratiquement pas de doute que le système néocolonial de la Françafrique vit ses dernières heures dans le Sahel et à l’échelle continentale de l’Afrique, la situation est fortement semblable pour les autres régimes occidentaux ayant fait preuve d’une totale incapacité à s’adapter aux aspirations des populations africaines et aux règles qui ressortent de l’ordre multipolaire international contemporain.

Mikhail Gamandiy-Egorov


     Niger : Le général Tchiani s’autoproclame «président du Conseil national» 

 –

Le chef de la garde présidentielle, qui retient toujours le président élu Mohamed Bazoum, a justifié le putsch par «la dégradation de la situation sécuritaire» dans le pays.

Le général Abdourahamane Tchiani, chef de la garde présidentielle nigérienne, a en effet lu ce vendredi 28 juillet,  un communiqué à la télévision nationale en tant que «président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie», terme désignant la junte qui a renversé mercredi le président élu Mohamed Bazoum, et qui le retient captif depuis.

Dans son allocution, le général Tchiani a justifié le coup d’Etat par «la dégradation de la situation sécuritaire» dans le pays, miné par la violence de groupes jihadistes. Il a par ailleurs dénoncé «le discours politique» du gouvernement qui niait selon lui «la dure réalité avec son lot de morts, de déplacés, d’humiliation et de frustration».

«L’approche sécuritaire actuelle n’a pas permis de sécuriser le pays en dépit de lourds sacrifices consentis par les Nigériens et le soutien appréciable et apprécié de nos partenaires extérieurs.»

Après le Mali et le Burkina Faso, le Niger, jusqu’alors allié des pays occidentaux, devient le troisième pays du Sahel, miné par les attaques de groupes liés à l’Etat islamique et à Al-Qaïda, à connaître un coup d’Etat depuis 2020.

Le putsch au Niger a provoqué une vague de protestation sur la scène internationale, de l’Union européenne à la Cédéao.

R.I/Agences

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *