Israël : État-zombie ?

         

 

Par Mourad Benachenhou

«Israël persiste à se déclarer comme l’État juif appartenant aux Juifs du monde entier, alors même que ceux-ci ne sont plus des réfugiés persécutés mais des citoyens de plein droit, vivant en parfaite égalité avec les habitants des pays où ils ont choisi de continuer à résider. Cette dérogation profonde au principe sur lequel se fonde la démocratie moderne et le maintien d’une ethnocratie sans frontières pratiquant une sévère discrimination à l’encontre d’une partie de ses citoyens continuent de trouver leur justification dans le mythe de la nation éternelle, reconstituée pour se rassembler, un jour, sur la ‘’terre de ses ancêtres’’.»
(Shlomo Sand
Comment le peuple juif fut
inventé de la Bible au sionisme.
Fayard, Paris, 2008, p. 36)

L’impunité dont bénéficie la colonie de peuplement d’Israël et l’indulgence que lui accorde la «communauté internationale» échappent à toute argumentation rationnelle. Toutes les explications, même celles mettant en avant les «intérêts stratégiques» des «maîtres de ce monde», dans une région particulièrement importante dans le système hégémoniste actuel, ne tiennent pas la route, tellement les actes d’Israël échappent à toute règle écrite ou orale destinée au maintien d’un minimum d’ordre humainement acceptable dans ce monde.
Il faut donc rechercher ailleurs que l’ordre de ce monde l’explication à cet «exceptionnalisme» dont jouit l’entité sioniste.
On vient encore une fois de vivre un exemple patent de cet exceptionnalisme dans les violents évènements actuels, c’est-à-à-dire le déroulement, en direct, de la mise à mort, par carbonisation ou par écrabouillement, du peuple palestinien, sous le couvert d’une guerre entre «Hamas», «organisation terroriste», et «Israël», présentée comme la victime «innocente d’une agression à la fois inexplicable et inattendue», selon les thuriféraires de cette entreprise génocidaire qu’est le sionisme, dont la devise demeure «Une terre sans peuple pour un peuple sans terre», niant, ab initio par principe et définitivement, l’existence même du peuple palestinien.
Les «démocraties avancées post-modernes» se sont remises à l’heure «Goebbels» pour couvrir ces évènements dramatiques et particulièrement sanglants dont la victime est le peuple palestinien.

Une présentation falsifiée des évènements en Palestine occupée
Ces évènements sont unanimement présentés par les leaders, tout comme par la majorité des classes politiques et l’ensemble des médias, comme la guerre entre «un groupe terroriste», dont on ne saurait dire le nom sans subir les foudres des lois, d’un côté, et de l’autre, un État, décrit comme «victime pacifique et innocente» d’attaques «barbares», «non justifiées, et dont les citoyens auraient subi», «sans le mériter», le pire des traitements de la part des membres de ce «groupe terroriste» au «nom interdit !»
On aurait souhaité que cette présentation des faits soit caricaturale. Mais, elle résume parfaitement ce que tant les responsables politiques de ces «démocraties avancées» voudraient, tout comme leurs «médias indépendants» voudraient faire croire au téléspectateur comme à l’auditeur et au lecteur captifs, car, au nom de la lutte contre «la propagande ennemie» et «l’incitation au terrorisme», dans ces pays, où régnerait la liberté d’expression sans réserves et sans limites, on a tout simplement, non seulement imposé une seule version des évènements, mais également, réprimé judiciairement toute présentation des faits contraire à la ligne éditoriale officiellement prescrite.

Le retour en force de Goebbels et la répression de la «liberté d’expression» !
Dans cette atmosphère «goebbelsienne», tous les amalgames sont permis, toutes les comparaisons historiques les plus invraisemblables sont remises en circulation, tous les rapprochements les plus absurdes sont usés et abusés, tous les sigles censés représenter «le mal dans toutes ses dimensions» sont jetés en pâture aux oreilles innocentes. Bref, il y aurait, d’un côté, l’innocence «trahie», et de l’autre «la barbarie» à l’état naturel pur.
Jamais, dans les temps modernes, la falsification des faits n’a atteint cet excès. Le mensonge est devenu la règle dans la présentation de la tragédie que subit le peuple palestinien depuis déjà cent ans, et qui est peint comme «coupable de se défendre». Pas un brin d’équité, pas un semblant d’objectivité ne viennent équilibrer ce «mensonge de destruction massive» qui fait de la victime un criminel et justifie la violence impitoyable qui la frappe.
En fait, ce qui est visé à travers cette présentation totalement fausse des évènements actuels, c’est non seulement la délégitimation du droit du peuple palestinien à se défendre contre un indu occupant de ses terres, mais également le refus même de son droit à l’existence.

