S’il est délicat de réduire la place de la femme au Moyen-Orient aux mesures dictées par l’islam et les traditions, force est de constater que les sociétés de la région restent majoritairement guidées par des visions patriarcales. Pourtant, des avancées existent, des progrès ont été enregistrés dans la lutte contre les disparités, tandis que les Iraniennes se révoltent contre le port du voile, devenu symbole de l’oppression.
Le 16 septembre 2022, Mahsa Amini meurt dans un hôpital de Téhéran des suites des blessures infligées par la police des mœurs qui l’avait arrêtée trois jours plus tôt pour port inapproprié du voile islamique. La tragédie est le déclencheur en Iran d’un soulèvement majeur, notamment guidé par des femmes dans un pays où elles représentent la moitié de la population : 43,49 millions sur 87,92 millions en 2021 (au 1er juillet), selon l’ONU. Depuis, nombreuses sont celles qui refusent de porter tout type de tissu sur le visage ou les cheveux, défiant ainsi une obligation imposée par le régime né en 1979. Le cas iranien n’est pas isolé : mis à part le vent de révolution, les statistiques régionales donnent une tendance similaire dans la plupart des États du Moyen-Orient. Les femmes y sont nombreuses, éduquées, aspirant à travailler, à faire de la politique et, surtout, à avoir les mêmes droits que les hommes.
Une région en retard
Le Maghreb et le Machrek présentent de grandes différences, même s’ils sont unis en quelque sorte par la religion (l’islam) et une langue majoritaire (l’arabe) – Israël est ici exclu. Si la plupart des régimes en place reconnaissent l’islam comme religion d’État, la charia n’est pas toujours source de loi : la Tunisie reste laïque dans les pratiques et l’Arabie saoudite, régie par un pouvoir religieux omniprésent. Mais, dans les deux cas, les femmes sont à la fois très présentes (la moitié de la population nationale), alphabétisées (à plus de 70 %) et touchées par le chômage (au moins 20 %). D’autres critères interviennent pour révéler des disparités : les femmes sont plus sujettes aux problèmes de santé que les hommes, notamment l’obésité ; elles ont moins accès aux nouvelles technologies, comme Internet.
Le Moyen-Orient arabo-musulman se classe en queue du classement 2022 du Forum économique mondial sur les disparités entre sexes : sur 146 pays enregistrés, le premier de la région, les Émirats arabes unis, arrivent en 68e position, les autres restant en dessous de la 119e (Liban), tandis que les dernières sont occupées par l’Afghanistan (146e), l’Iran (143e), l’Algérie (140e), etc. (1). De même, selon l’Union interparlementaire, la moyenne de la représentation des femmes dans les Parlements du Maghreb et du Machrek atteint 16,9 % au 1er janvier 2022. C’est certes un bond important par rapport à 1995 (4,3 %), mais ce chiffre est le plus bas au niveau mondial (2). Et l’institution rappelle que la région a enregistré un recul de la présence des femmes dans les Assemblées, notamment en Algérie. Rappelons que beaucoup de régimes sont autoritaires (et sans élections libres) ou des démocraties dysfonctionnelles. Enfin, dans les pays en guerre ou traversant une crise sévère, les femmes et les enfants sont les premières victimes civiles.
Des avancées… et des reculs
Certaines avancées sont à souligner, même dans un système aussi strict que le saoudien. Dans le royaume, où elles doivent porter le voile et l’abaya en public, les femmes n’avaient pas le droit de conduire jusqu’à 2017 ; l’année suivante puis en 2019, elles sont autorisées à créer une entreprise et à voyager en dehors du pays sans l’autorisation d’un tuteur masculin. Mais lorsqu’elles osent s’exprimer contre le régime ou font preuve de trop de liberté, elles finissent en prison. Et leur statut juridique inférieur à celui des hommes reste la base du problème en Arabie saoudite, mais aussi en Iran ou dans de nombreux pays de la région. Ainsi, en droit civil, les inégalités sont fortes, et peu de mesures officielles – voire aucune – sont prises (3). Au Maroc, si le Code de la famille a été modifié en 2004 pour empêcher le mariage de mineures, en matière d’héritage, les femmes n’obtiennent que la moitié d’un homme du même degré de parenté. Quant à l’égalité salariale, aucun État du Moyen-Orient n’a adopté de normes légales à ce sujet. En droit pénal irakien, un homme reconnu coupable de viol peut obtenir un allégement de peine s’il épouse sa victime.
