Culture du blé en Algérie : quelles parades contre la sécheresse ?

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Dans la culture du blé, l’Algérie qui fait face à une double menace doit s’adapter rapidement en changeant de paradigme.

Dans un champ de blé de Guelma dans l’est algérien le jaunissement des feuilles atteste d’un manque de pluie. Autre signe inquiétant, le sol argileux se craquelle.

S’il ne pleut pas en avril, la récolte 2023 de blé risque d’être compromise et avec elle l’espoir de l’objectif national des 30 quintaux à l’hectare.

Dans de nombreuses régions d’Algérie, la situation est identique. Partout les agriculteurs espèrent qu’il pleuve. Malgré les fissures du sol où il est presque possible d’y glisser la main, à Sétif l’ingénieur Mahfoud Makhlouf reste confiant.

Sur les réseaux sociaux, il témoigne : « J’ai déjà vu des années identiques. Tout n’est pas perdu. S’il pleut abondamment durant le mois d’avril, on peut avoir une belle récolte. Certes, il y aura moins de grains sur les épis mais les grains seront plus gros. »

Les agriculteurs les plus chanceux qui disposent de moyens d’irrigation arrosent à tour de bras leurs parcelles de blé.

Signe de la gravité de la situation due à la sécheresse, l’Institut national des sols, de l’irrigation et du drainage (Insid) a envoyé mercredi dernier un nouveau bulletin d’alerte à l’irrigation des parcelles de blé, le deuxième en moins de 15 jours.

Une ciblée sur les wilayas de Bouira, Aïn Defla, Chlef, Mascara, Médéa, Relizane, Saïda, Sidi Bel-Abbès, Tlemcen et Tiaret. C’est principalement le nord-ouest de l’Algérie qui est concerné, mais également une partie du centre avec le cas de Bouira.

L’Insid argumente son alerte par une analyse détaillée de la situation :  « L’épuisement de la dose d’irrigation de la précédente alerte induit par la quasi absence des pluies combinée à la hausse des températures et tenant compte du niveau de la réserve hydrique en eau du sol qui a atteint le seuil critique, une alerte à l’irrigation d’appoint est lancée ». Le communiqué préconise l’apport d’une dose d’eau de 45 mm.

Des sécheresses plus fréquentes

Les agriculteurs algériens sont confrontés à plusieurs épisodes de sécheresse  : avant la période de semis ou  après semis ou durant le printemps. Les agriculteurs ont toujours connu ces sécheresses.

Dans le Sersou (Tiaret), des agriculteurs racontent encore cette anecdote arrivée à un agriculteur européen venu s’installer dans la région du temps de la période coloniale.

Étonné de ses  mauvaises  récoltes, ses ouvriers lui avaient expliqué : « Dans la région, ce sont les pluies d’avril qui font le succès de la récolte ». Les agriculteurs racontent avoir entendu le colon répondre, « dans ces conditions, je repars ».

Aujourd’hui, le problème réside dans la plus grande fréquence de ces épisodes de sécheresse qui touchent l’Algérie.

Un problème mondial

Que ce soit dans les plaines semi-arides du Pacific Northwest aux Etats-Unis, du sud de l’Australie ou en Syrie, agriculteurs et agronomes tentent de trouver des parades au manque de pluie. Leur défi est d’arriver à ce que le blé puisse résister à ces épisodes de stress hydriques souvent suivis de pluies salvatrices.

Pour les agronomes australiens, une des clés passe par les dates de semis. Ils ont calculé que chaque jour de retard par rapport à la date optimale de semis cause une perte de 25 kg par hectare. Un chiffre non négligeable dans le cas algérien quand, en moyenne, les semis sont souvent effectués avec des retards d’un mois.

Ils ont également abandonné le labour, une opération qui dessèche le sol, et recommandent de laisser de la paille sur le sol et grâce au GPS de réduire la circulation désordonnée des engins agricoles dans les champs. Mis bout à bout, ils affirment que ces mesures permettent de gagner l’équivalent de 75 mm de pluie.

Se basant sur les aptitudes de l’ancienne variété de blé Moro, des agriculteurs américains sèment plus profondément en conditions sèches afin de profiter des premières pluies d’automne.

Partout la course est lancée pour trouver les techniques qui permettent d’économiser l’humidité du sol. Depuis longtemps dans les plaines canadiennes, le semis du blé est accompagné des engrais et d’herbicide afin d’éliminer, dès les premiers stades de croissance du blé, toute concurrence pour l’eau.

Au Maroc, face aux sécheresses récurrentes, nos voisins ont décidé de réduire leurs exportations de légumes et l’Office chérifien des phosphates (OCP) a lancé une grande campagne de sensibilisation des agriculteurs.

Plus de 35 groupes d’agriculteurs ont été équipés de semoirs spécifiques permettant de se passer de labour. Des techniciens ont été recrutés afin de réaliser des essais chez les agriculteurs en comparant anciennes et nouvelles techniques. Résultat, des gains de 30% de rendement et une réduction des coûts de culture.

Une culture devenue sophistiquée

En plus du danger que constitue la sécheresse, l’Algérie fait face aussi à la précarité de son modèle agricole, basé sur des techniques archaïques. La sécheresse et le retard technologique de l’Algérie constituent une double menace pour la culture du blé dans le pays.

Produire du blé dans des environnements sous contrainte climatique requiert un savoir-faire technique qui n’a plus rien à voir avec les pratiques d’antan. Nombre d’experts étrangers évoquent un retard technologique entre ce qu’ils pratiquent chez eux et ce qu’ils constatent dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA).

Produire avec succès du blé nécessite de réunir plusieurs paramètres : variétés adaptées, semences certifiées semées à temps sans labour, localisation des engrais, désherbage de prélevée et maintien d’un minimum de résidus de récolte au sol afin de préserver la fertilité des terres.

Le tout avec rotation des cultures afin de réduire tout type de parasitisme. La loi des facteurs limitant  implique que ces paramètres doivent être tous réunis. Rares sont les exploitations en Algérie qui arrivent à ce degré de sophistication.

Culture du blé en Algérie : changer de paradigme

Par manque de ressources en eau, la majorité des superficies céréalières sous conduite pluviale, c’est-à-dire non irriguées. Il est illusoire de penser un jour à les irriguer. Aussi, les céréales continueront à être cultivées dans un contexte de déficit hydrique. Une situation pour laquelle existent des parades.

Celles-ci nécessitent la remise en cause des pratiques ayant cours dans les campagnes. Il est difficile de prétendre à des augmentations de rendement de blé à l’hectare avec des semis en retard d’un mois ou de miser sur le tout labour alors que cette pratique est dénoncée pour son rôle dans le dessèchement accéléré du sol.

Nombre de missions d’experts sont venues en Algérie pour prodiguer des conseils aux services agricoles, mais sans jamais être écoutées.

Les alertes de l’Insid sont là pour rappeler la gravité de la situation et le retard en Algérie dans l’emploi des techniques nouvelles adaptées aux conditions de culture en milieu semi-aride.


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