L’objectif : délégitimer le droit à l’existence du peuple palestinien
Les adeptes de «Goebbels» nient, à travers la ligne qu’ils ont adoptée, l’existence de ce peuple et son lien avec le territoire de la Palestine historique. Ils lui reprochent son insistance à se voir reconnaître son droit, historiquement assis, à vivre en paix dans ce territoire, attribué par les puissances coloniales, à certains de leurs concitoyens, au nom «d’un droit divin.»
Pour eux, le peuple palestinien commet un blasphème en s’accrochant à cette terre, et en acceptant de souffrir pour y préserver sa présence.
C’est un sacrilège qu’il commet, et qui mérite la punition cruelle qu’il lui est affligée. Cette punition serait «juste» car elle serait religieusement assise depuis la plus Haute Antiquité.
Bien que clamant leur «irréligiosité sans faille» et leur adhésion à «une laïcité sans taches, ces thuriféraires de la cause sioniste et ces «négationnistes» de l’existence du peuple palestinien sont pris d’une fureur sacrée lorsque ce peuple clame son adhésion à la terre sainte et refuse de s’en séparer.
Combattre l’occupant sioniste = un blasphème
On lui reproche donc de rejeter une croyance religieuse qui le condamne à être la victime sacrificielle, sort contre lequel il se rebelle. Selon la croyance religieuse qui anime ces «adversaires» du «terrorisme palestinien», ce «terrorisme» est criminel, non parce qu’il s’attaquerait à des «victimes innocentes», mais, pire encore, parce qu’il refuse de jouer le rôle qu’il lui est imparti par les décrets divins, c’est-à-dire tout simplement offrande sacrificielle au «Moloch» auquel est imputé l’ordre de nettoyer la terre de Palestine de toute présence autre que juive.
Souffrir, être torturé, tué, être privé de tout droit humain, se voir expulsé de ses terres, avoir ses demeures détruites sur sa tête, seraient des obligations religieuses auxquelles le peuple palestinien ne saurait échapper.
Ceux qui se chargent de l’exécution de cette obligation ne feraient que respecter un ordre divin, et donc, ne sauraient être soumis aux lois humaines, qu’elles ressortissent du droit commun ou du droit international.
La loi divine étant au-dessus de toutes les lois dites «naturelles», les sionistes ne commettraient aucun crime dans leur projet de génocide annoncé du peuple palestinien. Ils seraient, par définition, au-dessus de tout jugement humain et ne rendraient compte qu’à leur Dieu de leurs actes criminels.
Défendre Israël envers et contre tous : une obligation religieuse !
Les dirigeants des «démocraties avancées», elles-mêmes, ne feraient que remplir leur devoir religieux en montrant leur solidarité sans faille avec les sionistes , en passant l’éponge sur leurs crimes, car ces crimes n’auraient rien de barbare ou de cruel, et ne violeraient aucune règle morale ou légale, car couverts par l’ordre divin d’où ils émaneraient. Dieu aurait décidé de donner aux adhérents de la religion juive la terre sacrée de Palestine, ces «démocraties avancées» ne font que se conformer à cette promesse en soutenant la colonie de peuplement d’Israël dans son projet d’anéantissement du peuple palestinien, qui ne mériterait que l’annihilation, car Dieu l’aurait ainsi ordonné.

Israël : État-zombie ?
Ainsi, Israël serait, par ce tour de passe-passe conceptuel, un État-zombie, de création divine, ne commettant, par définition, aucun crime ressortissant de la justice terrestre, et donc ne pouvant se voir appliquer aucune des lois de ce monde. Tous les actes de barbarie quotidienne qu’il perpètre contre le peuple palestinien seraient prédéterminés par la puissance divine à laquelle il serait soumis.
Tenter d’intégrer ses actes, si condamnables soient-ils, dans une logique terrestre serait impossible, car il ne serait pas maître de ses actes. Les destructions qu’il commet actuellement, les massacres qu’il entreprend contre le peuple palestinien, ne seraient rien d’autre que le résultat d’injonctions divines desquelles il n’aurait aucune possibilité de se défaire.
S’il va jusqu’à l’extrême de la cruauté, c’est le Dieu auquel il est soumis qu’il faudrait blâmer, non lui. Netanyahou, dans son extrémisme génocidaire, qu’il n’a jamais caché, et dont il s’est même vanté en public et en privé, serait lui-même un simple instrument sans maîtrise sur ce qu’il ferait.

En conclusion
Il n’existe aucune explication rationnelle à l’impunité dont jouit la colonie de peuplement d’Israël, qui fait fi tant des lois morales que des lois établies destinées à assurer un ordre mondial humainement acceptable ;
Le traitement des évènements actuels, dont est quasi exclusivement victime le peuple palestinien soumis à la mort par écrabouillement et/ou par carbonisation, vient encore une fois de susciter une vaste campagne de délégitimation de son droit à l’existence et à l’auto-défense ;
Cette campagne s’inspire directement du fameux propagandiste nazi Goebbels, et ne recule devant aucun mensonge pour charger le peuple palestinien et lui faire porter toute la responsabilité du massacre qu’il subit, et où, sous le couvert de combattre un mouvement «terroriste» sont exécutés massivement des hommes, des femmes, des enfants, des bébés, des vieillards, dont le seul crime est d’être des Palestiniens, qui sont soumis à des exactions qualifiées de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre patents ressortissant de la Cour pénale internationale ;
La seule explication restant à «l’impunité sioniste » est d’ordre religieux : la colonie de peuplement serait couverte par des ordres divins lui permettant de mener à bien son entreprise génocidaire ;
Ce serait un blasphème pour les «démocraties avancées», qui se proclament pourtant «laïques», de critiquer ou même d’empêcher activement l’exécution de cet ordre divin, donnant droit aux sionistes de vider la terre de Palestine de tout autre que les Juifs ;
Israël, elle-même, dans cette perspective, n’est qu’un État-zombie, destiné exclusivement à mettre en œuvre cet ordre divin, destinée à laquelle elle serait incapable d’échapper. Netanyahou, dans ce contexte, serait un simple exécutant sans responsabilité aucune dans la barbarie du traitement auquel il soumet le peuple palestinien ;
Israël échapperait-elle donc aux jugements humains parce qu’elle se prévaudrait de ces ordres divins et de cette mission religieuse ? Est-il justifié de maintenir son «exceptionnalisme» dans l’ordre international du fait de cette couverture divine ? Cette conception de son impunité l’innocenterait-elle des crimes qu’elle commet ? Rien n’est moins certain, et «la fin de l’histoire», si souvent proclamée, n’a rien de définitif !


M. B.


 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *