Les relations diplomatiques russo-européennes entrent dans l’époque des ténèbres (Partie II)

   

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Dans le cadre du nouveau caractère des relations russo-occidentales qui s’est instauré depuis le début de l’année 2022, la suspension par la Russie de sa participation au traité sur la réduction des armements stratégiques offensifs Start II/SNV III n’a été qu’une suite logique et parfaitement prévisible: face à la menace déclarée et partiellement mise en œuvre par l’Occident vis-à-vis de la Russie, cette dernière a procédé à la suppression légale des restrictions au développement de son armement stratégique.

Le bouclier anti-missile américain sur le sol européen. Le temps propice pour Washington est arrivé: le déploiement supplémentaire de systèmes de défense antimissile (ABM) américains dans l’Union Européenne sous les auspices de l’Otan est imminent. La Maison Blanche est parfaitement consciente qu’avec, notamment, la mise en service des missiles stratégiques russes porteurs de charge nucléaire, basés sur des technologies révolutionnaires et sans égal qui ont vu le jour dans les dernières années – la neutralisation par les systèmes de défense existants d’une éventuelle frappe nucléaire du sol américain ou européen entreprise par la Russie s’avère être impossible, sans même la prise en compte de la composante sous-marine de l’adversaire.

Le déploiement supplémentaire du système américain de défense antimissile sera mis en œuvre non pas en tant qu’une protection effective contre la menace russe, ni en tant qu’un élément symbolique. L’objectif visé sera parfaitement pragmatique: outre sa composante de renseignement et la dotation de l’infrastructure par lanceurs universels capables de lancer des missiles à tête nucléaire, il consistera à l’augmentation du degré et la consolidation à long terme de la domination politico-militaire américaine sur le continent européen.

Cette initiative, contrairement à sa version précédente, n’aura plus besoin de requérir à des déclarations mensongères, comme auparavant, sur la soi-disant protection contre l’hypothétique menace nucléaire iranienne. A noter que la probabilité de l’utilisation, à l’avenir, du territoire de l’Ukraine en tant qu’une composante de la défense anti-missile face à l’hypothétique menace nucléaire russe est mathématiquement proche de zéro absolu.

La flûte de Hamelin et les distorsions de la réalité. Pour tous les experts qui n’ont pas perdu le sens de la réalité, il est parfaitement évident que la Fédération de Russie n’a aucune attention, de son côté, ni par le passé, ni au présent, d’entrer en guerre contre les pays de l’Union européenne. Ce n’est qu’en instaurant artificiellement dans l’imaginaire collectif, par la classe dirigeante occidentale d’une association des valeurs ukrainiennes à celles des valeurs européennes et en introduisant l’idée totalement coupée de la réalité du destin commun des deux par les techniques de manipulation des masses, telles que le filtrage et la distorsion de la réalité via l’outil de médias mainstream, que les masses ont acquis la croyance dans le sérieux de la menace russe.

Les futures dépenses faramineuses de certains pays de l’Union Européenne, dont la France et l’Allemagne, dans le réarmement dit conventionnel seront un engagement financier sans aucun rapport réel avec l’hypothétique menace russe.

Du côté de la Russie, la force de dissuasion nucléaire est considérée, à juste titre, comme un élément suffisant pour assurer la mission qui est la sienne: dissuader les adversaires d’engager leurs armées dans une confrontation directe avec la Russie, ce qui, selon la doctrine militaire russe en vigueur, mènerait directement à des frappes nucléaires de représailles.

Les déclarations du contraire sont à l’opposé de la réalité économico-militaire et ne sont que de la démagogie adressée à des masses préformatées dans le cadre de la poursuite des objectifs politiques préétablis de ses auteurs, parfaitement conscients, en ce qui les concerne, de la futilité de leurs propos.

Les paroles de l’ancien directeur de la CIA, William Casey, prononcées en 1981, «Notre programme de désinformation aura atteint son but lorsque tout ce que le public américain croira sera faux», brillent aujourd’hui sur le vieux continent avec des couleurs ravivées.

L’époque des ténèbres dans la diplomatie russo-européenne. Pour donner suite à l’anéantissement des relations bilatérales à l’initiative occidentale dans l’intégralité des domaines stratégiques, le nouvel modus operandi à long terme de la Fédération de Russie vis-à-vis de l’Union Européenne consistera dans l’absence totale de confiance vis-à-vis des engagements du signataire de l’ouest: plus aucun équilibre ne sera basé sur les signatures et ratifications des accords bilatéraux, mais sur la parité des forces armées. Les relations diplomatiques russo-européennes entrent dans l’époque des ténèbres.

La suspension de la participation de la Russie dans le traité Start II, dont le maintien ne peut exister que dans le cadre du niveau actuel des relations entre les parties prenantes et les parties intéressées, est le second pas stratégique russe dans ce sens.

Le premier pas a été la sortie de la Russie du Conseil de l’Europe. Contrairement à des déclarations purement mensongères, afin de sauver la face, c’est bien la Fédération de Russie qui a quitté l’organisation par sa décision souveraine et n’a pas été exclue, comme ceci est prétendu. Le 15 mars 2022, Marija Pejčinović Burić, la secrétaire générale du Conseil de l’Europe a reçu une lettre officielle dans ce sens, envoyé par Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères de Russie. À la suite de cette décision de Moscou, le lendemain, le 16 mars 2022, une réunion extraordinaire de l’organisation a été tenue au cours de laquelle il a été «décidé» l’exclusion la Russie du Conseil de l’Europe.

L’un des prochains pas politique de la Russie d’une importance majeure sera, très certainement, la suspension de sa participation au sein de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), dont elle est co-fondatrice. La suspension aura lieu à la suite du comportement abusif et illicite des pays-membres du bloc occidental vis-à-vis du fonctionnement de l’organisation, ce qui remet en cause la viabilité même de la plateforme de l’organisation servant au dialogue sécuritaire. Si la Russie entreprenne sa suspension – le sens même de l’existence de l’OSCE sera remis en cause, car, sans la participation russe les objectifs de la structure ne peuvent jamais être atteints.

Les funérailles du Start II. La Russie a déclaré qu’elle ne quitte pas le traité, mais ne fait que suspendre sa participation. Néanmoins, étant donné que le présent accord qui est entré en vigueur en 2011 et a été prolongé pour 5 ans en février 2021 – arrive à son terme en février 2026 – il est fortement improbable qu’avant la date de son échéance les relations russo-américaines puissent se normaliser au point de relancer les contrôles réciproques des sites de défense stratégique.Par ailleurs, vu que le document constitutif ne prévoit pas la possibilité de le suspendre, mais uniquement de le quitter, il est fort probable que, très prochainement, les États-Unis vont le dénoncer et le quitter suivant la Russie.

De ce fait, le traité Start II entre la Russie et les États-Unis d’Amérique sur les mesures visant à réduire et à limiter les armements stratégiques offensifs peut être considéré comme mort et enterré, au même titre que les relations diplomatiques russo-européennes et l’autonomie politico-militaires du vieux continent.

Oleg Nesterenko, Président du Centre de Commerce & d’Industrie Européen 

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