Nombreuses sont les ONG à dénoncer régulièrement ces situations, rappelant que l’égalité des genres est la base d’un meilleur développement économique et de la démocratisation des institutions. En 2011, les « printemps arabes » avaient laissé poindre l’espoir d’améliorations, mais les évolutions – et leur effectivité – ont été faibles (4). Alors que l’Afghanistan replonge dans l’obscurantisme des talibans depuis août 2021, l’Iran est sous observation. Les autorités obligent non seulement le port du voile – ce que le Coran ne mentionne pas explicitement –, mais elles maintiennent également des normes extrêmes, comme l’interdiction de chanter en public, de se marier avec un étranger, de refuser d’avoir des relations sexuelles avec son mari, ou la condamnation à mort dès l’âge de neuf ans… Les manifestations organisées après la mort de Mahsa Amini rappellent que les femmes, en Iran et ailleurs au Moyen-Orient, savent être les actrices du changement.
Notes
(1) WEF, Global Gap Report 2022, 2022.
(2) Union interparlementaire, Les femmes au Parlement en 2021, 2022.
(3) IMC Worldwide, Situation Analysis of Women and Girls in the MENA and Arab States Region : A Decade Review 2010-2020, 2021.
(4) Juliette Gaté, « Droits des femmes et révolutions arabes », in La Revue des Droits de l’Homme, no 6, 2014.
Le roi Mohammed VI appelle à la révision du code de la famille
Le monarque a confié au ministère de la Justice la tâche de réviser le code de la famille en vue de son application dans un délai de six mois
Dans le cadre des Hautes instructions royales, le cabinet du ministère de la Justice sera chargé de la révision et de l’édition du Code de la famille, en confiant son approbation au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et du ministère public.
Selon un communiqué officiel de la Maison Royale, le monarque Mohammed VI a adressé une lettre au chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, concernant la révision du Code de la famille. Cette lettre royale concrétise la décision royale annoncée par SM le roi dans le discours du trône pour l’année 2022 et traduit la haute priorité que le Souverain continue d’accorder à la promotion des questions relatives à la femme et à la famille.
L’adoption du Code de la famille en 2004, durant les premières années du règne de Mohamed VI, a marqué une avancée significative pour les droits des femmes en interdisant notamment la polygamie et le mariage des enfants. Dans le cadre de cette réforme, le code du statut personnel a été remplacé par le code actuel, auquel plus de 300 articles ont été ajoutés.
Parmi les principales modifications promues par le monarque en 2004, on peut citer le fait que les deux époux sont responsables de la famille (art. 4), que l’âge de 18 ans est égal pour les deux sexes en ce qui concerne la préparation au mariage (art. 19) et qu’il n’est plus nécessaire que le tuteur de la femme intervienne dans la légalisation du mariage (art. 25).
Cependant, les organisations de défense des droits de la femme ont récemment demandé une deuxième révision de cette loi afin de déterminer la voie vers la parité. Elles ont également demandé, entre autres, que les droits de succession soient garantis, que le mariage des enfants soit interdit et que les mariages entre personnes de religions différentes soient autorisés.
Le Souverain a confié au ministère de la Justice la responsabilité de gérer collectivement et collégialement la préparation de cette importante réforme, parallèlement à la mission que Sa Majesté le Roi a confiée au Chef du gouvernement par la présente lettre, compte tenu de l’importance des aspects juridiques et judiciaires de cette question, au Conseil supérieur de la magistrature et à la Présidence du Parquet.
Sa Majesté le Roi a demandé aux organisations susmentionnées de collaborer étroitement à cette réforme avec les autres organismes directement concernés par cette question, tels que le Conseil national des droits de l’homme, le Conseil supérieur des oulémas et l’agence gouvernementale chargée de l’intégration sociale et de la solidarité, en l’ouvrant également aux fonctionnaires, aux membres de la société civile, aux universitaires et aux membres de la famille.
Avant que le gouvernement n’élabore la législation pertinente et ne la soumette au Parlement pour approbation, les Hautes Instructions Royales ont l’intention de soumettre les amendements proposés qui résulteront de ces larges consultations participatives au Haut Patronage de SM le Roi, garant des droits et des libertés des citoyens, dans un délai maximum de 6 mois.